| * Dans l'article "TIRAILLER,, verbe" TIRAILLER, verbe A. − Empl. trans. 1. [Le compl. désigne une chose] Tirer en tous sens et à diverses reprises. D'une pauvre vache, auprès d'elle accroupis, En hâte et gauchement nous tiraillions les pis (Pommier, Crâneries, 1842, p. 194).Sur l'autre banquette, une dame âgée, montée au milieu de la nuit avec sa servante, venait de s'éveiller, et, tout en tiraillant sa chaîne de montre, se penchait avec de petites tracasseries muettes vers sa compagne qui dormait encore (Lacretelle, Hts ponts, t. 3, 1935, p. 5). − Empl. pronom. Lepa l'a convoitée et Tchernyegor aussi (...) Alors ils ont commencé à se tirailler la robe, au risque de la déchirer (Mérimée, Guzla, 1827, p. 262). 2. Entretenir, provoquer des tiraillements, des douleurs à l'intérieur du corps. L'enfant (...) sentit que son estomac le tiraillait. Une pensée, qui tout de suite éclipsa la hideuse apparition de la colline, lui vint violemment: manger (Hugo, Homme qui rit, t. 1, 1869, p. 65).Votre plexus solaire, dont les innombrables filets nerveux, emmêlés, embrouillés, tiraillent dans tous les sens l'intestin et l'estomac (A. France, Barbe-Bleue, Chemise, 1909, p. 175). 3. Au fig. a) Solliciter de façon contradictoire et contrariante; disperser l'attention de quelqu'un, multiplier ses centres d'intérêt. Synon. ballotter, écarteler, harceler.Être tiraillé à hue et à dia. Je suis si absolument occupé que vous ne pourrez avoir de moi que des bouts, ainsi aujourd'hui je suis plongé dans Montaigne qui m'a tiraillé avec toutes ses diversités plus qu'il n'a jamais fait aux humains (Sainte-Beuve, Corresp., t. 2, 1838, p. 332).Et, lorsque Maurice se jeta à ce rêve fou, ce fut par un sourd mécontentement contre la Commune elle-même. Il désespérait des hommes, il la sentait incapable, tiraillée par trop d'éléments contraires, s'exaspérant, devenant incohérente et imbécile, à mesure qu'elle était menacée davantage (Zola, Débâcle, 1892, p. 591). b) Déchirer, disputer, entraîner dans toutes espèces de chicanes, de disputes. Synon. harceler.Vous me suspectez, vous me tiraillez, vous m'accusez, il faut bien que je me défende (Sand, Corresp., t. 2, 1844, p. 310).Cette lettre fut un coup de foudre, le baron y voyait éclore les déchirements intestins qui tiraillent encore aujourd'hui le gouvernement de l'Algérie entre le civil et le militaire (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 251). B. − Empl. abs. Tirailler (sur qqc. ou qqn).Tirer souvent, de manière sporadique, des coups de feu dans toutes les directions et à volonté. Les assaillants exaspérés d'être arrêtés si longtemps et de perdre tant de monde, devant une pareille bicoque, hurlaient, tiraillaient à distance, sans avoir l'audace de se ruer pour enfoncer la porte et les fenêtres, en bas (Zola, Débâcle, 1892, p. 290).Là (...) ils tiraillèrent jusqu'à l'épuisement complet de leurs munitions (A. France, P. Nozière, 1899, p. 200). − Empl. pronom. Écoutez donc Ors' Anton', comme le curé fait du tapage avec son fusil. Malheureusement on n'y voit goutte, et l'on ne se fait pas grand mal à se tirailler la nuit (Mérimée, Colomba, 1840, p. 165). − P. métaph. Il est des axiomes généraux qu'on met devant soi comme des gabions; placé derrière ces abris, on tiraille de là sur les intelligences qui marchent (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 255). Prononc. et Orth.: [tiʀ
ɑje], [-a-], (il) tiraille [-ɑ:j], [-aj]. V. -ailler. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1542 trans. « tirer à plusieurs reprises, en diverses directions » (L. Meigret, Cinq premiers livres des histoires escriptes par Polybe Megalopolitain, Paris, Galiot du Pré, fo35 vo); 2. fig. a) 1673 pronom. se tirailler qqn « s'efforcer d'attirer quelqu'un » (Sévigné, Lettre du 23 nov. ds Corresp., éd. R. Duchêne, t. 1, p. 625); b) 1675 être tiraillé par qqc. (Id., Lettre du 6 sept., ibid., t. 2, p. 94); c) 1718 « solliciter avec insistance » (Ac.); 3. 1673 intrans. « tirer des coups de feu fréquents dans des directions diverses » (Sévigné, Lettre du 8 déc., ibid., t. 1, p. 635). Dér. de tirer*; suff. -ailler*. Fréq. abs. littér.: 194. DÉR. 1. Tiraillage, subst. masc.Action de tirailler, de tirer ici et là des coups de feu sporadiques. Puig et ses hommes, de plus en plus nombreux, malgré les blessés de la place, harcelaient les troupes, dans le bruit haché du tiraillage et dans les sirènes retombantes (Malraux, Espoir, 1937, p. 449).− [tiʀ
ɑja:ʒ
], [-a-]. − 1reattest. 1937 id.; de tirailler, suff. -age*. 2. Tiraillerie, subst. fém.a) Synon. de tiraillage (supra dér. 1).Mais je vois même les briscards du détachement de la 2eDivision blindée, en position près du portail, cribler de balles les tours de Notre-Dame. Il me paraît tout de suite évident qu'il s'agit là d'une de ces contagieuses tirailleries que l'émotion déclenche parfois dans des troupes énervées, à l'occasion de quelque incident fortuit ou provoqué (De Gaulle, Mém. guerre, 1956, p. 314).b) Conflit continuel ou répété. Ces jeunes mariés s'épuisent en tirailleries futiles (Lar. Lang. fr.). − [tiʀ
ɑjʀi], [-a-]. Att. ds Ac. 1798-1878. − 1reattest. 1757 « tiraillage » (Voltaire, Lettre du 18 juin ds
Œuvres compl., Paris, Garnier, t. 39, p. 220); de tirailler, suff. -erie*. BBG. − Quem. DDL t. 20. |