| TARD, adv. A. − 1. Après un temps qui paraît long ou relativement long; sur la fin d'une longue période. Synon. tardivement; anton. tôt.Le goût se forme tard chez les hommes ordinaires et seulement par une expérience longue, parfois pénible (A. France, Vie fleur, 1922, p. 451): 1. La culture de Marcel Proust ne ressemble à celle d'aucun autre écrivain parce que, s'étant si tard ménagé le loisir de perdre à sa guise ce temps retrouvé peu avant d'entrer dans l'immortalité, il avait lu des ouvrages que maints lettrés négligent, ignorés de bien des normaliens.
Blanche, Modèles, 1928, p. 139. − Proverbe. Mieux vaut tard que jamais*. 2. Expressions a) Tôt* ou tard. b) Trop tard, (mais) un peu tard. Après un temps trop long, au moment où une échéance est passée, où une occasion est manquée. Je ne crois pas, ô Christ! à ta parole sainte: Je suis venu trop tard dans un monde trop vieux. D'un siècle sans espoir naît un siècle sans crainte (Musset, Rolla, 1833, p. 3).Aussi bien ces analyses, d'ailleurs si remarquables, que nous allons résumer − cette adaptation des Maximes de La Rochefoucauld aux choses de la vie spirituelle − Nicole les regrettera-t-il un jour. Il essaiera, mais un peu tard, d'exorciser les scrupules qu'auront déchaînés ses charmes subtils (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 506). − [En tour exclam., avec connotation métaphys.] Trop tard! Alors le « trop tard », les deux mots inconsolés où tient tout le malheur de notre espèce, vint aux lèvres de MlleChantal, avec une plainte étouffée, un cri rauque, qu'on eût dit arraché au sein maternel (Bernanos,Joie, 1929, p. 680). − Il est bien tard/trop tard/un peu tard pour + inf. Il n'est plus temps de. En admettant que vous ayez commis une imprudence digne de mille morts, il est un peu tard pour vous alarmer touchant notre convive (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 126).Il est bien tard pour réparer tant de généreuses imprudences! Gardez un peu mieux vos secrets(Bernanos, Joie, 1929, p. 694). ♦ Il n'est pas trop tard pour + inf. Il est encore temps de. Je ne lis votre article qu'ici et aujourd'hui; mais il n'est pas trop tard pour vous dire ma reconnaissance et ma sympathie (Hugo, Corresp., 1862, p. 416). ♦ Il n'est pas/jamais trop tard pour bien faire. Var. du proverbe mieux vaut tard que jamais*. − Oui, rêva-t-elle sans conviction, si maman vous avait écoutée (...). − Il n'est jamais trop tard pour bien faire (Drieu La Roch., Rêv. bourg., 1937, p. 163).Après tout, il n'est pas trop tard pour bien faire (Camus, État de siège, 1948, 1repart., prol., p. 218). c) Plus tard
α) Dans un futur indéterminé; ultérieurement. Si cette affection toute subite qu'il éprouve pour votre enfant, devait l'amener plus tard à prendre quelques dispositions en sa faveur, vous gagneriez peut-être à ne pas irriter un vieillard pour rester dans les meilleurs termes avec lui (Becque, Corbeaux, 1882, iii, 6, p. 183): 2. ... un examen et une courte revision du catéchisme avant la première communion, et Gilbert Cloquet avait été jugé, par les plus hautes autorités qu'il connût, les seules qui se fussent occupées de son âme, suffisamment armé pour vivre honnêtement, résister à tout mal du dehors et du dedans, et conseiller plus tard les enfants qui naîtraient de lui.
R. Bazin, Blé, 1907, p. 44. − Loc. verb. Remettre, renvoyer à plus tard. Différer. Déjà un vieux a quelque chose à me demander. Je l'entraîne dans un coin. Il commence une histoire. Je le remets à plus tard, quand le conseil sera formé (Renard, Journal, 1900, p. 580). − Plus tôt ou plus tard. En avance ou en retard par rapport à un moment donné. Quand l'heure du repas eut sonné, ils entrèrent au réfectoire, non pas tous ensemble, mais un à un ou deux à deux, selon qu'ils avaient terminé plus tôt ou plus tard leur travail du moment (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 84). ♦ Plus tôt* que plus tard.
