| SÉPARER, verbe 1reSection. Empl. trans. Diviser; éloigner; isoler. I. − [Le compl. d'obj. désigne une globalité] Séparer qqc.1en qqc.2.Diviser, partager. A. − 1. Couper, casser, déchirer (un objet, un matériau) en deux, en plusieurs morceaux. Rumphius, armé d'un ciseau et d'un marteau pour séparer en deux le cartonnage de la momie (Gautier,Rom. momie, 1858, p. 182).Le général (...) coupa [à ses vieux parents] du pain, qu'ils se mirent aussitôt à séparer en petites miettes. Ils buvaient souvent, par gouttes, pour ne pas étouffer (D'Esparbès,Tumulte, 1905, p. 345). ♦ [Le compl. second. est s.-ent.] Tout en séparant le beefsteak, Hussonnet apprit à son compagnon qu'il travaillait dans des journaux de modes (Flaub.,Éduc. sent., t. 1, 1869, p. 41). − P. métaph. [Proust] a eu beau s'acharner à séparer en parcelles infimes la matière impalpable qu'il a ramenée des tréfonds de ses personnages (...), à peine le lecteur referme-t-il son livre que par un irrésistible mouvement d'attraction toutes ces particules se collent les unes aux autres, s'amalgament en un tout cohérent... (Sarraute,Ère soupçon, 1956, p. 83). 2. Partager en deux une masse composée d'éléments libres les uns par rapport aux autres. Au part. passé. D'abondants cheveux noirs, séparés en deux sur la tête, tombaient en tresses indépendantes sur des épaules marmoréennes (Lautréam.,Chants Maldoror, 1869, p. 170). B. − 1. CHIM., PHYS. Dissocier, décomposer une substance, une particule de matière en ses constituants. On appelle énergie de dissociation d'une molécule l'énergie nécessaire à la séparer en 2 ou plusieurs fragments (Daudel,Fond. chim. théor., 1956, p. 183). ♦ [Souvent à la forme passive] Les distillats sont séparés en deux fractions: huile paraffineuse, qui retourne au déparaffinage, et paraffine presque déshuilée (Chartrou,Pétroles natur. et artif., 1931, p. 93).Le bois est complètement séparé en ses constituants ou transformé en produits chimiques divers (Industr. fr. bois, 1955, p. 14).[Avec compl. prép. précisant le procédé empl.] Le goudron déshydraté est (...) séparé par distillation en plusieurs fractions (Chartrou,Pétroles natur. et artif., 1931, p. 185). − Au fig. [Le suj. désigne l'instrument de l'action] V. inséparable ex. 4. 2. Diviser un ensemble (d'objets, de personnes) en sous-ensembles regroupés, constitués par catégories. Le blanchissage proprement dit comprend généralement: 1 le triage, par lequel on sépare et on distribue le linge par couleur, finesse, degré de malpropreté (Lar. mén.1926, p. 191). 3. Au fig. Classer. Il est possible de séparer les combustibles en combustibles solides et combustibles liquides (Chartrou,Pétroles natur. et artif., 1931, p. 7).Nous pouvons séparer les formations intéressant les jeunes gens appartenant à un même cycle en trois groupes, selon qu'elles sont professionnelles, générales ou mixtes (Capelle,Éc. demain, 1966, p. 82). C. − Diviser (un espace) en plusieurs parties. [Le suj. désigne l'instrument de l'action] Une voûte (...) sépare le rez-de-chaussée en deux parties (Balzac,Illus. perdues, 1843, p. 731).V. cloison ex. 3. − Au part. passé. Dans un récipient séparé en deux parties par une paroi verticale percée d'orifices, des oscillations de pression conduites à l'un des compartiments se transmettent à l'autre (Piéron,Sensation, 1945, p. 178).[Le compl. second. est s.-ent.] Une tête superbe (...) un front magnifiquement séparé par ce sillon puissant que les grands projets, les grandes pensées, les fortes méditations inscrivent au front des grands hommes... (Balzac,A. Savarus, 1842, p. 22). II. − [Le compl. d'obj. désigne une ou les diverses parties d'un tout, un ou les divers éléments d'un ensemble] Séparer qqc.1/qqn1de/d'avec/et qqc.2/qqn2; séparer (l'un de l'autre/les uns des autres) des choses, des personnes. Mettre une certaine distance entre; faire cesser, empêcher de constituer un tout. A. − [L'action concerne des élém., de même nature ou de nature différente, rapprochés, juxtaposés, liés] 1. Séparer qqc. de qqc. a)
α) Écarter, disjoindre ce qui était au contact. Quand les trois parties composant la moitié du billard sont faites, on les ajuste languette dans rainure, mais sans colle, afin de pouvoir les séparer à volonté (...) cette table (...) peut se démonter facilement (Nosban,Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 71).Le cuir sec est légèrement humidifié puis foulé dans cet état au tonneau-foulon de façon à assouplir ses fibres et à les séparer pour permettre l'admission des matières grasses (Bérard, Gobilliard,Cuirs et peaux, 1947, p. 109). ♦ [Avec compl. prép. désignant l'instrument de l'action] Elle sépara, de son ongle fin, les fermoirs du mystérieux bijou: le médaillon s'ouvrit (Villiers de l'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 74). ♦ [Le suj. désigne l'instrument de l'action] Sur son visage le soleil qui l'avait contraint à fermer les yeux posait un masque d'or. Un léger sourire séparait ses lèvres (Green,Autre sommeil, 1931, p. 198). − P. métaph. V. artificiellement ex. 5. − P. anal. (Ne pas) séparer son regard de qqc. (Ne pas) quitter du regard, (ne pas) détacher son regard de. Il s'en gorgeait les yeux [de son appartement], il ne pouvait plus en séparer son regard (Arnoux,Nuit St-Avertin, 1942, p. 15).
β) Ne pas accoler. Après le Iersiècle, l'habitude de séparer les mots et de marquer cette séparation par un point se perd sur les papyrus comme sur les inscriptions (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 570).Au part. passé. Sur le tapis, des souliers à boucles se tenaient gentiment accouplés, les talons réunis et les pointes séparées (France,Rôtisserie, 1893, p. 72). ♦ [Avec compl. prép. précisant les modalités de l'action] On cloue sur le plateau de la table deux traverses parallèles l'une à l'autre, séparées de la largeur du tiroir (Nosban,Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 79).
γ) Déconnecter des organes susceptibles de fonctionner ensemble. Dans le cas de la transmission mécanique, celle-ci comprend un embrayage permettant de séparer ou d'accoupler progressivement le moteur et les essieux, un inverseur de marche, une boîte de vitesses (Bailleul,Matér. roulant ch. de fer, 1951, p. 155).
δ) Spécialement − BIOL., à la forme passive. Être réparti sur des individus distincts. Les fleurs mâles du coudrier (...) se manifestent sous la forme de chenilles suspendues aux branches, et les fleurs femelles, qui produisent les noisettes, se trouvent sur l'écorce en petits filets d'un pourpre vif. Dans d'autres végétaux, les fleurs mâles et les femelles sont séparées sur des individus différents (Bern. de St-P.,Harm. nat., 1814, p. 323). − TYPOGR. Ne pas séparer. Écrire sur une même ligne, ne pas couper d'une ligne à la suivante. Il est des mots qu'on ne séparera pas [d'une ligne à la suivante]: Louis / XV, XIXe/ siècle. Il vaut mieux faire rentrer le second mot ou faire sauter le premier (É. Leclerc,Nouv. manuel typogr., 1897, p. 118). b) Au fig.
