| TAUREAU, subst. masc. A. − 1. ZOOL. Mâle non castré de l'espèce bovine dont la femelle est la vache. Habitués au sang, à son odeur enivrante, devenus rudes et grossiers par leur état d'assommeurs (...), les garçons bouchers semblent avoir emprunté du caractère du taureau. Le sentiment, la délicatesse, se sont éteints chez eux par l'habitude du sanglant métier qu'ils exercent (Champfl., Bourgeois Molinch., 1855, p. 14).Si nos armes sont heureuses et si notre ville est sauvée, je vous promets d'arroser vos autels du sang des brebis, de vous immoler des taureaux (Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 208). SYNT. Taureau ardent, farouche, féroce, fier, furieux, fougueux, impétueux, indocile, indompté, infatigable, mugissant, nerveux, robuste, ruminant, superbe, vigoureux; taureau domestique, sauvage; le taureau beugle, fonce, meugle, mugit, saillit; être poursuivi par un taureau; mener une vache au taureau. ♦ P. compar. Le jeune homme fort comme un taureau qui aime la princesse (A. France, Vie littér., 1892, p. 75).Testevel était taillé comme un taureau, mais lent et méticuleux (Duhamel, Désert Bièvres, 1937, p. 174). ♦ MYTH. Taureau ailé, sacré. En Grèce, Jupiter s'incarnait en taureau pour séduire Europe. Pasiphaé se donnait à un taureau blanc, qui la rendait mère du Minotaure. Le Dionysos des mystères était figuré sous la forme d'un taureau, ou le front armé de cornes (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 511). − ANTIQ. GR. Taureau de Phalaris. Taureau d'airain dans lequel Phalaris, tyran d'Agrigente, faisait enfermer et rôtir ses ennemis. Sa cuirasse se terminait (...) par une espèce de jupon en fer qui couvrait les cuisses et le ventre (...) les flammes montaient jusqu'à lui, échauffaient son armure et l'y brûlaient lentement comme dans (...) ce fameux taureau d'airain inventé par Phalaris (Mérimée, Chron. règne Charles IX, 1829, p. 23). − DR. COUTUM. Taureau banal. Taureau appartenant au seigneur et par lequel tous les vassaux devaient faire saillir leurs vaches moyennant paiement. V. banal ex. 1.Au fig., vx. Taureau banal. ,,Homme à qui toutes les femmes sont bonnes`` (Guérin 1892). C'est le taureau banal du canton (Ac.1798). 2. a) TAUROM. Taureau spécialement sélectionné et élevé pour la corrida. Taureau de combat, de course; affronter, combattre, tuer un taureau. Le testicule engendre l'audace, la violence, la brutalité, les caractères qui distinguent le taureau de combat du bœuf qui traîne la charrue le long du sillon (Carrel, L'Homme, 1935, p. 103).Le taureau, dans la corrida, tantôt s'absorbe lentement dans la nonchalance animale − s'abandonnant à la défaillance secrète de la mort − tantôt, saisi de rage, se précipite sur le vide qu'un matador fantôme ouvre sans relâche devant lui (G. Bataille, Exp. int., 1943, p. 144). ♦ P. compar. La bête qui est en nous se rue tête baissée vers l'appât ou l'obstacle, comme le taureau sur la banderille rouge, et cela sans plaisir, par une sorte de colère tétanique, ou pour être plus exact, par une véritable éclipse de raison (Amiel, Journal, 1866, p. 109).Chez nous, un nouveau président du Conseil surgit dans l'arène comme un taureau de combat − et il n'y aura plus de cesse pour lui jusqu'à la suprême estocade (Mauriac, Bloc-Notes, 1954, p. 125). − Combat, course de taureaux. Synon. de corrida.Les courses de taureaux ne sont pas des spectacles, ce sont des boucheries, des représentations affreuses, hideuses, horribles, et contre lesquelles, − disons le à sa louange − le peuple français a toujours protesté (Bussy, Art dram., 1866, p. 362).Le roi