| TAMISER, verbe A. − Empl. trans. 1. a) Passer (une substance) au tamis ou à travers ce qui joue le rôle d'un tamis. Après la traite, le lait sera tamisé pour le débarrasser des poils, écailles, fétus de paille et insectes qui sont tombés dans le récipient (Macaigne, Précis hyg., 1911, p. 240).Les poils des narines et les cils vibratiles qui recouvrent l'épithélium de la muqueuse pituitaire, tamisent l'air en arrêtant les poussières et les germes de contamination extérieure (Baratoux, La Voix, 1912, p. 15). − [P. méton.;] [le suj. désigne un tamis; l'obj., ce qu'il ne laisse pas passer] Il est de tradition de mettre, avec la dernière hottée, la javelle de paille qui, devant la bonde, tamisait les pépins (Menon, Lecotté, Vill. Fr., 2, 1954, p. 77). − Empl. pronom. à sens passif. Une espèce d'étoupe ou de feutre qui recouvre les branchies, et au travers duquel l'eau se tamise (Cuvier, Anat. comp., t. 2, 1805, p. 625). − Part. passé en empl. adj. Passé au tamis ou épuré. Cendre de bois tamisée; gravier, sable tamisé; air tamisé. Mettre dans une terrine deux cent cinquante grammes de farine tamisée, cent grammes de sucre en poudre et une très faible pincée de sel (Gdes heures cuis. fr.,P. Montagné, 1948, p. 191). b) Empl. abs., MAR. [Le suj. désigne une voile usée] Laisser passer le vent (d'apr. Gruss 1952). c) P. métaph. Elle s'avoua ne pas s'être assez soigneusement tamisée de la lie de ce monde (Huysmans, Ste Lydwine, 1901, p. 245).V. bluter ex. 2. 2. P. anal. a) Laisser passer la lumière ou une source de lumière en en diminuant l'intensité. Synon. adoucir, atténuer, voiler.Les vitres des fenêtres, les contrevents, les jalousies, les rideaux, les feuilles, la buée, la brume, les nuages tamise(nt) la lumière; tamiser l'éclat/les feux/les rayons du soleil, le jour, la clarté, l'éclairage. Les voûtes du feuillage (...) tamisent le soleil laissant filtrer un jour faux et charmant de sous-bois (Colette, Cl. école, 1900, p. 289).Jusqu'aux chambres qui auront leurs lampes électriques avec un abat-jour qui tamisera la lumière (Proust, J. filles en fleurs, 1918, p. 607). − Littér. [Suivi d'un compl. prép. indiquant la lumière obtenue] Tamiser la lumière en poussière d'or. Un vitrage aux verres dépolis (...) tamisait la clarté en une poussière blanche, diffuse et comme suspendue (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 478).[Le compl. d'obj. corresp. à ce compl. prép.] Tamiser un jour doux. Au-dessus de nos têtes, le couvert des chênes et des hêtres tamise des petits ronds de lumière qui tombent par milliers à travers la verdure comme une pluie blanche (Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 195). − Part. passé en empl. adj. Éclairage, jour, ciel tamisé. Cette lumière tamisée, jaune et dense, que laissent passer les stores (Malraux, Conquér., 1928, p. 69).Nous causerions un moment dans un bar aux lumières tamisées (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 311). − Empl. pronom. passif. Une lumière jeune se tamisait en poussière d'or à travers l'espace (Estaunié, Empreinte, 1896, p. 302).P. métaph. Le soleil se tamisait dans le crible remué des feuilles; et le jour, ainsi bluté, se muait au contact du blanc, en rose (Huysmans, En route, t. 2, 1895, p. 57). b) Atténuer, assourdir l'éclat, la force de quelque chose. Rumeur tamisée par la distance. La pièce était obscure: on avait rabattu les rideaux pour que le jour n'entrât point; les bruits arrivaient, tamisés au travers (Estaunié, Empreinte, 1896, p. 290).