α) Dissocier ce qui était lié ou ce qui devrait l'être. Si la nation française ne doit pas avoir l'impression qu'elle aura, au total, combattu, souffert et remporté la victoire avec ses alliés anglo-saxons et pour la même cause, il est extrêmement probable qu'elle sera portée à séparer son destin de leur destin (De Gaulle,Mém. guerre, 1954, p. 524): 1. ... le MRP affirme, à son congrès de 1962, qu'« il n'est plus possible,... sous peine de compromettre les chances de la démocratie, de séparer rigoureusement action syndicale, professionnelle ou sociale et action politique » et propose d'établir des relations continues entre partis et syndicats...
Reynaud,Syndic. en Fr., 1963, p. 250.
β) Traiter à part, ne pas mélanger, ne pas faire d'amalgame (entre des réalités distinctes). Synon. distinguer.Quant aux derniers des Haudouin, l'on peut dire qu'ils se dépensent à leur fantaisie, séparant délibérément leur plaisir de leur travail (Aymé,Jument, 1933, p. 26).[L'expression de « démocratisation » recouvre et prétend réconcilier par les vertus du verbe] deux problèmes aussi différents que celui de la transformation du recrutement social des facultés (ou de l'école) et celui de la transformation du rapport pédagogique, c'est-à-dire de la relation, autoritaire ou « non-directive », entre le professeur et les étudiants. Séparons donc les deux questions (Antoine, Passeron,Réforme Univ., 1966, p. 197).
γ) Considérer quelqu'un comme distinct, sans relation, sans lien de dépendance avec autre chose. Synon. isoler.Nous ne séparons pas la physiologie de la pathologie. Nous considérons la maladie comme une déviation de l'état de santé et nous voulons prouver que ce sont les mêmes lois qui régissent les phénomènes de l'organisme à l'état physiologique et à l'état pathologique (Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p. 286).Dans une organisation qui (...) sépare encore très nettement les uns des autres les divers ordres d'enseignement, les modalités de l'information et du perfectionnement des maîtres varient sensiblement selon qu'il s'agit de l'un ou de l'autre des divers ordres d'enseignement (Encyclop. éduc., 1960, p. 384).V. essence1ex. 3, inséparable A 1 b ex. de Camus. 2. Séparer qqn de qqn a)
α) Mettre chacun à part; placer dans des lieux différents. Je n'y suis pour personne (...) excepté (...) pour Dubouloy (...). Si toutefois il est libre, car (...) aussitôt après notre arrestation, l'on nous a séparés (Dumas père, Demois. de St-Cyr, 1843, ii, 1, p. 120).
β) P. anal., en empl. abs. [En l'absence de mouvement; le suj. désigne l'instrument de l'action] La lumière unit ou sépare. Naturelle, elle unit. Artificielle − blanche ou colorée − elle fait l'un ou l'autre, mais a surtout pour tâche d'isoler le public dans la pénombre et, au contraire, de mettre en évidence les acteurs (Hist. spect., 1965, p. 7). b) Éloigner l'un de l'autre; contraindre à vivre éloignés l'un de l'autre. Le maître est bon, nos cases sont saines et propres, les fruits de nos jardins sont à nous, et jamais on ne sépare nos femmes de leurs enfants avant qu'ils aient atteint leur douzième année (Sue,Atar-Gull, 1831, p. 27). ♦ Au part. passé (avec adv. précisant les modalités de l'action). Momentanément séparée de son cher Armand, la jeune femme, en rentrant chez elle et s'y retrouvant seule, s'était sentie toute triste (Ponson du Terr.,Rocambole, t. 3, 1859, p. 358). ♦ [Le suj. désigne ce qui est à l'orig. de l'action] Notre séparation, Fée aux Miettes! Ah! je n'y survivrais pas ! Mais qui pourrait nous séparer? − la mort, Michel! (Nodier,Fée Miettes, 1831, p. 175).Elle sera cruelle et longue, cette absence Qui va nous séparer (Moréas,Iphigénie à Aulis, 1903, p. 1903, p. 187). − [Le suj. désigne le temps du début de l'action] Je veux, comte, avant que l'heure nous sépare, qu'on voie à nos côtés le duc Nayme et les siens, et que nous nous traitions déjà d'amis anciens (Bornier,Fille Rol., 1875, ii, 5, p. 40). c)
α) Distendre, rompre le lien qui unissait des personnes entre elles. Il était, comme je l'ai dit, mon aîné d'environ quatorze ans. Peut-être n'avais-je pas eu le temps d'assez le connaître, d'assez m'attacher à lui, car la vie de jeune homme l'avait pris de bonne heure, le séparant un peu de nous (Loti,Rom. enf., 1890, p. 94): 2. ... la vie sépare ceux qui s'aiment
tout doucement sans faire de bruit
et la mer efface sur le sable les pas des amants désunis...
Prévert,Soleil de nuit, Les Feuilles mortes, 1980 [1947], p. 58. ♦ Absol. J'ai su (...) que Mmede Nièvres était souffrante, et je viens vous voir. Il y a si longtemps... − C'est vrai, reprit M. D'Orsel, il y a longtemps... La vie sépare; chacun a ses devoirs et ses soucis (Fromentin,Dominique, 1863, p. 256).Non seulement il ne rapporte pas les propos qui séparent, mais il relate, chose inouïe, ceux qui pourraient rapprocher (Montesquiou,Mém., t. 3, 1921, p. 175). − En partic. Séparer un homme d'une femme, un mari de sa femme. Écoute, mon Ernest, tu es assez grand, assez raisonnable pour t'apercevoir que ton père me repousse, ne veut pas de mes soins (...). De méchantes gens ont cherché à me séparer de ton père, dans le but de satisfaire leur avidité (Balzac,Gobseck, 1830, p. 432).Pourquoi êtes-vous venu vous mettre entre nous, séparant le mari de la femme, il était mon mari tout de même, vous savez? (Claudel,Échange, 1954, iii, p. 787). ♦ [Le suj. désigne ce qui est à l'orig. de l'action] Jamais des goûts différents ne les séparaient, un même idéal de bien-être confondait leurs désirs ; et ils vivaient ainsi depuis quarante ans, de tendresse et de petits soins réciproques (Zola,Germinal, 1885, p. 1199).Mais ce qu'elle avait dit les avait pourtant séparés. Il n'osait plus la manier brutalement (France,Lys rouge, 1894, p. 241).
β) [P. allus. à Matth. XIX, 6] Consacrer la rupture entre un mari et sa femme. Vous ne pouvez me suivre sans qu'un prêtre m'ait donné, au pied de l'autel, le droit de vous protéger (...) demain au plus tard, il ne sera plus au pouvoir des hommes de séparer ce que Dieu aura réuni! (Dumas père, Fille du régent, 1846, ii, 13, p. 204): 3. ... ce que Dieu a joint, l'homme ne peut le séparer. Silence. Ce n'est pas l'amour qui fait le mariage mais le consentement. Ni l'enfant que je n'ai pas eu, ni le bien de la société, mais le consentement en présence de Dieu dans la foi...
Claudel,Soulier, 1944, 1repart., 2ejournée, 2, p. 1000.
