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TERRER, verbe
A. − Empl. trans.
1. AGRICULTURE
a) Mettre de la nouvelle terre au pied d'une plante; répandre de la terre sur les semis, sur les prés; remonter dans le haut d'une parcelle la terre qui a été entraînée par le ruissellement (d'apr. Fén. 1970).
b) ,,Combler une cavité du sol en y faisant couler une eau qui y dépose la terre qu'elle chasse`` (GDEL).
c) Terrer une charrue. Enfoncer le soc dans le sol sur une certaine profondeur. [Quand] la graine ne doit être enfouie que très peu profondément, il faut terrer fort peu la charrue (Ballu, Mach. agric., 1933, p. 34).
2. TECHNOL. [Corresp. à terrage2]
a) Terrer une étoffe. ,,Enduire l'étoffe de terre à foulon pour la dégraisser`` (Peyroux Techn. Métiers 1985).
b) Vieilli. Terrer du sucre. Couvrir le fond du pain de sucre avec une couche de terre argileuse pour le blanchir. Part. passé en empl. adj. Sucre terré. Sucre blanchi par le terrage. On a cherché à utiliser le doux jus qui en découle [de la canne] et (...) on est parvenu à en extraire successivement (...) du sirop, du sucre terré, de la mélasse, et du sucre raffiné (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 103).
c) Terrer les graines de cacao. Débarrasser les graines de cacao de la pulpe par un traitement à base de terre. Part. passé en empl. adj. Cacaos terrés; graines terrées. Dans quelques pays (...) on les fait sécher aussitôt; dans d'autres on les enfouit dans la terre (...) Les cacaos qui ont subi cette préparation sont dits terrés (Dorvault, Officine, 1844, p. 179).
3. Vieilli
a) Arg. Tuer. Quant à Fil-de-Soie, il sera terré sous quinze jours, lors même que vous le feriez garder par toute votre gendarmerie (Balzac, Goriot, 1835, p. 225).
b) Enterrer. J'ai couru à la maison. La petite faisait semblant de dormir, son drap remonté sur ses yeux: « Lève-toi et prends la lanterne, que j'y ai dit, j'ai tué ton amant, viens m'aider à le terrer » (A. Daudet, Pte paroisse, 1895, p. 301).
B. −
1. Empl. intrans. ou pronom. [Le suj. désigne un animal] Loger, s'abriter, se cacher dans un terrier. Il faut toujours que le lapin chassé revienne terrer à son trou (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Vains conseils, 1884, p. 932).Roussard (...) s'il ne faisait pas encore de rapprochements entre la disparition des autres grands capucins et la présence de ces cousins bizarres qui se terraient au lieu de se gîter, (...) n'en sentait pas moins le désagrément de leur continuelle et agressive présence (Pergaud, De Goupil, 1910, p. 123).
2. Empl. pronom.
a) [Le suj. désigne un animé]
α) Se mettre à l'abri dans un lieu creusé dans le sol, en se couchant sur le sol. Se terrer dans une tranchée, au repli d'un terrain, sous les salves. Une salve de shrapnells tonna (...). Tous s'étaient terrés dans le fossé, ou derrière des pans de mur. En paquet, nous nous étions entassés dans une rigole étroite, creusée au pied d'une muraille en torchis (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 200).Les rues étaient encore désertes. La plupart des gens se terraient dans leurs caves. Des avions survolaient la ville (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 410).
P. métaph. Au flanc du ravin vertigineux (...), il apercevait un chapelet de lacs sinistres, quelques maisons terrées peureusement (Daniel-Rops, Mort, 1934, p. 504).
P. anal. Loger dans un lieu semblable à un terrier. Des familles de pauvres se terraient dans les ruines d'un ancien moulin écroulé (Zola, Rêve, 1888, p. 56).
β) Se retirer en un lieu secret pour échapper aux recherches, se cacher. Après la Commune, il est allé se terrer dans une crique de la côte niçoise, il y a vécu quinze ans de sardines et d'olives (Vogüé, Morts, 1899, p. 130).En 1933, c'est l'arrivée au pouvoir du national-socialisme en Allemagne (...). Les écrivains, non pas seulement les écrivains juifs et les écrivains politiques, se terrent ou s'exilent (Arts et litt., 1936, p. 48-6).
b) Au fig.
[Le suj. désigne une pers.] Se terrer + compl. prép. désignant un état, une situation.S'absorber. Synon. se réfugier.Se terrer dans le silence. Le père Crabot (...) était rentré à Valmarie, où il se terrait dans la pénitence, avec une grande ostentation d'humilité (Zola, Vérité, 1902, p. 119).Nénette se terra dans les petits travaux de ménage et d'agrément, et les soucis absorbants d'une grande maison avec jardin, en province. À dire vrai, elle n'avait guère besoin de l'amour de son mari (Montherl., Démon bien, 1937, p. 1265).
[Le suj. désigne une chose] Se cacher, se dissimuler. Il y a un socialisme non formulé, non de théorie, mais de mœurs et de penchants, un socialisme latent et se terrant parfaitement, une guerre à la priorité, à l'habit, à l'éducation et jusqu'aux manières (Goncourt, Journal, 1857, p. 319).Car toute pitié humaine cède à la nécessité de l'existence et se terre tant que la loi n'a pas repris sa souveraineté (Arnoux, Écoute, 1923, p. 90).
Prononc. et Orth.: [tε ʀe], [te-], (il) terre [tε:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1165 part. passé adj. « qui a des fondements profonds » (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 7678); ca 1180 terrer « couvrir de terre » (Jean Le Nevelon, Venjance Alexandre ds Elliott Monographs, t. 27, 790) − xvies. (1543 ds Gdf.); spéc. 1292 tierer « mettre de la terre végétale sur un champ pour l'améliorer » (Août, Flines, Arch. Nord ds Gdf.); 1701 terrer « couvrir de terre le pied de la vigne » (Liger, Nouv. maison rust., t. 2, p. 224); 2. a) 1672 « couvrir le fond du pain de sucre avec une couche de terre argileuse détrempée » (Arrêt du conseil, 26 oct. ds Littré); b) 1752 (Trév. Suppl.: Terrer l'étoffe, c'est la glaiser ou l'enduire de terre à foulon); 3. 1671 (Pomey: Terrer, Se terrer. − Mezeray − Se tapir. V. Tapir); 1680 (Rich.: Se terrer. Ce mot se dit des lapins et des renards et veut dire se cacher, se fourrer dans la terre); 1694 (Ac.: On dit communément, que Des gens de guerre se sont bien terrez, pour dire, qu'Ils se sont si bien mis à couvert par des travaux de terre, que le feu des ennemis ne leur peut nuire). Dér. de terre*;dés. -er. Cf. le lat. médiév. terrare « couvrir de terre » dep. 1185 ds Latham. Fréq. abs. littér.: 179.