| SÉQUESTRE1, subst. masc. I. A. − DROIT 1. a) Dépôt (d'un bien en litige) aux mains d'un tiers jusqu'au règlement de la contestation. Être, mettre, placer sous (le) séquestre; mettre le séquestre sur. [Arnauld] semble mener un peu trop de front et presque ex aequo le soin de ses ballots et l'inquiétude pour les personnes; il se plaint du séquestre des uns autant que de l'emprisonnement des autres (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 172).Saint-Augustin venait d'être mis en séquestre, je ne sais pour quelle raison, et on ne pouvait y entrer sans une autorisation spéciale de l'administration (Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 209). − Loc. fig. Mettre, tenir en séquestre, sous séquestre. Empêcher l'action de quelque chose ou le fait de pouvoir en user. [La direction d'un théâtre] retient en sequestre l'admirable talent de Madame Dorval, la seule actrice vraiment poétique et passionnée que nous ayons (Mussetds R. des Deux Mondes, 1832, p. 491).Le scepticisme subjectif a pu m'obséder par moments; il ne m'a jamais fait sérieusement douter de la réalité; ses objections sont par moi tenues en séquestre dans une sorte de parc d'oubli (Renan, Souv. enf., 1883, p. 374). − Séquestre d'intérêt privé ♦ Séquestre conventionnel. Séquestre fait par convention entre les parties. V. Code civil, infra. ♦ Séquestre judiciaire. Séquestre fait par ordre de justice. Le séquestre judiciaire est donné, soit à une personne dont les parties intéressées sont convenues entre elles, soit à une personne nommée d'office par le juge. Dans l'un et l'autre cas, celui auquel la chose a été confiée, est soumis à toutes les obligations qu'emporte le séquestre conventionnel (Code civil, 1804, art. 1963, p. 353). − Séquestre d'intérêt général. Séquestre ordonné par mesure d'intérêt général ou de sécurité publique et confié à l'administration de l'Enregistrement, des Domaines et du Timbre (d'apr. Réau-Rond. 1951). b) Main mise d'un État sur des territoires ou des biens appartenant à un autre État ou à ses ressortissants. Séquestre de guerre. Le Roi de Naples menace, si l'on ne tient pas les engagements contractés envers lui, de mettre sous le séquestre les biens des Suisses qu'il a sous la main et ils sont considérables (Gobineau, Corresp.[avec Tocqueville], 1850, p. 111).Charles profita de ce désordre chez les Anglais pour mettre la Guyenne sous séquestre (Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 88). 2. P. méton. La chose placée sous séquestre. On a mis un gardien infidèle qui a pillé le séquestre (Ac.).Cette ferraille répartie en lots par les Alliés et numérotée à la craie, toute cette stérile parure des séquestres noircit un optimisme naturel (Morand, Eur. gal., 1925, p. 27). B. − Vieux 1. État d'une personne que l'on prive illégalement et arbitrairement de sa liberté. Les parents demeurèrent d'accord de mettre cette fille en séquestre dans tel monastère, chez telle dame (Ac.1835, 1878). 2. Lieu où l'on enfermait un enfant (collégien, apprenti) par mesure de punition. Vous le ferez arrêter [votre enfant qui a filé] par les gendarmes, mettre au séquestre ou au cachot (Vallès, Réfract., 1865, p. 168).− Ah! c'est pas vrai, dit le directeur, quatre jours de séquestre, mon petit! − Monsieur, dit Poil de Carotte, le maître d'étude, il m'en veut! (Renard, Poil Carotte, 1894, p. 139). II. − PATHOL. Portion nécrosée d'un tissu cellulaire, notamment d'un tissu osseux, tendant à se séparer du tissu vivant dans lequel elle reste enclavée. Séquestre pulmonaire. Les cartilages peuvent se détacher en partie ou en totalité sous la forme de coques qui jouent le rôle de corps étrangers, isolement qui constitue une sorte de séquestre (Nélaton, Pathol. chir., t. 1, 1844, p. 234).Ce sont surtout les ostéomyélites qui provoquent la formation de séquestre (Villemin1975). REM. Séquestrectomie, subst. fém.,chir. Extraction d'un séquestre au sein d'un tissu cellulaire. (Dict. xxes.). Prononc. et Orth.: [sekεstʀ
̭]. Ac. 1694, 1718: se-; dep. 1740: sé-. Étymol. et Hist. 1. a) 1281 « dépôt d'une chose litigieuse entre les mains d'un tiers en attendant le règlement de la contestation » (F. J. Tanquerey, Rec. de lettres anglo-fr., p. 23); b) 1449 a sequestre adv. « à part » ([Louis de Beauvau], Pas d'armes de la bergère, éd. G. A. Crapelet, 203, hapax); 1612 (mettre) en sequestre « à l'écart, de côté » (M. Régnier, Satyre, XIII, 97 ds
Œuvres compl., éd. G. Raibaud, p. 177); 1690 mettre qqn en séquestre « mettre quelqu'un à l'écart du monde, de la société » (Fur.); c) 1451 « chose séquestrée » (Chron. du Mt-St-Michel, éd. S. Luce, t. 2, p. 242); 1850 « main-mise d'un gouvernement qui est en guerre contre un autre sur les biens que possèdent dans son territoire le gouvernement ennemi et les sujets de ce gouvernement » (Gobineau, loc. cit.); d) adj. 1470 (euvre) sequestre « secret, caché » (Wavrin, Cron. et anch. ist., tab. des rubriq., éd. W. Hardy ds Gdf.); 1528 [éd.] lieu sequestre « lieu retiré » (Perceforest, vol. IV, chap. 36, ibid.); e) 1806 pathol. (Capuron, Nouv. dict. de méd.); 2. fin xives. « celui entre les mains de qui les choses sont mises en séquestre » (Aalma 11. 180 ds Roques t. 2, p. 376); ca 1390 main séquestre « id. » (G. de S. André, Hist. de Jean IV, ap. Lobineau, Hist. de Bret., II, 706 ds Gdf.). Empr. au lat. jur.sequestrum « dépôt, séquestre » pour le sens 1 et au lat. sequester « entremetteur, médiateur, dépositaire » pour le sens 2. |