γ) P. anal., POL. Rompre une alliance, un lien de dépendance. Le régent: Mais la Bretagne est réunie à la France (...) depuis le mariage de Louis XII. Gaston: Oui; mais elle doit s'en regarder comme séparée, du moment que la France n'a pas respecté le droit qu'elle s'était réservé (Dumas père, Fille du régent, 1846, iii, 4, p. 215). − [Le suj. désigne l'instrument de l'action] Le schisme de 1054, qui sépara du pape l'église d'Orient, fut la consécration du schisme politique qui séparait l'Orient de l'Occident depuis le partage de l'Empire (Faure,Hist. art, 1912, p. 247). d) P. anal. Éloigner, tenir quelqu'un physiquement ou moralement éloigné de son milieu habituel. Je viens du saint désert. La main qui retira Abraham de Chaldée et Loth de Sodome m'a séparé du siècle (France,Thaïs, 1890, p. 146).Rana [la grenouille] ne percevait plus rien de la vie. Elle était séparée de son monde, retranchée de la société des compagnes, extériorisée de son marais qu'elle ne reconnaissait plus, tout entière sous l'emprise d'une volonté invincible qui la liait à elle [une couleuvre] et cassait ou plutôt rongeait tous les autres liens avec les choses et avec la vie (Pergaud,De Goupil, 1910, p. 160). − [Le suj. désigne l'instrument de l'action] Cette jeune beauté se lève, revêt la bure grossière des filles du carmel, prononce d'une voix satisfaite le vœu qui la sépare à jamais du monde (Cottin,Mathilde, t. 2, 1805, p. 355). − [Le compl. désigne un attribut de la pers. suj.] Que l'homme sépare son âme de tous les objets qui l'entourent; ils ne seront plus rien pour lui; il ne les goûte que par sa vie, qui seule fait pour lui toute la valeur des choses (Saint-Martin,Homme désir, 1790, p. 85). 3. Vieilli ou littér. Séparer qqn de qqc.Dépouiller, débarrasser quelqu'un de quelque chose. Peut-être n'est-ce plus vrai que l'histoire de M. Duruy fils, séparé violemment de ses bottes, et même d'autres vêtements encore plus nécessaires, par un officier de marine (Mérimée,Lettres Mmede Beaulaincourt, 1867, p. 43). − P. anal. Et voici que les campanules, cueillies quelques heures auparavant, ferment leurs cloches violettes et s'endorment dans les petites mains qui les ont séparées de la vie (France,P. Nozière, 1899, p. 57). − Au fig. Synon. de amputer.Tant de choses me sont égales depuis 1940 et plus particulièrement depuis Hiroshima qui nous a tous, tant que nous sommes, séparés d'une grande partie de nous-mêmes (Green,Journal, 1955, p. 118). B. − [L'action concerne des éléments de nature différente mélangés, combinés de manière à constituer un tout] 1. a)
α) Mettre de part et d'autre, isoler pour regrouper éventuellement par catégories. Faites durcir un quarteron d'œufs, fendez-les en deux, séparez les jaunes des blancs, pilez les jaunes dans un mortier (Gdes heures cuis. fr.,Grimod de La Reynière, 1838, p. 157). ♦ [P. allus. à Gen. I, 6, 7] On ne se débarrasse pas aussi aisément d'un bienfaiteur acharné, de Celui qui a séparé les eaux inférieures des supérieures, le monde de l'immonde (Arnoux,Juif Errant, 1931, p. 164). ♦ P. métaph. Sachez-le, les moyens se confondent toujours avec les résultats: vous n'arriverez jamais à séparer l'âme des sens, l'esprit de la matière (Balzac,Gobseck, 1830, p. 398). ♦ Loc. fig. Séparer la paille du grain (v. ce mot I A ex. de Paulhan); séparer le bon grain de l'ivraie (v. ce mot B). − Au part. passé passif. [Avec compl. prép. précisant les modalités de l'action] Que parfois ces montagnards séparés entre Espagne et France, mais unis par des intérêts communs, s'entendissent entre eux, plus qu'avec les gens de la plaine, c'est une accusation souvent répétée dans les anciens écrits locaux: faut-il s'en étonner? (Vidal de La Bl.,Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 358).
β) CHIM., PHYS. Pour séparer l'uranium 235 de son isotope plus abondant l'uranium 238, il faut (...) avoir recours à des procédés de fractionnements successifs, qui, lentement, enrichissent le mélange en isotope rare, et rejettent l'excès d'isotope abondant (Goldschmidt,Avent. atom., 1962, p. 42). ♦ [Avec compl. prép. désignant le procédé utilisé] Les produits de la réaction peuvent être séparés par chromatographie sur papier (Privat de Garilhe,Acides nucl., 1963, p. 85). ♦ [Le suj. désigne le procédé utilisé] L'évaporation a pour objet (...) de séparer un ou plusieurs liquides des matières fixes avec lesquelles ils sont mélangés ou combinés (Ser,Phys. industr., 1890, p. 355).La réfraction va disperser, c'est-à-dire séparer ces radiations qui (...) se distinguent entre elles par leur longueur d'onde (Prat,Opt., 1962, p. 36). b) P. anal.
α) Mettre entre des mains différentes, confier à des autorités différentes les attributions auparavant réunies dans les mêmes mains, sous la même autorité. Sur les corps administratifs, l'autorité du pouvoir central se réduisait presque à rien. Le roi avait seulement le droit de les suspendre: encore l'Assemblée pouvait-elle les rétablir. C'était une réforme capitale de séparer la justice civile et pénale de l'administration (Lefebvre,Révol. fr., 1963, p. 175): 4. Ce qui est important dans l'idée de Montesquieu, c'est que ces pouvoirs ne doivent pas seulement être logiquement distingués, mais organiquement séparés. Ils doivent être dans des mains différentes et confiés à des individus ou à des assemblées distincts et largement indépendants les uns des autres. C'est à ce prix qu'est la liberté.
Vedel,Dr. constit., 1949, p. 19. ♦ [Le suj. désigne l'instrument de l'action] Louis XVIII avait donné au grand maître de l'Université un double département: l'Instruction publique et les Affaires ecclésiastiques. L'ordonnance du 4 janvier 1828 sépare les deux administrations (Encyclop. éduc., 1960, p. 20).Le 27 septembre 1940 un décret séparait les deux branches de la société anonyme agence Havas. Seule la branche « publicité » gardait le nom d'Havas: la branche « information » prenait celui d'office français d'information (OFI) (Agences presse, 1962, p. 8).
β) COMPTAB. Mettre sur des postes différents, ventiler. On ne saurait disserter utilement sur le prix de revient sans préciser le stade de la production ou de la distribution auquel il se rapporte. Le comptable est ainsi conduit à séparer les frais de fabrication et les frais de vente (Villemer,Organ. industr., 1947, p. 175). c) Au fig. Distinguer, différencier les uns des autres des éléments appartenant à un même domaine ou à des domaines voisins pour en établir éventuellement le classement. La science occidentale (...) sent la gêne de ces catégories dans lesquelles il lui a bien fallu s'enfermer pour séparer les phénomènes et les soumettre à l'analyse (J.-R. Bloch,Dest. du S., 1931, p. 308).En 1793, la Convention qui avait fondé le Muséum d'Histoire naturelle le chargea de reclasser les collections d'animaux inférieurs. Pour séparer les diverses espèces, Lamarck rencontra de grandes difficultés qui sont probablement à l'origine de sa théorie (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 542). ♦ Empl. pronom. passif. Que la liberté et la démocratie ne se conçoivent pas sans la moralité civique qui se sépare malaisément de la moralité privée, on l'avait dit bien des fois depuis Aristote (Lefebvre,Révol. fr., 1963, p. 625). − [Le suj. désigne l'instrument de l'action] Cette classification (...) a le grand avantage de mettre en évidence et de séparer les formes de conflits d'inspiration essentiellement dissuasive de celles qui répondent à des intentions ou à des possibilités réellement opérationnelles (Beaufre,Dissuasion et strat., 1964, p. 120). − [Le suj. désigne ce qui justifie l'action, dans un cont. fig.] Il faut montrer tout ce qui sépare le conflit du jeu, dont on le rapproche parfois (Univers écon. et soc., 1960, p. 62-10).V. mélanger I A 3 ex. de Morand: 5. Il jeta un coup d'œil sur la carte et ne put réprimer un mouvement de surprise: − vingt-trois francs! Il regarda la gargotière et répéta: − Vingt-trois francs? Il y avait dans la prononciation de ces deux mots ainsi répétés l'accent qui sépare le point d'exclamation du point d'interrogation.