souffre de bientôt mourir: or, c'est à la fin du combat de taureaux que le taureau est le plus méchant (Montherl., Reine morte, 1942, II, 2etabl., 5, p. 192). b) [Dans certaines régions d'Espagne et de la France mérid.] Lâcher de taureaux. Lâcher de taureaux ou de vaches dans les rues, parmi la foule et les écarteurs. Le centre d'attraction de la fête est cependant « le taureau » avec toutes les manifestations auxquelles sa participation peut donner lieu: courses à la cocarde précédées et suivies ou non « d'abrivados » (arrivées du bétail à pied avec escorte de gardians à cheval) ou de « bandidos » (lâchers de taureaux dans la campagne en direction des pâturages des manades) (H. Bretheau, Le Taureau camargue et sa course, 1959, p. 101).Écarter un taureau. Provoquer le taureau ou la vache puis l'éviter d'un écart. V. écarter1B 3 b ex. de Daudet. B. − P. anal. 1. a) Homme très vigoureux et taillé en force. Les ambassadeurs revinrent déconfits auprès de Mithridate, déclarant que tout était perdu, qu'on avait affaire à un taureau, à un colosse ivre de victoire, qu'il n'y avait qu'à céder, que pareil démon ne s'était jamais vu (L. Daudet, Sylla, 1922, p. 106).Il a affaire à une espèce de taureau, un Canadien lourd et trapu qui le renverse presque aussitôt (Green, Journal, 1936, p. 73). b) Homme très viril. On se met à causer des copulations d'Hugo: C'est un taureau, dit l'un. − À moi, dit Gautier, MmeHugo m'a dit qu'en amour, c'était une vierge (Goncourt, Journal, 1863, p. 1315). ♦ Être un bon taureau. Être un bon reproducteur. Le marquis tape sur le ventre d'une femme enceinte et dit: − C'est du bon travail, ça! Moi aussi, je suis un bon taureau: j'ai sept enfants (Renard, Journal, 1904, p. 909). c) Arg. du théâtre, vieilli. ,,Rôle très violent, qui réclame de robustes poumons`` (Lar. 19e). Jouer les taureaux (Lar. 19e). Voix de taureau. (Goncourt, Journal, 1863, p. 904. 2. Loc. adj. De taureau a) [En parlant de l'aspect phys. d'une pers.] Qui rappelle le taureau, notamment sa masse puissante, sa musculature. Carrure, corps, épaules de taureau. Cette brute stupide et contrefaite, aux muscles de taureau (Zola, Terre, 1887, p. 423).Il a des yeux de braise, un front de penseur, des mains de pianiste, une taille de guêpe, une barbe de sapeur, des lèvres de corail, un thorax de taureau, ah qu'il est beau! (Queneau, Pierrot, 1942, p. 36). ♦ Cou, col de taureau. Cou très court, massif et puissant. Un col de taureau, large et court, assurait sur la carrure des épaules une tête osseuse, taillée à coups de serpe, où l'intelligence affinait la rusticité native (Vogüé, Morts, 1899, p. 295).V. cou A rem. ex. de Gide. ♦ Front de taureau. Front fuyant. La Bêtise au front de taureau (Baudel., Fl. du Mal, 1863, p. 125). b) [En parlant d'une chose abstr.] Qui évoque la puissance, la vigueur du taureau, son air indomptable, son tempérament fougueux. Avoir une force de taureau. Il avait une colère de taureau. Il pensait aller assommer ce M. Mauperin. Mais une fois dans ce Paris (...), il eut l'éblouissement de la bête féroce lâchée dans un grand cirque, dont la rage s'effare et qui reste court après son premier bond (Goncourt, R. Mauperin, 1864, p. 252).C'était un brave! Il avait un cœur de taureau! (...) Vous comprenez, mes amis! Un homme courageux! (Verne, Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p. 146). ♦ Voix de taureau. Voix forte et retentissante. Le plain-chant, toujours chanté ou plutôt beuglé dans nos églises par des voix de taureau (Berlioz, À travers chants, 1862, p. 262).Une voix de taureau à faire trembler les vitres et remuer les verres sur la table (Gautier, Fracasse, 1863, p. 30). 