| TÉTER, verbe trans. A. − [Le suj. désigne un nourrisson, un jeune mammifère] 1. Boire (le lait) par succion répétée sur le sein, la mamelle et p. anal. sur une tétine. Téter son biberon, le sein. [Les chiots] tettent un lait abondant, mais qu'il leur faut acheter par des acrobaties au-dessus de leur âge (Colette, Mais. Cl., 1922, p. 222).V. mamelle I A ex. de Flaubert. − [P. méton. du compl. d'obj.] Téter sa nourrice. Téter sa mère. Boire le lait au sein, à la mamelle; ne pas être sevré. [Le pécari] tétait encore sa mère quand je l'ai trouvé dans la fosse (Verne, Île myst., 1874, p. 210).[P. allus. à la fable de La Fontaine, Le Loup et l'agneau] Mais Suzanne fait comme l'agneau de La Fontaine et comme tous les agneaux: elle tette sa mère (A. France, Livre ami, 1885, p. 199). − Empl. abs. Téter bien, goûlument. Les croûtes de lait sont une maladie assez fréquente chez les enfans qui têtent, elle paroît ordinairement vers le quatrième mois de leur âge et dure jusqu'à la fin de la nourriture (Geoffroy, Méd. prat., 1800, p. 453).Pierre ne fait guère que téter et dormir (Renard, Journal, 1889, p. 21). ♦ Loc. verb. Donner à téter à qqn, faire téter qqn. Donner le sein, la mamelle (synon. allaiter) ou le biberon. [Philomène] déjeunant au criblage, s'entendait pour qu'on lui amenât là-bas sa petite, et elle la faisait téter, assise un instant dans le charbon (Zola, Germinal, 1885, p. 1221).Une femme au bord du chemin s'est arrêtée et assise; elle a découvert son sein pour donner à téter à un bébé tout rond et rose (Bordeaux, Fort de Vaux, 1916, p. 13). 2. P. métaph. Je pense (...) À ceux qui s'abreuvent de pleurs Et tettent la Douleur comme une bonne louve! (Baudel., Fl. du Mal, 1860, p. 152).[Le curé:] On a beau les nourrir [ses paroissiens] du suc de l'Évangile et faire à leurs bambins téter le catéchisme; le lait à peine entré leur ressort par le nez; faut à ces grands gousiers plus grossière pâtée (Rolland, C. Breugnon, 1919, p. 68). B. − P. anal., fam. 1. [Le suj. désigne une pers.] a) Boire. Nous serions restés là, si sagement, à téter nos gourdes. Mais dès la seconde où j'ai aspiré le fond du gobelet d'étain, une horloge s'est mise en marche. Dès la seconde où j'ai sucé la dernière goutte, j'ai commencé à descendre une pente (Saint-Exup., Terre hommes, 1939, p. 223). ♦ P. métaph. Un des 935 bombardiers (...) vient téter son avion ravitailleur (Le Nouvel Observateur, 23 févr. 1966, p. 11, col. 1). − En partic. Boire de l'alcool, s'adonner à l'alcool. Téter la chopine. « (...) voici un cordial qui te remettra, c'est de la pure eau-de-vie d'Hendayes, de la quintessence solaire. » Et il appliqua le goulot de la bouteille aux lèvres du bretteur défaillant. « Allons, tête-moi ce petit-lait; deux ou trois gorgées encore, et tu seras vif comme un émerillon qu'on décapuchonne » (Gautier, Fracasse, 1863, p. 414).Tu n'aurais pas un peu tété la bouteille? − Idiot! répondit mon frère, tu sais bien qu'elle est toujours sous clef (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 181). ♦ Empl. abs., pop. M. Soubasson (...) aime à téter, (...) en lui portant aux lèvres un biberon plein de tord-boyaux, on est libre de faire ce qu'on veut dans son cours (Vallès, J. Vingtras, Enf., 1879, p. 258).