Hugo,Misér., t. 1, 1862, p. 502. ♦ [Le compl. désigne des pers. considérées du point de vue de leur statut, de leur activité ou de leur attitude à l'égard de celle-ci] Il n'est pas ici question des distinctions qui, chez les anciens, séparaient les esclaves des hommes libres, et qui, chez les modernes, séparent les nobles des roturiers (Constant,Princ. pol., 1815, p. 53).Tout sépare en fait Bonnard de Monet, − et d'abord ceci que le tableau n'est jamais pour l'un la fenêtre ouverte sur la nature, la tranche de paysage qu'il était pour l'autre, mais un organisme toujours fortement structuré (même quand il ne paraît pas l'être) et souvent agencé selon les lois de l'art décoratif (Dorival,Peintres XXes., 1957, p. 28). 2. a)
α) Extraire, isoler (un corps, une substance) de son milieu d'origine (pour le recueillir ou l'éliminer). Les premières machines (...) pour séparer la crème du lait [datent des années 1880] (Lesourd, Gérard,Hist. écon., 1966, p. 358). − [Avec compl. prép. désignant l'instrument de l'action] Pour faire l'analyse physique des terres arables, on prend de la terre moyenne dans un champ, on en sépare à la main les pierres et les fragments volumineux, on la met à sécher au soleil ou au four et on la pèse (A. Pérès,Pierres et roches, 1896, p. 53).
β) CHIM., MÉTALL., MINES. [Gén. sans compl. second.] Les roches (...) de même que les sols, renferment (...) une quantité plus ou moins importante de matériaux sensibles à l'action du champ électrique (...). Conformément, pour séparer, fractionner et étudier ces matériaux, certains procédés, basés sur l'électrodialyse et l'électrophorèse, ont été utilisés par divers expérimentateurs (Brajnikov,Pétrogr. et rayons X, 1936, p. 16). ♦ [Avec compl. prép. désignant le procédé utilisé] Séparer par centrifugation, par fractionnement, par décantation et filtration, par voie chimique. Nous avons vu que certaines variétés de verre contenaient du bore. Après attaque pour mise en solution, on sépare ce bore par distillation avec l'alcool méthylique, sous forme de borate de méthyle (Cl. Duval, Verre, 1966, p. 15).[Le suj. désigne le procédé utilisé] Du premier de ces mélanges, une distillation fractionnée sépare une huile moyenne, intermédiaire entre le naphte brut et le fuel-oïl des pétroliers (E. Schneider,Charbon, 1945, p. 318). ♦ [Avec compl. prép. précisant l'état dans lequel la substance apparaît] Séparation du zinc par distillation, d'où plomb riche en argent; fusion oxydante, le plomb passant à l'état d'oxyde, l'argent étant séparé à l'état liquide (Guillet,Techn. métall., 1944, p. 117). − En partic. Mettre en évidence, isoler (un corps nouveau). [En 1920, Brocker] sépara 5 grammes de chlore de poids atomique 35,51 (MmeP. Curie, Isotopie, 1924, p. 190).En utilisant les méthodes de la radiochimie, Fermi et ses collaborateurs purent séparer, en quelques mois, un grand nombre de radioéléments légers et lourds (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 349).
γ) P. anal., BIOL., vieilli. Chaque partie des corps vivans, extrait ou sépare, à cet effet [la nutrition], d'un fluide nourricier commun, les matériaux propres à entrer dans sa composition (Cuvier,Anat. comp., t. 5, 1805, pp. 202-203). − Synon. de sécréter.On est encore à désirer une analyse comparée de l'humeur que ces glandes séparent (Cuvier,Anat. comp., t. 3, 1805, p. 205). b) MÉD. Mettre les individus sains (ou, au contraire, les individus malades) à l'écart du groupe pour préserver ceux-ci (ou celui-là) de la contamination au cours d'une épidémie. Le traitement est presque impossible chez le porc (...). Se contenter de séparer les animaux sains et désinfecter les porcheries. Sacrifier les malades si leur état le permet (Garcin,Guide vétér., 1944, p. 109). − P. anal. Empêcher un organe malade de contaminer tout un organisme. Empl. pronom. passif. Si la gangrène n'affecte qu'une petite partie, il suffit que l'endroit gangréné se sépare du reste, qui est sain; c'est ce que peut faire la nature avec l'aide de l'art (Geoffroy,Méd. prat., 1800, p. 327). c) Au fig.
α) Mettre à part en vertu d'un statut particulier. Famille humaine élevée à la « primogéniture » morale (Israël est mon fils, mon premier né (...)), elle a été distinguée, choisie entre les nations et séparée du reste des nations (Weill,Judaïsme, 1931, p. 115).V. artificiellement ex. 6.
β) Extraire certains individus d'un groupe afin de les classer dans un autre, dans une taxinomie. Les anthropoïdes sont (...) séparés des autres singes et rangés dans le même genre que l'homme (Hist. sc., 1957, p. 1356).J. C. D. Schreber (1791) avait séparé les lycopodes des mousses pour les introduire dans les ptéridophytes (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 436).
γ) Séparer un facteur de son contexte. Considérer une des données d'un problème indépendamment de l'ensemble de celles-ci. Après Descartes, les penseurs (...) ont tous pris, comme lui, pour objet de leurs recherches, l'homme séparé de l'humanité (P. Leroux,Humanité, 1840, p. 123): 6. Il est difficile d'accepter la conception (...) de la région définie par l'unité des problèmes posés : ces problèmes concernent un aspect des choses (...). Cela ne signifie pas que toute la zone où ils se posent appartienne à la même région ou doive être comprise dans le même programme d'aménagement. Ce serait isoler un facteur et le séparer de son contexte.
