| TISANE, subst. fém. I. − A. Boisson obtenue par macération, infusion ou décoction dans l'eau de plantes ayant souvent des vertus médicinales. Tisane d'orge, de queues de cerises; tisane adoucissante, calmante, dépurative, diurétique, émolliente, purgative, rafraîchissante, sudorifique; tisane citronnée; tasse de tisane. Lorsque l'affection attendrie de MmeRaquin l'écœura, il se jeta avec délices dans une occupation bête qui le sauvait des tisanes et des potions (Zola, Th. Raquin, 1867, p. 11).Il continua à se soigner bizarrement. Il en venait aux tisanes, à des drogues extravagantes, qu'il composait lui-même (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 221). ♦ Tisane des quatre fleurs. V. fleur A 2 a. − P. métaph. Tout l'automne à la fin n'est plus qu'une tisane froide. Les feuilles mortes de toutes essences macèrent dans la pluie (Ponge, Parti pris, 1942, p. 9).Le temps coulait doucement, tisane attiédie par le soleil: il fallait se remettre à vivre (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 70). − Au fig. Ouvrage de l'esprit, discours, qui manque d'originalité, de vigueur. C'est une tisane, de la tisane. Rasseneur (...) réclamait du geste le silence (...) on refusait de l'entendre, c'était une idole renversée (...). Son élocution facile, sa parole coulante et bonne enfant (...) était traitée à cette heure de tisane tiède, faite pour endormir les lâches (Zola, Germinal, 1885, p. 1381).Lorsque dans le Globe, M. du Vergier de Hauranne traite Stendhal de « suranné partisan d'Helvétius » et de « perruque », ce dédaigneux ignore que de la pauvre tisane encyclopédique, le génie particulier de Beyle sut tirer une méthode pour vivre, sorte de dandysme intellectuel (Mauriac, Essais psychol. relig., 1920, p. 92). ♦ Tisane de + subst. abstr.[L'Irlandais] délaya sa mauvaise humeur et la sévérité de son diagnostic dans une tisane de banalités, d'axiomes (A. Daudet, Nabab, 1877, p. 36). B. − 1.
ŒNOL. Tisane de Champagne. Vin de Champagne plus doux et plus léger que le champagne ordinaire. À la fête anniversaire de la fondation de l'Institut, il y a plus de cent invités, de la tisane de champagne (Sartre, Mots, 1964, p. 28). − P. ell. Vins de Champagne (...). Les vins doux et les tisanes sont produits avec des vins légers des cuvées les moins bonnes (Ali-Bab, Gastr. prat., 1907, p. 155). 2. Fam. Mauvais champagne; p. ext., boisson alcoolisée de qualité médiocre. Je n'ai pas osé lui offrir de mon vin qui n'est plus qu'une tisane boueuse peu présentable (Bernanos, Journal curé camp., 1936, p. 1213). II. − Arg., pop. Volée de coups, raclée. Passer une tisane à qqn; recevoir une bonne tisane. [L'amant de ma mère] voulait me frictionner. À chaque coup c'était lui qui prenait la tisane (Trignol, Pantruche, 1946, p. 19). Prononc. et Orth.: [tizan]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. xiiies. tisene « décoction d'orge mondé dans laquelle on fait infuser diverses plantes » (Livre des simples médecines, 448 d'apr. Arveiller ds Romania t. 94, p. 176); ca 1393 tizane (Ménagier de Paris, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, p. 263); 2. 1872 tisane de Champagne (Littré). B. 1830 arg. « volée de coups » (Alhoy, Bagnes Rochefort, p. 153: Le forçat: J'ai la fièvre. Le gardien le frappant de sa baguette: v'là un coup d'tisane). Du lat. ptisana, tisana « orge mondé » puis « décoction d'orge », du gr. π
τ
ι
σ
α
́
ν
η « brouet d'avoine », la décoction d'orge étant, dans la méd. anc., un des principaux remèdes contre la fièvre et servant de base à des infusions ou décoctions de plantes; au xixes. le nom de tisane a été étendu à « tout liquide médicamenteux qui, contenant peu de parties actives, est destiné à former la boisson ordinaire d'un malade » (Encyclop. méthod. Méd. 1830). Le sens B s'explique prob. par un jeu de mots semblable à l'empl. arg. de mots du domaine alimentaire comme baffre, beigne, marron, oignon, ratatouille, tarte (v. Sain. Lang. par., p. 576 et 582), cf. également l'empl. de purge au sens de « punition » (1404) et « volée de coups » (1884), v. FEW t. 9, p. 613 et Rey-Cellard. On peut évoquer également (plutôt que l'infl. de l'esp. atizar « attiser » proposée par Esn.) l'infl. de tison att. du xiieau xiiies. au sens de « pièce de bois » (et en partic. au sens de « pieu servant d'arme dans un tournoi » au xiiies., v. T.-L., v. aussi Gdf. et Gdf. Compl.) sens qui a vécu dans certains parlers région. (v. FEW t. 13, p. 356), ainsi que certains de ses dér. comme tisonner « exciter, harceler » (att. aux xiiie-xives., v. Gdf. et Gdf. Compl., T.-L.) ayant subsisté en Dauphiné au sens de « taquiner » (v. FEW t. 13, p. 357; cf. également en dauph. les formes tisiccá « agacer, harceler » et tusilliè « id. », att. dep. le xviies .), altize̖ õ ku « appliquer (un coup de poing, une gifle) » (Suisse romande, v. Pat. Suisse rom., s.v. attiser) et attisat « bourrade rude », attisade « coup, bourrade » (Béarn., v. Palay), v. FEW t. 13, pp. 357-359. Fréq. abs. littér.: 249. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 219, b) 404; xxes.: a) 424, b) 399. DÉR. Tisanière, subst. fém.Récipient servant à faire infuser une tisane. (Dict. xixeet xxes.). − [tizanjε:ʀ]. − 1reattest. 1967 (L'Express, 2 janv. ds Gilb. 1980); de tisane, suff. -ière* prob. d'apr. cafetière*, théière*; d'apr. Guérin, A. Daudet aurait empl. l'adj. tisanier au sens de « qui boit sans cesse de la tisane ». BBG. − Quem. DDL t. 17, 40. |