Ça serait malheureux depuis cinquante sept ans que je tette, si je savais pas distinguer quand je suis saoul de quand je le suis pas (Aymé, Brûlebois, 1926, p. 72). b) Sucer, suçoter. Téter un cigare, un crayon, une pipe. Il prend à côté de lui, dans son lit, un mouchoir à la place où était sa mère et s'endort en le tétant (E. de Guérin, Journal, 1835, p. 68).À l'époque je tétais encore mon pouce (Bernanos, Imposture, 1927, p. 472). − Empl. abs. [Carassan] sifflota et se mit à bourrer sa pipe, une belle grosse pipe en merisier, qui contenait de quoi téter une demi-heure (Magnane, Bête à concours, 1941, p. 131). 2. JEUX (pétanque). [Le suj. désigne une boule] Téter le petit. Toucher le but. Ses boules (...) faisant la toupie, la roue et de beaux effets « rétro » avant d'aller, comme on dit sur le terrain, « faire téter le petit » (Le Point, 19 juill. 1976, p. 47, col. 3). REM. Tétailler, verbe trans.,hapax. Écartant le cache-misère, le fichu, le corsage, elle sortit un sein, l'enfourna dans la bouche du bébé, puis se laissa tétailler, somnolente (H. Bazin, Part du pauvre, 1954, p. 5). Prononc. et Orth.: [tete], (il) tète [tεt], homon. tête. Ac. 1694-1762: teter; 1798: téter; 1835, 1878: teter: ,,on prononce et on écrit aussi téter`` (id. ds Littré); 1935: téter (id. ds Lar. Lang. fr., Rob. 1985). Conjug. v. abréger. Substitution de [e] à [ə] dans la syll. protonique, init. Voir G. Straka ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg t. 19, no1 1981, pp. 187-188. V. réviser, reviser. Étymol. et Hist. 1. 1210-30 la mamele qu'il tetta (Guillaume Le Clerc, Ste-Marie-Madeleine, 20 ds T.-L.); 2. 1835 « sucer » (E. de Guérin, loc. cit.); 3. 1863 « boire de l'alcool » (Gautier, loc. cit.). Dér. de tette*; dés. er. Fréq. abs. littér.: 185. DÉR. 1. Téterelle, subst. fém.Petit appareil en verre dans lequel on aspire le lait par l'intermédiaire d'un tube de caoutchouc après l'avoir appliqué sur le sein et que l'on utilise pour l'allaitement artificiel. Synon. tire-lait. (Dict. xixeet xxes.).− [tetʀ
εl], [-tε-]. − 1reattest. 1851 méd. (Journ. de méd. et de chir. prat., XXII, p. 527 ds Quem. DDL t. 8); de téter, suff. -elle*. 2. Téteur, -euse, adj. et subst.,fam. a) Vieilli. (Enfant) qui tète. Enfant, bébé téteur. Comment s'appelle la téteuse? demanda-t-elle; car c'est une fille, ça. La mère répondit: Georgette (Hugo, Quatre-vingt-treize, 1874, p. 9).[Carrière] est le peintre de l'allaitement. Et c'est curieux de l'étudier en sa tendre spécialité (...) dans un nombre immense de dessins, qu'il dit être la représentation de gestes intimes et qui sont d'admirables études de mains enveloppantes de mère et de têtes de téteurs (Goncourt, Journal, 1890, p. 1188).[P. méton.] Bouche téteuse. Il avait (...) une grande bouche, aux lèvres gonflées, comme téteuses, au sourire un peu de travers (Rolland, J.-Chr., Antoinette, 1908, p. 880).b) P. anal., fam. (Personne) qui suçote. Les moines pansus et téteurs de cigares (Montherl., Pte Inf. Castille, 1929, p. 623).− [tetœ:ʀ], [tε-], fém. [-ø:z]. − 1resattest. a) 1615 « celui qui tète » (L. Guyon, Miroir de la beauté et santé corporelle, Lyon, Cl. Morillon, t. 1, p. 486), b) 1929 (Montherl., loc. cit.); de téter, suff. -eur2*. BBG. − Quem. DDL t. 28. |