Colloque géogr. appl., 1962, p. 120. ♦ [À l'inverse] Négliger, éliminer l'une des données dans l'examen d'une situation. Je suis tellement identifié avec nos prodiges, nos monuments, nos institutions, tous nos actes nationaux, qu'on ne saurait plus m'en séparer sans faire injure à la France: sa gloire est à m'avouer! (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 245). 3. Distinguer l'un de l'autre des objets effectivement distincts mais qui apparemment n'en font qu'un. V. étoile I A ex. de H. Poincaré. − Au fig. Beaucoup de gens ne séparent pas l'idée de froideur de celle de classique (Delacroix,Journal, 1857, p. 24). C. − En partic. 1. Séparer qqc.1de qqc.2/qqn1de qqn2(par qqc.3/qqn3) a) Interposer entre deux espaces contigus un élément matériel qui en marque les limites. Au fig. L'historien, en Thomas, n'est jamais mort. Il n'a jamais voulu séparer, par une cloison étanche, les deux parties de sa vie: sa jeunesse d'études et de recherches savantes, sa pleine maturité d'action et de création (L. Febvre,Albert Thomas, historien, [1932] ds Combats, 1953, p. 351). b) Interposer entre deux éléments d'une même série, d'un même ensemble, un élément étranger. Quant à l'harmonie de l'accrochage, il est à la merci des idées et du goût du conservateur. On peut faire voisiner des œuvres du même artiste ou au contraire les séparer, marier les mêmes genres, portraits, natures mortes, paysages d'artistes différents (L. Benoist,Musées, 1960, p. 49). c) Interposer entre des signes d'écriture ou des éléments du discours un signe ou un blanc marquant l'autonomie des uns par rapport aux autres. Il vida la bourse sur sa cheminée, compta l'or, se tourna vers moi d'un air assez gracieux, et me dit en séparant chaque phrase par une pause plus ou moins longue et significative (...) (Balzac,Peau chagr., 1831, p. 87).Rien n'est moins justifié que ces grands alinéas, ces tirets par lesquels on a coutume de séparer brutalement le dialogue de ce qui le précède (Sarraute,Ère soupçon, 1956, p. 105). − P. anal. Dans l'introduction se succèdent de lents accords d'orchestre séparés par de grands silences (Pirro,J.-S. Bach, 1919, p. 82). 2. Qqn3/qqc.3sépare qqn1/qqc.1de qqn2/qqc.2Être placé entre, s'interposer entre, constituer un obstacle franchissable ou non entre des choses, des personnes, entre une personne et le but qu'elle se propose d'atteindre. a) [Le suj. désigne une/des pers.] L'Empereur a dit qu'à la campagne de Waterloo, s'il avait suivi la pensée de tourner la droite ennemie, il y eût réussi facilement; il avait préféré de percer le centre et séparer les deux armées (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 238).Toutes ces présences qui nous séparaient, qui diminuaient son pouvoir sur moi me faisaient plus libre de l'observer (Bousquet,Trad. du sil., 1936, p. 98). ♦ Séparer des adversaires, des combattants. S'interposer pour arrêter, éviter un combat. Tout le monde dégaina et les parents de la morte eurent grand'peine à séparer les combattants (France,Puits ste Claire, 1895, p. 66).V. interposer B 2 ex. de Beauvoir: 7. Lamuse interpose sa main pacifique grosse comme une tête d'enfant et sa face tapissée de sang, entre ces deux hommes qui s'empoignent du regard et se déchirent en paroles. − Allons, allons, vous n'allez pas vous abîmer. Ce s'rait dommage! Les autres interviennent aussi et on sépare les adversaires.
Barbusse,Feu, 1916, p. 31. b) [Le suj. désigne un élément matériel]
α) Qqc.3sépare qqc.1de qqc.2.La boutique est attirante pour les yeux comme un aquarium. Elle est haute. Une vaste glace la sépare de la rue (Romains,Hommes bonne vol., 1932, p. 33).Un sillon transversal, très visible sur la face dorsale et parcouru par d'importants vaisseaux nourriciers du cœur, sépare les oreillettes des ventricules (Camefort, Gama,Sc. nat., 1960, p. 183).V. mur A 1 ex. de Colette.Au part. passé. Le devant du tablier est formé de trois biais très-larges en velours noir séparés par des entredeux (Mallarmé,Dern. mode, 1874, p. 711).L'appartement n'avait qu'une seule pièce, pouvant servir d'atelier, avec une alcôve profonde séparée de l'atelier par un rideau (Triolet,Prem. accroc, 1945, p. 121).V. présent2I A 1 ex. de Proudhon. − P. anal. V. insolite A ex. de Colette.
β) Qqc.3sépare qqn1de qqn2.Cette porte seule vous séparera de nous, et vous entendrez (Dumas père, Angèle, 1834, v, 2, p. 192).Je suivais une femme divine (...) cette maudite charrette m'en a séparé (France,Dieux ont soif, 1912, p. 45). − [Dans un cont. fig.] Il est malaisé, à coup sûr, d'indiquer où passe la frontière qui sépare l'« artiste » du poète, d'autant plus qu'elle est flottante (Faure,Espr. formes, 1927, p. 132).V. cloison ex. 2 et 7, isolant ex. 5: 8. [Le Centre d'études supérieures touristiques] constitue un lieu de rencontre pour tous ceux qui s'intéressent aux problèmes touristiques, sous un angle doctrinal − (...) par-dessus cette (...) frontière invisible qui sépare les milieux universitaires des fonctionnaires spécialisés et des professionnels.
Jocard,Tour. et action État, 1966, p. 131.
γ) Qqc.3sépare qqn1de qqc.2(au fig.).La vérité est là, flambante, éclatante, je la vois, je crois pouvoir la saisir et un écran fragile, transparent, m'en sépare peut-être pour toujours (Aymé,Quatre vérités, 1954, p. 115). c) [Le suj. désigne une fraction de l'espace]
α) Qqc.3sépare qqc.1de qqc.2Une distance de vingt pas séparait sa chaise de la porte. Elle la franchit doucement, hissée sur la pointe des pieds, surveillant sa jambe caduque afin de faire le moins de bruit possible (Guèvremont,Survenant, 1945, p. 244).V. diviser B 1 ex. de Fustel de Coulanges. − [Le compl. d'obj. et le compl. second désignent des réalités abstr.] L'intervalle qui sépare deux nombres premiers consécutifs a fait l'objet de recherches fructueuses (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 15). − [Dans un cont. fig.] Il est instructif de marquer exactement la distance qui sépare leur point de vue du nôtre (Langlois, Seignobos,Introd. ét. hist., 1898, p. 26).V. distance I B 1 a ex. de Taine.
β) Qqc.3sépare qqn1de qqn2.Tu parlais d'une voix basse et précipitée. Ta tête ne reposait plus au creux de mon épaule. Déjà l'espace infime qui séparait nos corps étendus, était devenu infranchissable (Mauriac,Nœud vip., 1932, p. 65). − [Dans un cont. fig.] En ma qualité de voltigeur, j'avais sans doute appris le maniement des armes, et j'exécutais avec assez de précision les trois ou quatre mouvements principaux de l'exercice à feu. Mais de là aux devoirs du capitaine, il y a toute la distance qui sépare l'élève du maître (Reybaud,J. Paturot, 1842, p. 169).V. oublier I C ex. de Sandeau.
γ) Qqc.3sépare qqn1de qqc.2Nous repartons. Dix kilomètres seulement nous séparent de Bambio. Nous les ferons sans peine (Gide,Voy. Congo, 1927, p. 739).Il quitta Valbuisson un peu avant dix heures pour franchir les neuf kilomètres qui le séparaient de Claquebue (Aymé,Jument, 1933, p. 96). d) [Le suj. désigne une réalité qui occupe une fraction de l'espace]
α) Qqc.3sépare qqc.1de qqc.2Nos deux chambres étaient séparées par un petit salon (G. Leroux,Parfum, 1908, p. 42).Des étendues qui séparaient le Mississipi de la Californie, on ignorait tout (Lefebvre,Révol. fr., 1963, p. 4). − [Dans un cont. fig.] Que dire de la double spécialité qui consiste à prendre en considération la musique en soi, si l'on est acousticien, et, si l'on est musicien, à avoir une compétence objective en acoustique? Double spécialité qui permet d'aborder le no man's land qui sépare l'art et la technique (Schaeffer,Rech. mus. concr., 1952, p. 116).
