| SÉQUESTRER, verbe trans. A. − DR. [L'obj. désigne une chose] Mettre sous séquestre (v. séquestre1I A 1). Jean résolut de sévir, de séquestrer les domaines du roi de Navarre, qui passa ouvertement à l'Angleterre (Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 95).Les coalisés s'engageaient à fermer leurs ports aux Français, à séquestrer leurs biens, à interdire l'expédition à leur profit des marchandises visées par le blocus (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p. 323). − P. ext. Saisir, confisquer. La loi de sécurité publique de 1926 donne à la police le droit de séquestrer les journaux dont le texte est contraire à la dignité et au prestige de la nation ou des autorités (Civilis. écr., 1939, p. 40-1). B. − [L'obj. désigne une pers.] 1. [Le suj. désigne une pers.] a) Enfermer par mesure administrative (un aliéné, une personne considérée comme nuisible, dangereuse pour la société). Synon. interner, détenir, emprisonner.Les fous n'étaient pas alors traités de la manière cruelle que les habitudes administratives ont depuis inventée. Loin de les séquestrer, on les laissait vaguer tout le jour (Renan, Souv. enf., 1883, p. 19).Un hôpital qui évite d'envoyer les blessés dans les hôpitaux de la ville, où la police les séquestrerait sous divers prétextes (Traité sociol., 1967, p. 494). b) Maintenir quelqu'un enfermé en le privant arbitrairement et illégalement de sa liberté. Synon. claustrer, tenir en chartre* privée (vx).Enfants séquestrés; femmes séquestrées. L'exemple du Saint-Père séquestré maintenait les âmes dans la terreur (Gide, Caves, 1914, p. 752): Le drame, la tragédie est que sans doute Thérèse Pantevin n'est pas folle du tout. Elle est séquestrée − à vingt-cinq ans − parce qu'elle était en rapports avec les hautes régions de l'âme: différente, elle fut enviée, c'est-à-dire haïe. Thérèse Pantevin est séquestrée par son milieu, pour avoir été supérieure à ce milieu.
Montherl., Pitié femmes, 1936, p. 1200. − P. exagér. Tenir quelqu'un à l'écart, le reléguer dans un lieu. Celle qui était séquestrée dans un coin, séparée des autres par une punition particulière, était avertie de tout ce que l'on complotait (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 130).Parfois, il y a enlèvement de la mariée, qui est séquestrée dans un coin (Menon, Lecotté, Vill. Fr., 2, 1954, p. 43). 2. a) [Le suj. désigne une chose] Maintenir quelqu'un enfermé dans un lieu; contraindre à une vie de réclusion. La niaise oisiveté dont j'étais victime me séquestra chez moi pendant toute la première semaine (Sand, Cora, 1833, p. 275).Jamais ce qu'on appelle « vie mondaine de Proust » ne put lui apparaître comme une vie frivole à laquelle on renonce. Son mal, seul, le séquestrait (Cocteau, Poés. crit. I, 1959, p. 128). b) Empl. pronom. réfl. dir. [Le suj. désigne une pers.] Se retirer, se retrancher du monde extérieur. Rien ne vous oblige à revêtir la robe de l'oblature et à vous séquestrer dans un cloître; vous pouvez loger au dehors et suivre les offices (Huysmans, Oblat, t. 1, 1903, p. 18).J'aurais pu dire (et ne l'aurais pas voulu) à qui m'eût demandé ce que signifiait cette vie de retraite où je me séquestrais jusqu'à ne plus aller au théâtre, qu'elle avait pour origine l'anxiété d'un soir (Proust, Prisonn., 1922, p. 81). 3. [Le verbe est suivi d'un compl. prép. introd. par de] a) Vx. Séparer, isoler quelqu'un d'avec d'autres personnes. C'est un homme fâcheux, il faut le séquestrer d'avec nous (Ac.1798-1878). b) Empl. pronom. réfl. dir. Se mettre à l'écart, se séparer, se couper de quelqu'un, de quelque chose. Pour essayer de retrouver toutes mes forces intellectuelles et morales il faudrait me séquestrer pendant une année, ou du moins un hiver entier, du commerce des hommes et des affaires (Maine de Biran, Journal, 1818, p. 146).J'étais résolu à m'y livrer désormais tout entier [à la tristesse], à me séquestrer de toute société qui pouvait m'en distraire, et à m'envelopper de silence, de solitude et de froideur (Lamart., Raphaël, 1849, p. 138). C. − MÉD. VÉTÉR. Enfermer un animal contagieux ou suspect de l'être pour l'isoler des animaux sains ou d'animaux atteints d'une autre maladie. Les animaux reconnus atteints, ainsi que ceux qui seraient déclarés douteux, seront isolés des autres catégories de malades, et, si le casernement le permet, séquestrés dans des cellules individuelles (Nocard, Leclainche, Mal. microb. animaux, 1896, p. 639). REM. Séquestrage, subst. masc.Action de séquestrer quelque chose. J'avais entre temps dans la ville, à propos d'une famille en Orient, reçu quelques notions du courtage et du séquestrage des blés (Giraudoux, Folle, 1944, I, p. 49). Prononc. et Orth.: [sekεstʀe], (il) séquestre [-kεstʀ
̭]. Ac. 1694, 1718: se-; dep. 1740: sé-. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1260 (lieu) séquestré « isolé » (Vie de saint Osith, éd. A. T. Baker, 194); b) 1463 « mettre quelque chose sous séquestre » (doc. ds Bartzsch, p. 84); 2. a) 1562 sequestrer (quelqu'un de quelque chose) « priver, retirer » (Papiers de Granvelle, V, 14, Doc. inéd. ds Gdf.); 1566 se séquestrer (de quelque chose) « se priver » (J. Papon, Rec. d'arrestz notables, 140b); b) 1568 « écarter, séparer des personnes d'avec quelques autres » (Paré,
Œuvres, XXIV, 11, éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 3, p. 377); 3. 1810 « tenir arbitrairement et illégalement une personne enfermée » (Code pénal, art. 341). Empr. au lat. jur.sequestrare « mettre en dépôt, confier, séparer, éloigner », dér. de sequestrum « dépôt » (séquestre1*). Fréq. abs. littér.: 110. |