À partir du troisième [étage], tout était tamisé déjà d'une brume bleuâtre (Carco, Voix basse, 1938, p. 165).Empl. pronom. passif. Parmi l'espace dépouillé, se déchirant aux mille brindilles qu'il rencontre, se tamisant aux longues cimes des peupliers ou s'émiettant à travers la ramure des chênes, le vent (...) n'exhale plus que des plaintes grêles (Pesquidoux, Chez nous, 1921, p. 203).V. brumaille1ex. c) P. métaph. Je suis sorti à midi moins un quart (...) J'étais plein de sensibilité tamisée, qui fait qu'on s'amuse dans le monde (Stendhal, Journal, t. 1, 1805, p. 265).C'est l'honneur de la Comédie-Française, d'avoir en 1942, déclenché un cas Phèdre et présenté sous un angle inattendu un chef-d'œuvre que la routine tamisait d'un voile (Cocteau, Foyer artistes, 1947, p. 169). B. − Empl. intrans., CH. DE FER. [Le suj. désigne un véhicule] ,,Donner lieu au phénomène de tamisage`` (GDEL). Prononc. et Orth.: [tamize], (il) tamise [-mi:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1166 « faire passer par le tamis » (Troie, 7140 et 18894 ds T.-L.); 2. 1799 « passer par un tamis » (Regl. et instruct. conc. les poudres de guerre, 17 germinal an VII, p. 16 ds Littré); 3. p. métaph. 1832 « passer au crible, soumettre à une analyse critique et fine » (Balzac, Curé Tours, p. 225); 4. 1853 « laisser passer (la lumière) en partie » (Du Camp, Mém. suic., p. 33); 5. 1872 mar. « laisser passer le vent (en parlant d'une voile) » (Littré). Dér. de tamis*; dés. -er. Fréq. abs. littér. Tamiser: 58. Tamisé: 81. DÉR. 1. Tamisage, subst. masc.;tamisation, subst. fém.,rare. a) Action de tamiser.
α) [Corresp. à supra A 1] La tamisation est une opération qui complète la pulvérisation (Deschamps d'Avallon, Compendium pharm. prat., 1868, p. 112).Le blutoir, qui, par l'opération du tamisage, sépare le son de la farine (Verne, Île myst., 1874, p. 373);
β) [Corresp. à supra A 2] Une foule de petits ronds de soleil dansaient gaiement sur nous, multipliés à l'infini par le tamisage léger des goyaviers et des mimosas (Loti, Mariage, 1882, p. 46).P. métaph. [Le] tempérament français incapable de supporter un pareil écrasement d'horreur, autrement que dans la convention antique ou le tamisage d'une traduction (A. Daudet, Crit. dram., 1897, p. 288).b) Ch. de fer. [Sous la forme tamisage] ,,Mouvement oscillatoire de translation latérale rapide des véhicules de chemin de fer qui se produit dans les voies resserrées`` (GDEL). − [tamiza:ʒ], [-sjɔ
̃]. Ac. dep. 1878: tamisage. − 1resattest. a) 1356 tamisaige « action de tamiser » (doc. de Tournai ds Gdf.), attest. isolée, de nouv. 1827 tamisage (Dict. class. de la lang. fr., par quatre professeurs de l'Université, Paris, Baudoin frères, 2eéd., 1829), 1868 tamisation « action de tamiser » (Deschamps d'Avallon, loc. cit.), b) 1964 tamisage ch. de fer (Lar. encyclop.); de tamiser, suff. -age*, -(a)tion*. 2. Tamiseur, -euse, subst. et adj.a) Subst.
α) Ouvrier, ouvrière chargé(e) de tamiser (en particulier la farine pour la fabrication des pâtes alimentaires, des couleurs pour les bains de teinture) (d'apr. Mét. 1955).
β) Machine comportant un ou plusieurs tamis mus mécaniquement. Le tamiseur Koran se compose d'un tamis conique à l'intérieur duquel tourne un arbre portant deux raclettes qui le nettoient (Saillard, Betterave, t. 1, 1923, p. 316).La tamiseuse est composée de deux tamis fixés sur des plateaux animés de mouvements donnant des secousses (Coffignier, Coul. et peint., 1924, p. 82).b) Adj. Qui tamise. Après le triage par air les grains sont amenés sur un prétamis faisant partie du mécanisme tamiseur et qui est maintenu propre par un dispositif à secousses (L. Hopf, Le Manuel prat. de la meun., Strasbourg-Meinau, Nehlig, Heuser et Cie, t. 1, 1950, p. 175).− [tamizœ:ʀ], fém. [ø:z]. − 1resattest. a) 1360 tamisseur « celui qui tamise » (doc. de Tournai ds Gdf.), 1362 tamiseur (ibid.), b) 1873 tamiseur « tamis grossier » (Tolhausen, Dict. technol. fr.-all.-angl., p. 821 ds Quem. DDL t. 12), 1904 tamiseuse « machine à tamiser » (industr. alim.) (Nouv. Lar. ill.); de tamiser, suff. -eur2*. BBG. − Quem. DDL t. 25 (s.v. se tamiser). |