β) Qqc.3sépare qqn1de qqn2.Vivre pour Joséphine, voilà l'histoire de ma vie. J'agis pour arriver près de toi; je me meurs pour t'approcher. Insensé! Je ne m'aperçois pas que je m'en éloigne ... Que de pays, que de contrées nous séparent! (Napoléon Ier, Lettres Joséph., 1796, p. 23).J'assistai donc (...) à la bataille de Malplaquet; seulement, au lieu de me trouver d'un côté du ruisseau qui séparait les deux armées, je me trouvais de l'autre (Dumas père, Fille du régent, 1846, ii, 11, p. 196). ♦ [Le suj. désigne une disposition concernant une réalité de l'espace] On sait, après la mauvaise expérience de l'autoroute du Sud, qu'il convient que les grands moyens de liaison soient suffisamment raccordés à l'environnement pour unir les hommes proches au lieu de les séparer irrémédiablement (Belorgey,Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 361). − [Dans un cont. métaph.] Maud attend, télépathiquement liée à cette femme muette, qui, séparée de son ami par des abîmes de musique, s'éloigne encore de lui, peut-être, à chaque sanglot de la valse, avec un clairvoyant désespoir... (Colette,
Œuvres compl., t. 5, L'Envers du music-hall, 1949 [1913], p. 47). − [Dans un cont. fig.] « Dans le cours ordinaire de la nature, dit-il, l'action divine, la cause se dérobe à nos regards. Vous et moi nous en prenons notre parti. » Un tel aveu en dit long sur le fossé qui sépare nos générations: voilà précisément la seule chose dont nous ne consentions pas à nous accommoder (Massis,Jugements, 1923, p. 231).Il ne dit pas à Polia qu'elle est la femme dont il parle, elle ne dit pas à Franciscus qu'elle l'aime, qu'elle est prête à braver les obstacles qui les séparent (Durry,Nerval, 1956, p. 115).
γ) Qqc.3sépare qqn1de qqc.2[Dans un cont. fig.]Je ne sais pas ce qui m'arrive, toujours est-il que je ne reconnais plus ma chambre, que mes pensées ne me reconnaissent plus. De tous les événements évoqués par toutes les conversations que j'entends, je suis séparé par un abîme d'indifférence (J. Bousquet,Trad. du sil., 1936, p. 168).V. abîme ex. 33, 34, 35. e) [Le suj. désigne une fraction du temps]
α) Qqc.3sépare qqc.1de qqc.2Le nombre de jours qui séparent deux dates. Plus que l'architecture, la décoration intérieure s'est modifiée durant les vingt-cinq ans qui séparent les débuts de la Révolution et la chute de l'Empire (Hautecœur,Art sous Révol. et Emp., 1954, p. 38).V. présent2II A 1 ex. de Marrou: 9. Je suis devenu amateur en diverses choses, je ne me suis fait ni une spécialité, ni une autorité. Et j'ai ainsi laissé fuir les grandes années, celles qui séparent la trentaine de la quarantaine, sans élever le moindre monumentum (car je n'ai pas d'illusions sur mes volumes de dilettante), sans même devenir orateur passable ou estimable professeur.
Amiel,Journal, 1866, p. 220. − [Le compl. d'obj. désigne des réalités considérées du point de vue de leur date d'apparition] Le Médecin malgré lui était couplé à Avignon avec la Garde-Malade, d'Henri Monnier. Deux siècles de distance séparaient les textes qui constituaient pourtant un unique spectacle (Serrière,T.N.P., 1959, p. 126). − [Le suj. désigne un mouvement défini par sa durée] Dans une époque où l'essentiel de l'action de guerre, c'est-à-dire de destruction, passe à la force aérienne, il serait difficile d'imaginer l'avenir de l'Angleterre, si la France, qui en est séparée par quelques minutes de vol, cessait d'être son alliée (De Gaulle,Mém. guerre, 1954, p. 568).
β) Qqc.3sépare qqn1de qqn2.Catulle Mendès et moi, que séparaient vingt ans d'âge mais que rapprochait étroitement une égale passion des lettres, de la bohême et du café (Courteline,Boubouroche, 1893, préf., pp. 7-8).
γ) Qqc.3sépare qqn1de qqc.2.Les préliminaires furent très-longs, et je comptais les minutes qui me séparaient encore du moment de ma délivrance. Enfin le signal se fit entendre. À titre de lauréat de philosophie, mon nom fut appelé le premier (Fromentin,Dominique, 1863, p. 128).La durée des rengagements (...) ne doit pas être supérieure au temps qui sépare la candidate de la limite d'âge (Lubrano-Lavadera,Législ. et admin. milit., 1954, p. 146). f) [Le suj. désigne un phénomène, un fait considéré du point de vue de sa situation temporelle dans une série de phénomènes ou de faits] Une série de systèmes nuageux (...) séparés par des éclaircies (Maurain,Météor., 1950, p. 137).Poussées récidivantes, séparées d'accalmies complètes (Ravault, Vignon,Rhumatol., 1956, p. 542). g) Au fig.
α) [Dans la relation entre pers.] − [Le suj. désigne une caractéristique phys.] Beethoven est (...) prisonnier (...) d'une incurable surdité qui le sépare des autres hommes tout autant qu'un mur épais et des barreaux (Dumesnil,Hist. théâtre lyr., 1953, p. 114). − [Le suj. désigne un sentiment ou un fait à l'orig. d'un sentiment] Haine, discorde qui sépare deux personnes. À ces autoroutes de restructuration et de pénétration devrait donc être accordée la priorité. Elles doivent permettre de rapprocher des villes voisines que leurs fonctions séparent, par exemple comme Nancy et Metz (Amén. terr., 1964, p. 17).À défendre ensemble les mêmes valeurs, les hommes apprennent à se mieux connaître et aussi à s'estimer, à devenir conscients de ce qui les unit ou les sépare. Ceux qui détiennent le savoir s'enrichissent au contact de ceux qui ont une expérience plus dure, plus âpre, plus douloureuse de la vie quotidienne (Cacérès,Hist. éduc. pop., 1964, p. 6).[P. méton. de l'obj.] L'antipathie fondamentale qui sépare si profondément la philosophie moderne d'avec l'ancienne (Comte,Philos. posit., t. 4, 1893 [1839], p. 237).
β) [Dans la relation entre un homme et une femme] Cette femme que j'aime, continua don Inigo avec exaltation, cette femme de qui me séparent les lois et les préjugés du monde, j'ai juré de la conquérir et de la faire mienne... (Ponson du Terr.,Rocambole, t. 3, 1859, p. 362).Lewis a serré contre lui une femme toute neuve. (...) mais je ne savais pas que ça pouvait être si bouleversant de faire l'amour. Le passé, l'avenir, tout ce qui nous séparait mourait au pied de notre lit: rien ne nous séparait plus (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 328).