β) [Précédé ou suivi d'un compl. de temps qui précise le délai] Après. Quelques jours, quelques minutes plus tard. Six mois plus tard, une crise industrielle éclatait, le dernier retombait à six cent mille francs (Zola, Germinal, 1885, p. 1198).Là, sur une grève déserte, mais où un chercheur d'épaves de Lescoff ou de Plogoff jetterait sûrement un coup d'œil plus tard dans la journée, ils les auraient descendus (Queffélec, Recteur, 1944, p. 25). − Pas plus tard que + adv. ou loc. adv. de temps. [Pour marquer l'imminence d'un événément] Pas plus tard que demain. Je lui exposerai la situation, et pas plus tard que tout à l'heure, dès son arrivée (Pailleron, Monde où l'on s'ennuie, 1869, i, 7, p. 30). − Pas plus tard qu'hier. [Pour insister, paradoxalement, sur le caractère tout récent d'un événement] Tenez, pas plus tard qu'hier, je les ai surpris dans un couloir de la maison (Aymé, Cléramb., 1950, iv, 7, p. 226). d) Le plus tard. En tout dernier lieu, à la dernière limite, au dernier moment d'une évolution. L'histoire primitive de l'Europe celtique et germanique se résume en une série de migrations, contre lesquelles la puissance romaine et le plus tard carlovingienne s'efforcèrent, souvent en vain, de réagir (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 46).Au Palais, j'ai toujours été un solitaire. Ils m'ont élu le plus tard possible au Conseil de l'Ordre. Après tous les crétins qu'ils m'ont préféré, je n'aurais pas voulu du Bâtonnat (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 101). − Au plus tard. [Précédé ou suivi d'un compl. ou d'un adv. de temps] En envisageant le délai extrême. Il est resté à Genève pour faire quelques emplettes qu'il destine à sa cousine... Mais je pense qu'il sera ici dans deux jours au plus tard (Guilbert de Pixer., Coelina, 1801, p. 14).Si j'avais été faire un tour dans l'après-midi, il fallait rentrer au plus tard s'habiller à cinq heures (Proust, Sodome, 1922, p. 1035). B. − À une heure avancée de la matinée, de la journée ou de la nuit. Synon. tardivement; anton. tôt.Se lever, se coucher tard. Le lendemain matin fort tard, quand le geôlier le réveilla: − Il faut que vous ayez un fameux cœur, Monsieur Julien, lui dit cet homme (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 455): 3. Un soir que ma grand'mère m'avait laissé assez bien, elle rentra dans ma chambre très tard dans la soirée, et s'apercevant que la respiration me manquait: « Oh! mon Dieu, comme tu souffres », s'écria-t-elle, les traits bouleversés.
Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 497. ♦ Il est tard, il se fait tard. L'heure est avancée. Mais il est tard, vous êtes fatigués: demain je vous raconterai mon histoire (Crèvecœur, Voyage, t. 2, 1801, p. 142).− Revenons-nous au bateau? lui dis-je d'une voix ensommeillée. Il doit se faire tard, déjà (Gracq, Syrtes, 1951, p. 161). ♦ Rare, poét. ou région (Sud-Ouest), en empl. adj. Le gentil Auberon, par les tardes soirées, Mène danser au bois les filles de Nérée (Moréas, Sylves, 1896, p. 190). C. − Empl. subst. masc. Sur le tard, (parfois) vers le tard 1. Vieilli. À la fin de la journée; à une heure tardive. Un soir qu'elle était venue sur le tard à confesse, il la retint longtemps (Courier, Pamphlets pol., Réponses aux anon., 2, 1822, p. 158).Si j'avais l'habitude lâche d'écrire un journal, je mettrais: « Ce soir, dîné en dix minutes, remonté fumer, étouffé d'ennui avec un soupçon de colère sur le tard » (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1894, p. 207). 