| TENTATION, subst. fém. A. − [Dans un cont. relig. ou moral] 1. Épreuve à laquelle Dieu soumet l'homme pour exercer sa foi, sa fidélité. Dieu envoie à chacun des tentations selon sa force; il est mal et peu sage de leur en fournir qu'ils ne puissent pas surmonter (Gide, Journal, 1894, p. 55). ♦ Tentation de Dieu. Acte par lequel on défie, on provoque Dieu; acte de présomption par lequel on exige de Dieu un miracle pour sa satisfaction personnelle ou pour un motif disproportionné (d'apr. Dheilly 1964): La Bible mentionne une tentation de Dieu qui serait le fait des hommes. Un des plus graves reproches qu'Israël se soit attirés au cours de son histoire, c'est d'avoir tenté le Seigneur. Malgré les témoignages que Dieu a donnés de sa protection, et malgré les assurances qu'il n'a cessé d'en fournir, le peuple a douté (...) et il lui a ainsi lancé un défi.
Fries t. 4 1967. 2. Sollicitation au mal, au péché, par Satan. La tentation d'Adam et Ève; la tentation de Jésus dans le désert; la tentation de Saint-Antoine; induire, entrer en tentation. La Vie d'Adam et d'Ève raconte une seconde tentation que Satan fit subir à Ève après sa pénitence, et fait raconter par Ève elle-même sa première tentation par le serpent, qui était le diable (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 330). 3. P. ext. Attrait du mal, envie de ce qui est défendu. Assauts de la tentation; combattre, fuir, repousser la/les tentation(s); céder, succomber, s'exposer, résister à la tentation; se défendre, se garder de la tentation. De ma lutte contre les tentations dont tout jeune prêtre est assailli et qui furent mon lot normal, en particulier contre les tentations de la chair, je ne dirai rien, n'ayant pas eu de mérite particulier à les vaincre (Billy, Introïbo, 1939, p. 171).Le raisin commence à « tourner », il se colore et les pampres chargés de fruits sont une bien grande tentation pour le maraudeur; aussi les vignerons en confient-ils la garde aux « messiers », garde-vignes choisis parmi eux, et qui parcourent jour et nuit les vignes (Menon, Lecotté, Vill. Fr., 2, 1954, p. 74). − Tentation de + subst. désignant le mal accompli.Si la tentation du meurtre a certes déjà effleuré l'âme de plus d'un de ses prétendants, aucun que je sache, ne l'avait encore consommé (Arnoux, Rêv. policier amat., 1945, p. 231). − P. anal., littér. Attrait de Dieu, sollicitation au bien. Cette horrible tentation du bien. J'ai beau faire, si souvent j'y succombe! C'est un vice. Et faire le bien me flanque par terre (Montherl., Démon bien, 1937, p. 1352).Les êtres ne changent pas (...) mais ils retournent souvent à l'inclination que durant toute une vie, ils se sont épuisés à combattre. Ce qui ne signifie pas qu'ils finissent toujours par céder au pire d'eux-mêmes. Dieu est la bonne tentation à laquelle beaucoup d'hommes succombent à la fin (Mauriac, La Pharisienne, 1941, p. 277). B. − P. ext. 1. Désir, envie de quelque chose. Synon. attrait, sollicitation.Céder, résister à une tentation, à la tentation de. Je te prie, si tu restes à Paris, de m'épargner le plus possible les tentations (théâtres, expositions). J'ai juste le temps de faire ce que j'ai à faire (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1908, p. 60).Recalé en juillet à l'examen de licence, et sans courage à l'idée d'affronter une nouvelle année de thèmes latins et de thèmes grecs, j'ai cédé à une tentation subite (...) le concours d'admission à l'École des Chartes (Martin du G., Souv. autobiogr., 1955, p. l). − Tentation de + subst. désignant le plaisir, le but à atteindre.Tentation du confort, du luxe, du voyage, de la facilité, de la gloire, de la célébrité. S'ils parvenaient à s'instituer les dirigeants du soulèvement et à disposer de la force à Paris, ils auraient beau jeu d'y établir un gouvernement de fait où ils seraient prépondérants (...) entraînant le Conseil national de la Résistance dont plusieurs membres (...) pourraient être accessibles à la tentation du pouvoir (De Gaulle, Mém. guerre, 1956, p. 291). − Tentation de + inf.Tentation d'acheter, de sortir. Crois-tu que nous résisterions longtemps à la tentation de nous rejoindre? Tu sais bien que nous ne résisterions pas (Mauriac, Mal Aimés, 1945, ii, 9, p. 219). 2. En partic. Désir lié au plaisir des sens. Tentation de la chair. Elle était vraiment gentille avec ses yeux clairs fixés sur moi, si bien fixés, si clairs que j'eus une tentation terrible et j'y cédai. Je la saisis dans mes bras, et sur ses paupières qui se fermèrent soudain, je mis des baisers (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Tombales, 1881, p. 1211). Prononc. et Orth.: [tɑ
̃tasjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1remoit. xiies. « ce qui porte à enfreindre une loi morale » (Psautier d'Oxford, 94, 8, éd. Fr. Michel, p. 139); 1653 loc. induire en tentation (Ch. d'Assoucy, Le Ravissement de Proserpine, 2); 2. 1637 « désir qui pousse à faire quelque chose » (N. Peiresc, Lettres, t. 7, p. 257). Empr. au lat. chrét.temptatio « excitation, entraînement au péché » déjà utilisé en lat. class. au sens de « essai, expérience », dér. de temptare (v. tenter). Fréq. abs. littér.: 1 968. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 375, b) 2 302; xxes.: a) 2 784, b) 4 288. Bbg. Evenou (J.). La Sixième demande du Notre Père... Foi Lang. 1977, no3, pp. 185-186; « Ne nous soumets pas à la tentation... » Foi Lang. 1977, no4, pp. 285-292. |