γ) [Dans la relation entre une pers. et elle-même] Son acte n'appartenait qu'à elle. « C'est moi qui le veux. » C'était sa volonté qui était en train de s'accomplir, plus rien ne la séparait d'elle-même. Elle avait enfin choisi. Elle s'était choisie (Beauvoir,Invitée, 1943, p. 418). 2eSection. Empl. pronom. I. − Se séparer en A. − 1. [Le suj. désigne un objet, un matériau] Se couper, se casser, se déchirer en deux, en plusieurs morceaux. La cire est une substance végétale, sui generis, récoltée par les abeilles (...). À l'état récent, elle est tenace et cassante; elle se sépare en morceaux lorsqu'on la frappe (Kapeler, Caventou,Manuel pharm. et drog., t. 1, 1821, p. 198).Chacun tira de son côté (...) puis (...) le manuscrit qui leur servait de trait d'union physique, termina la lutte (...) en se séparant de lui-même en deux parties égales (Maupass.,Dr H. Gloss, 1893, p. 153). 2. [Le suj. désigne un objet, une masse composé(e) d'éléments libres les uns par rapport aux autres] Se diviser en deux parties qui s'écartent l'une de l'autre. Le rideau de la scène se sépare en deux (Laforgue,Moral. légend., 1887, p. 61).Dans le silence de la nuit, on n'entendait plus que le bruit de la houle qui se séparait contre l'étrave (Montherl.,Bestiaires, 1926, p. 581). − [P. méton.] Constituer deux parties qui s'écartent l'une de l'autre. Les éléments du liquide que rencontre l'avant du corps se séparent pour glisser sur le solide de part et d'autre (Painlevé,Résist. fluides non visqueux, 1930, p. 52).La nuit cachait les sentiers, mais j'avais fermé mes paupières et les buissons se séparaient devant moi (J. Bousquet,Trad. du sil., 1935, p. 35). B. − 1. CHIM., PHYS. [Le suj. désigne une substance, une particule de matière] Se dissocier, se décomposer en ses constituants. L'huile émulsionnée placée dans un champ électrique se sépare en ses deux constituants (Chartrou,Pétroles natur. et artif., 1931, p. 76).Le noyau d'uranium se séparait en deux fragments légers après la capture d'un neutron (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 350). 2. [Le suj. désigne un ensemble d'objets, de pers.] Constituer deux, plusieurs sous-ensembles éventuellement regroupés par catégories. Nous sommes (...) maintenant en face d'une véritable société enfantine. Elle fait bloc: il est assez rare que le groupe de jeu se sépare en sous-groupes, cela n'arrive guère d'une manière notable que chez les filles (Jeux et sports, 1967, p. 121). C. − 1. Se subdiviser, se ramifier (selon le mode spécifié par le compl. prép.). Ici, la grande rue unique se sépare en fourche devant la mairie et forme deux autres rues: la localité est un vaste y irrégulièrement ourlé de façades basses (Barbusse,Feu, 1916, p. 72).Devant la fenêtre un figuier se sépare en deux branches tortes (Giono,Colline, 1929, p. 138). 2. Se diversifier, se différencier. La nature se sépare, et se ramifie en quelque sorte; elle perfectionne son ouvrage et divise les sexes (Laclos,Éduc. femmes, 1803, p. 436). II. − Se séparer de qqc./de qqn; se séparer l'un de l'autre, les uns des autres. Mettre une certaine distance entre soi et quelque chose ou quelqu'un; cesser de constituer un tout avec quelque chose ou quelqu'un. A. − [Corresp. à supra 1reSection II A] 1. Empl. pronom. (le plus souvent réciproque) a) [Le suj. désigne des choses]
α) S'écarter, se disjoindre l'un de l'autre, les uns des autres. Toutes les voix se mêlaient, se séparaient, se rejoignaient encore pour dire des paroles très simples, des paroles qui célébraient des idées très naïves: l'espoir, la confiance, la certitude obstinée du bonheur en dépit des tempêtes (Duhamel,Suzanne, 1941, p. 104).V. séparation II A 2 c β p. métaph. ex. de Murger. − Littér. Cette heure trouble où les jours se séparent de la nuit, où l'ombre se dépose dans les vallées de la terre, où le ciel s'éclaire, où tout est comme un vase qu'on a longtemps agité et qui maintenant va avoir son repos et sa clarification (Giono,Eau vive, 1943, p. 114).
β) Au fig. Diverger. Il m'arrivait, tout seul, à la tombée du jour, de regarder les voitures suivre l'une et l'autre de ces deux routes. − Après s'être presque effleurées, elles se perdaient vers des directions contraires. Ainsi s'étaient séparées nos destinées, et pour toujours (Bourget,Disciple, 1889, p. 181). b) [Le suj. désigne des pers.]
α) Se quitter en prenant congé l'un de l'autre. Se séparer pour la nuit. La retraite sonnait; on se sépara, bien contents de s'être revus, en se promettant de revenir le lendemain manger la soupe ensemble (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 211).Mes enfants, ils faut aller dormir. Hubert protesta qu'on ne pouvait se séparer sans avoir rien décidé (Mauriac,Nœud vip., 1932, p. 178).[Avec attribut du suj.] Quand je pris congé d'elle, je surpris dans ses yeux une expression de haine et de fureur qui me fit trembler. Nous nous séparâmes ennemis (Balzac,Gobseck, 1830, p. 428). − En partic. [Le suj. désigne un ensemble de pers. réunies pour une fonction partic.] Interrompre ses travaux, cesser de tenir séance, se disperser. Le préfet, par un arrêté motivé, déclare la réunion illégale, prononce la nullité des actes, prend toutes les mesures nécessaires pour que l'assemblée se sépare immédiatement (Bacquias,Cons. gén. et cons. arrondiss., 1934, p. 54).
β) Se quitter, s'éloigner l'un de l'autre pour une période plus ou moins longue. Lorsqu'on se sépare, Dieu seul sait combien de temps doit durer l'absence (Dumas père, Angèle, 1834, ii, 1, p. 133).V. joindre I B 3 ex. de Laclos.
γ) S'installer à l'écart l'un de l'autre; prendre la décision de vivre chacun de son côté. Il y a toujours un moment où il faut se séparer, parce que les vieux et les jeunes ne sont pas faits pour rester ensemble (Maupass.,Une Vie, 1883, p. 256).Ces troupes dévorantes ont besoin de larges disponibilités d'espace. (...) il faut se séparer pour vivre; Abraham et Loth vont paître leurs troupeaux vers les points opposés de l'horizon (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 36). − En partic. [L'action implique la rupture d'un lien entre un homme et une femme] Cesser de, renoncer à vivre ensemble. Ils rirent pour ne pas pleurer, s'embrassèrent, et se séparèrent, les larmes aux yeux. Jamais ils ne s'étaient aimés autant qu'en se séparant (Rolland,J.-Chr., Amies, 1910, p. 1183).Louise, il faut nous séparer. Je suis obligé de quitter la France et de renoncer à nos projets. Soyez heureuse et pardonnez-moi. Adieu (Flers, Caillavet,M. Brotonneau, 1923, ii, 2, p. 12). 2. Qqn1se sépare de qqn2/qqc.2.Synon. de quitter. a)
α) Quitter, physiquement ou moralement, son milieu habituel; s'en éloigner, rompre avec lui. J'ai, moi aussi, mes caprices, ma tristesse, mon appétit inégal, mes heures de retraite rêveuse où je me sépare du monde (Colette,Dialog. bêtes, 1905, p. 10).V. part1II B 3 c ex. de Chateaubriand: 10. Les garçons du village interviennent dès que le prétendant obtient l'entrée de la maison: si le fiancé est du pays un festin plus ou moins copieux les réunit une dernière fois, c'est « l'enterrement de la vie de garçon », le « dîner d'adieu » offert par celui qui se sépare du groupe d'âge.
Menon, Lecotté,Vill. Fr., 2, 1954, p. 26. − Se séparer en pensée. Bien que le déménagement n'ait pas été commencé, je me sépare en pensée de cette ville où plus rien ne m'arrivera où il n'est plus temps que l'affreuse peine de vivre recule désormais devant moi (Bousquet,Trad. du sil., 1936, p. 217).
β) P. anal., VÉN. [Le suj. désigne un cerf] Quitter sa harde (d'apr. Vén. 1974). b) Quitter son conjoint, son compagnon; cesser de vivre avec lui. Dans les quelques mois qui lui restaient à vivre, il se sépara de sa femme, lui pardonna une infidélité et se réconcilia avec elle (Béguin, Âme romant., 1939, p. 23).Regarde-moi: j'ai vieilli, j'ai passé deux ans en taule, je me suis séparé de Jessica et je mènerai cette drôle de vie perplexe, jusqu'à ce que les copains se chargent de me libérer (Sartre,Mains sales, 1948, 7etabl., p. 248). c) P. anal., POL. Rompre une association, une alliance avec un partenaire; (re)prendre son indépendance par rapport à lui. Puisque l'État, rompant les liens du Concordat, se séparait de l'Église, il eût dû, comme conséquence naturelle, lui laisser son indépendance... (Pie x,Encyclique Vehementer, 1906ds Rec. textes hist., p. 100). 3. Au fig. Qqn/qqc. se sépare de qqn/qqc.Se différencier, se distinguer, se démarquer de. a)
α) [Le suj. et le compl. désignent des pers.] Comment ne voyez-vous pas combien vous faites fausse route quand vous voulez instituer la lutte de classe et préparer la révolution? C'est sur ce point que je me sépare nettement de vous... (Clemenceau,Discours, 1884ds Fondateurs 3eRépubl., p. 274).Jules Guesde (...) se sépare ouvertement de Jaurès dans la grande campagne engagée devant la France et devant l'Europe pour la justice et pour la vérité (Clemenceau,Vers réparation, 1899, p. 35).