2. À la fin de la vie; dans l'âge mûr. Polyphile de génie, [Gœthe] pontifex maximus, c'est-à-dire grand constructeur de ponts entre les siècles et les formes de la culture, il vieillit lumineusement, parmi ses antiques, ses herbiers, ses gravures, ses livres, entre ses pensées et ses confidents. Vers le tard, pas un mot qu'il ne dît qui ne devint oracle (Valéry, Variété IV, 1938, p. 125).J'en ai connu des hommes qui ont couché sur le tard avec une femme vieillie par cette seule raison qu'ils l'avaient désirée dans leur jeunesse (Sartre, Mots, 1964, p. 199). Prononc. et Orth.: [ta:ʀ]. Homon. tare. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Adv. 1. Ca 1050 lui est tart quet + subj. « il lui tarde que » (St Alexis, éd. Chr. Storey, 65); 2. ca 1100 « passé le moment opportun convenable » (Roland, éd. J. Bédier, 2483); 1160-74 trop tart (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 7020); 3. id. « après un laps de temps considéré comme long » plus tart (Id., op. cit., III, 1634: Huge s'en turnë altre part, Ki de l'estur turna plus tart); 1174-76 u tost u tart (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 5714); 4. « à la fin d'une période déterminée » a) 1160-74 « à une heure avancée » soi colcheir tart (Wace, Rou, III, 6640); id. a un seir tart (Id., op. cit., III, 3645); b) 1559 « à un âge avancé de la vie » (Amyot, trad. Plutarque, Hommes illustres, Caton le Censeur, V, éd. G. Walter, t. 1, p. 754). B. Adj. 1. Ca 1265 [ms. anno 1284] « lent » (Brunet Latin, Trésor, éd. P. Chabaille, II, II, 53, p. 348: il [li sages hom] haste les choses tardes [éd. Fr. J. Carmody, II, 58, 49: tardives]); déb. xvies. tarde digestion (Jardin de santé, I, 180 impr. La Minerve ds Gdf.); 2. a) [1301 lat. médiév. tarda hora « heure tardive » (ds Martene, Thes. anecdotorum, t. 1, col. 1335 ds Du Cange, s.v. tardus)] 1450 heure tarde (Arch. nat. JJ 180, ch. 151, ibid.), syntagme relevé jusqu'à la fin du xvies. (Hug.); b) 1636 il se fait Tart « la nuit approche » (Monet). C. Subst. [xiies. tarde fém.? Gl. de Tours, p. 328 ds T.-L.: serotunum, -i: tarde] 1. 1376 quant il vient suz le tart « quand il se fait tard » (Roi Modus, éd. G. Tilander, 60, 200, p. 110); 1395 sur le tart « dans la soirée » (St Voyage de Jherusalem, 319 ds T.-L.); 2. 1656 id. « tardivement, après le moment opportun » (Corneille, Imitation, III, 44 ds
Œuvres, Paris, Seuil [L'Intégrale], 1963, p. 1003a). Tard, d'abord adv., est issu de l'adv. lat. tarde « tard, tardivement; lentement ». De l'adv., sont issus les empl. comme adj. et subst.; cf. le lat. tardus « tardif, qui tarde; lent ». Fréq. abs. littér.: 15 069. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 14 830, b) 21 402; xxes.: a) 21 175, b) 27 231. DÉR. Tardillon, subst. masc.a) Petit animal né tardivement. (Dict. xixeet xxes.). b) Enfant né tardivement après ses frères et sœurs. P. métaph. Sorte de tardillon après les Jeunes-France de 1830, il [A. Thomas] n'avait qu'(...)un génie de seconde zone (Boschot, Mus. et vie, 1931, p. 81).− [taʀdijɔ
̃]. − 1resattest. a) 1842 « agneau tardif » (Ac. Compl.), b) 1893 « enfant dernier né d'une famille » (DG), c) id. « haie à floraison tardive » (Martellière, Gloss. Vendômois, p. 302); de tard, suff. -illon (-ille* et -on1*); cf. tardon « agneau né plus tard que les autres » (1785, Fr. Rozier, Cours complet d'agric., Paris, t. 6, p. 693 b). BBG. − Regula (M.). Plus tôt que plus tard. Z. fr. Spr. Lit. 1938, t. 62, p. 227. − Togeby (K.). Gramm. fr. 4. Les Mots inv. Copenhague, 1984, p. 208. |