| TOISER, verbe trans. A. − Toiser qqn, qqc. 1. Vx. Toiser qqc. a) Mesurer en prenant la toise comme unité de longueur. Toiser un terrain. On enseignera, dans ces écoles, à lire, à écrire, ce qui suppose nécessairement quelques notions grammaticales; on y joindra les règles de l'arithmétique, des méthodes simples de mesurer exactement un terrain, de toiser un édifice (Condorcet, Organ. instr. publ., 1792, p. 454). b) Considérer quelque chose de façon à l'estimer; estimer une grandeur, une quantité, un prix. Synon. apprécier, évaluer.Après s'être assuré du bon état des membres et des aplombs, après avoir vérifié que la jointure qui les lie aux sabots est flexible, son regard remonte doucement, s'arrête aux pointes de l'épaule; Gardefort en toise l'écartement avec deux doigts, comme ferait un architecte (Morand, Extrav., 1936, p. 22). 2. Toiser qqn.Faire passer quelqu'un sous la toise pour mesurer sa taille. Toiser un soldat (Ac.). Un greffier les enregistra [les représentants], les mesura, les toisa et les écroua comme des forçats (Hugo, Hist. crime, 1877, p. 113). B. − Au fig. Toiser qqn, qqc.; qqc. est toisé 1. Vx. Regarder quelqu'un avec attention, l'examiner pour le juger. Je serai contrôlé, estimé, coté, toisé, apprécié enfin (Barrès, Barbares, 1888, p. 264). − Empl. pronom. réfl. Il entra dans le salon après s'être toisé dans la glace et s'être reconnu pour un fort joli homme politique (Balzac, Employés, 1837, p. 220). − Empl. pronom. réciproque. Des dizaines de Clarque et de Marlène se rencontrent, se toisent et s'évaluent, heureux de vivre et de paraître, livrés pour une heure au vertige des existences parfaites (Camus, Été, 1954, p. 25). 2. Usuel, péj. Regarder de haut, considérer quelqu'un avec défi ou avec mépris, dédain. Toiser qqn de la tête aux pieds; toiser de haut. Mon père (...) se met au premier rang pour voir de près, toiser, accabler de son mépris ce brigand, ce gueux de Louis-Philippe (A. Daudet, Rois en exil, 1879, p. 223).Le boulanger (...) me toise avec une si glaciale froideur que j'ose à peine lui adresser un bonjour (Arnoux, Roi, 1956, p. 57). − P. métaph. Les honneurs que je dédaigne, que je toise de haut (Arnoux, Double chance, 1958, p. 31). 3. Au passif, fam., vx. Être achevé. Mon mémoire est toisé, réglé, vérifié, je vous prie de me tenir l'argent prêt demain (Balzac, C. Birotteau, 1837, p. 230). − Loc. verb. C'est toisé. C'est achevé, terminé. C'est toisé, Jérôme, dans trois semaines je suis sous-chef (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 123). REM. Toisé, -ée, part. passé en empl. adj.a) Vx. Qui est mesuré à la toise. Muraille toisée (Littré). b) Subst. masc.
α) Cubage de blocs de pierres en carrière (d'apr. Noël 1968).
β) Mesurage à la toise; mesure des surfaces et des volumes. Synon. métré.Sous le prétexte de toisés et de vérification, on oblige un homme à mener la vie du couvreur; on le fait errer sur les toits à vingt-deux mètres au-dessus du niveau de la rue, sur des ardoises glissantes (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 245).c) Hist. fiscale. Édit du toisé ou, p. ell., le toisé. Édit de Mazarin ordonnant de toiser certains bâtiments des faubourgs de Paris pour les taxer en fonction de la surface bâtie. On essaya de revenir au toisé, mais il fallut encore y renoncer et y suppléer par des créations d'offices et autres expédients ruineux (MarionInstit.1923). Prononc. et Orth.: [twaze], (il) toise [twa:z], [-ɑ-]. V. toise. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1260 « mesurer en prenant la toise comme unité de longueur » (Etienne Boileau, Livre des Métiers, éd. G.-P. Depping, p. 437); 2. 1690 toiser à toise bout avant (Fur.); 3. 1798 toiser un soldat (Ac.). B. 1. a) 1721 « apprécier quelque chose à sa juste valeur » (Montesquieu, Lettres Persanes, 128, éd. E. Carcassonne, t. 2, p. 118: son esprit régulier toisoit tout ce qui se disoit dans la conversation); b) 1747 « examiner quelqu'un avec attention pour apprécier son mérite » (Gresset, Le Méchant, III, 10 ds Littré); 2. 1782 « examiner quelqu'un avec attention pour lui témoigner du dédain » (L.-S. Mercier, Tabl. Paris, t. 2, p. 219 ds Brunot t. 6, p. 1315); 3. 1830 verbe pronom. (Stendhal, Rouge et Noir, p. 150). Dér. de toise*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 214. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 208, b) 301; xxes.: a) 268, b) 407. DÉR. 1. Toisage, subst. masc.[Corresp. à supra A 1 b] Action de toiser, résultat de cette action. Le service du trafic assure le groupage des frets, effectue les opérations de toisage pour déterminer les taxations. Il établit les connaissements, certificats d'embarquement et extraits de manifestes (M. Benoist, Pettier, Transp. mar., 1961, p. 134).− [twaza:ʒ]. V. toise. − 1resattest. 1392-93 tesaige (Compt. de l'H.-D. d'Orl., exp. comm. dom., Hôp. gén. Orl. ds Gdf.), 1508 toisage (Comptes de dépenses de la construction du château de Gaillon, éd. A. Deville, p. 269); de toiser, suff. -age*. 2. Toisement, subst. masc.a) [Corresp. à supra A 1 b] Synon. de toisage (supra dér. 1).Chaque bisse a son chef, élu par tous les participants à l'eau, son conseil, ses règlements écrits, relatifs à la répartition de l'eau, au toisement qui fixe les heures, les jours de chacun (Brunhes, Géogr. hum., 1942, p. 254).b) [Corresp. à supra B 1] Action de toiser du regard. Une autre de nos forces (...), c'est l'esprit d'observation, le toisement des gens, une science et une institution de physionomistes moraux, qui nous fait déshabiller des caractères à vue de nez, entrer au fond de tous ceux à qui nous nous frottons (Goncourt, Journal, 1859, p. 598).− [twazmɑ
̃]. − 1reattest. 1522, 10 janv. (Pièces relatives au procès de Gaucher De Sainte Marthe ds R. Ét. rab. t. 9, p. 135); de toiser, suff. -ment1*. 3. Toiseur, subst. masc.,,Celui dont la profession est de toiser, de mesurer les travaux de construction`` (Jossier 1881). Toiseur en bâtiment. − [twazœ:ʀ]. Att. ds Ac. 1762-1878. − 1reattest. 1549 (Est.); de toiser, suff. -eur2*. BBG. − Archit. 1972, p. 19 (s.v. toisé). − Gohin 1903, p. 238 (s.v. toisage); p. 371 (s.v. toisé). − Schepping 1982, pp. 251-252. |