3. Loc. Prendre le taureau par les cornes. V. corne I A 1 a. C. − P. anal., ZOOL. Taureau de mer ou taureau marin. ,,Ostracion quadrangulaire, à raison de ses cornes antérieures, qui ressemblent un peu à celles d'un taureau`` (Baudr. Pêches 1827). D. − Spécialement 1. ASTRON. [Avec une majuscule] Constellation du Taureau ou, p. ell., Taureau, subst. masc. Constellation zodiacale de l'hémisphère boréal située entre le Bélier et les Gémeaux. Le Taureau contient deux amas ouverts célèbres: les Hyades et surtout les Pléiades, ainsi qu'un autre objet unique, la nébuleuse du Crabe (Muller1980). − ASTROL. Deuxième signe du zodiaque (21 avril - 20 mai) correspondant à cette constellation. Être natif du Taureau; être du signe du Taureau. En cette nuit du 21 avril, anniversaire de sa naissance, anniversaire de la naissance du monde, le soleil entrait dans le signe zodiacal du Taureau (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 574).P. méton. Personne née sous ce signe. Le Taureau voit la vie comme une source de joie pure, comme une activité positive qui apporte à celui qui l'aime et la respecte de grandes joies solides et concrètes (CurcioAstrol.1980). 2. MAR. ,,Grande barque de la Manche, à deux mâts et portant des voiles carrées`` (Gruss 1952). REM. Toro, subst. masc. taurom.,synon. de taureau. supra A 2.[El Cordobés] un médiocre matador de toros, connaissant bien deux ou trois passes et pas plus (...), mais ayant du culot et un courage phénoménal (Le Figaro littér., 19 août 1968, p. 26, col. 3).V. aficionado ex. 5. Prononc. et Orth.: [tɔ
ʀo], [to-]. En syll. accentuée, [ʀ] ayant une infl. ouvrante, taure [tɔ:ʀ] ds tous les dict. sauf Littré et Lar. Lang. fr. qui sous l'infl. de l'orth. transcrivent [to:ʀ]; ds Martinet-Walter 1973, 14/17 [ɔ], 3/17 [o]. En syll. inaccentuée, taureau, taurides, taurillon, taurin, taurobole (-ique), tauromachie (-ique) avec [ɔ] ds Barbeau-Rodhe 1930, Pt Rob. 1980, Rob. 1985; mais qqf., sous l'infl. de l'orth. et p. harmonis. vocalique [o]. Ds Lar. Lang. fr. [o] pour tous les mots de la famille. Ds Littré avec [o] taurillon, taurobolique (mais non taurobole), tauromachie (-ique); avec [ɔ] seulement taureau. Ds Warn. 1968 avec [ɔ] taureau, taurillon, mais [ɔ] parfois [o] pour tauromachie (-ique). Ds Martinet-Walter 1973 [ɔ] en majorité, partout, avec 6 ou 7 témoins pour [o]. (Lois de position et tendance à l'ouverture de o inaccentué, v. G. Straka ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg t. 19 no1 1981, p. 203, 204 et 212). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1145 torel « (jeune) taureau » (Wace, Conception N-D, éd. W. R. Ashford, 394 et 396); 1680 combat de taureaux (Mmede Sévigné, Corresp., 28 févr., éd. R. Duchêne, t. 2, p. 852); 1757 course de taureaux (Le Sage, Hist. de Gil Blas de Santillane, t. 2, p. 115); 2. 1487 toreau « constellation du zodiaque » (Vocab. lat.-fr., Loys Garbin, foOii); 1831 mar. (Will.). Dimin. de tor (ca 1145 (Wace, op. cit., 403) − 1530, Palsgr., p. 202a), qui survit dans les dial. du Nord et du Sud en bordure du domaine fr.-prov. (cf. FEW t. 13, 1, p. 130a) qui désigne régulièrement le jeune taureau, lat. taurus « taureau » et « constellation », du gr. τ
α
υ
̃
ρ
ο
ς « id. », qui désigne également un bateau lycien ayant un taureau comme figure de proue; écrit -au- par réaction étymol. Fréq. abs. littér.: 1 425. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 634, b) 1 627; xxes.: a) 1 081, b) 3 143. Bbg. Kemna 1901, p. 92. − Thomas (A.). Nouv. Essais 1904, p. 334. |