β) [Le compl. désigne le fait, l'attitude qui motive l'action] La jeune fille sait par sa conduite se garantir, et par quelques mots bien placés, par des riens, se séparer des sottises de sa mère (Sainte-Beuve,Nouv. lundis, t. 2, 1862, p. 184).Il cracha dans le cuveau de l'Adélaïde, mais à blanc, simplement pour affirmer qu'il se séparait des méthodes de sa femme (Aymé,Jument, 1933, p. 268). b)
α) [Le suj. et le compl. désignent des choses] L'opération [d'analyse] consiste à découvrir (...) les traits communs qui appartiennent à toutes les œuvres d'art, en même temps que les traits distinctifs par lesquels les œuvres d'art se séparent des autres produits de l'esprit humain (Taine,Philos. art, t. 1, 1865, p. 14).Ces brèves formules, en apparence si anodines (...) sont en quelque sorte le symbole de l'ancien régime, le point où se séparent avec le plus de netteté la nouvelle et l'ancienne conception du roman (Sarraute,Ère soupçon, 1956, p. 108).
β) [Le suj. et le compl. désignent des époques envisagées quant à leur contenu] Aujourd'hui se cherche et tend à se séparer d'hier, mais sans trouver encore le principe de son identité (Arts et litt., 1936, p. 42-5). 4. En partic. Qqn se sépare de qqn/qqc. a) [Le compl. désigne une pers.] Se séparer (d'un collaborateur, d'un subalterne). Cesser de faire appel aux services de quelqu'un, le congédier. Dans une troupe où un directeur sait provoquer l'esprit de recherche, un contremaître du plateau sera touché de voir un jeune comédien se former aux exigences concrètes et rigoureuses de son propre métier. Sinon, il faut se séparer du contremaître (Vilar,Tradition théâtr., 1963, p. 113). b)
α) [Le compl. désigne une chose] Se défaire de, ne pas garder quelque chose à quoi l'on tient. Madame de Bonmont se leva et prit le bras du comte Davant. − Vous comprenez, je n'aime pas à me séparer de mes affaires (...). Des objets prêtés courent des risques (France,Bergeret, 1901, p. 359).Le soldat pressait sur son cœur une barre de savon que lui avait offerte Félicie, et refusait de s'en séparer (Van der Meersch,Invas. 14, 1935, p. 167).
β) Ôter, enlever ce qui gêne. En attendant [d'aller en Égypte], travaillons à nous séparer des liens qui entravent l'esprit et débilitent la santé (Delacroix,Journal, 1824, p. 81). B. − [Corresp. à supra 1reSection II B] 1. Empl. pronom. réciproque. [Le suj. désigne les composants d'un mélange; le compl. prép. précise les modalités de l'action] Se mettre de part et d'autre, s'isoler l'un de l'autre/les uns des autres. [L'acide carbonique s'unit] à l'ammoniac pour donner du carbonate et du bicarbonate qui se séparent en cristaux (Quéret,Industr. gaz, 1923, p. 267).Par fusion, le mélange paraît se produire, mais les deux espèces se séparent au refroidissement (Friedel,Cristallogr., 1926, p. 549). 2. Qqc. se sépare de qqc.[Le suj. désigne une substance, le compl. d'obj. indir. le milieu dont elle est issue] Apparaître à partir de, être issu de. Les silicates qui se sont séparés du magma sont, pour la plupart, de composition variable (Niggli,Loi phases minér. et pétrogr., t. 2, 1938, p. 50). − [Sans compl. d'obj. indir.; avec compl. prép. précisant l'état dans lequel la substance apparaît] Dès qu'un échauffement aura restitué aux atomes de carbone une certaine mobilité, ils se sépareront de la ferrite sous forme de carbure (Encyclop. univ.t. 11968, p. 153a, s.v. acier). C. − [Corresp. à supra 1reSection II C] Se séparer de qqn par qqc.Dresser quelque chose comme barrière entre soi et quelqu'un d'autre. Il y aurait un immense inconvénient à nous couper ainsi toutes les sources poétiques du passé, et à nous séparer par notre langage des simples qui adorent si bien à leur manière (Renan,Avenir sc., 1890, p. 476). REM. Séparant, -ante, part. prés. en empl. adj.,vieilli. Qui sépare; qui a pour fonction ou pour effet de séparer. a) [Corresp. à supra 1reSection II B]
α) Anat. Synon. vieilli de sécréteur.La constante uniformité de la matière séparée [le fluide sécrété], la grande différence qu'elle présente souvent avec la matière séparable [le fluide nourricier général], prouve suffisamment que l'organe séparant doit avoir une structure constante, que les pores à travers lesquels passe la sécrétion sont toujours les mêmes; en un mot, qu'ils sont organiques (Cuvier,Anat. comp., t. 5, 1805, p. 206).
β) Au fig. Qui isole, qui met à part. Cet esprit de communauté est à la fois séparant et unifiant. Il sépare dans la mesure où il affirme l'originalité, l'autonomie de la communauté, en face des autres groupements: l'Islam contre l'infidèle. Il unit dans la mesure où il fait jaillir une flamme de religion pure (Philos., Relig., 1957, p. 44-2).b) [Corresp. à supra 1reSection II C] Qui s'interpose, qui isole en s'interposant. P. métaph. Augustin ne savait plus qui devançait, qui était devancé, de son cœur ou de la musique, qui s'exprimait de lui ou d'elle, des grands thèmes interprétants ou de l'interprété (qui était lui-même) tant la lame de personnalité séparante se montrait traversable, tant le jeu de ses propres mouvements passionnés glissait clair et facile, sur la surface huilée des sons (Malègue,Augustin, t. 2, 1933, p. 190). Prononc. et Orth.: [sepaʀe], (il) sépare [-pa:ʀ]. Ac. 1694, 1718: se-; dep. 1740: sé-. Étymol. et Hist. A. Trans. 1. a) 1314 « faire cesser d'être ensemble ou de former un tout » separer les choses conjointes (Henri de Mondeville, Chirurgie, éd. A. Bos, n o563); 1655 cynég. separer les questes (Salnove, La Venerie Royale, Paris, A. de Sommaville, p. 33); b) 1314 « mettre à part les éléments différents d'un tout hétérogène » ils sont descontinuees et separees (Henri de Mondeville, op. cit., n o1636); c) 1629 [1rereprésentation] « considérer à part, distinguer » (Mairet, Sophon., III, 1 ds Littré); d) 1674 « faire un tri entre des objets présentant des caractères différents » du bon or je separe le faulx (Boileau, Art poetique, éd. Ch. H. Boudhors, IV, 233); 2. a) ca 1330 « éloigner de, distinguer de » (Guillaume de Digulleville, Pelerinage Vie hum., 5946 ds T.-L.); b) 1375-79 « mettre à une certaine distance l'un de l'autre dans l'espace » sans oster ne separer d'avec la mere (Jean de Brie, Bon Berger, 90, ibid.); c) 1549 « établir une différence entre » ici « classer par une opération de l'esprit » (Est.); 1797 en parlant de pers. « les distinguer » (Sénac de Meilhan, Émigré, p. 1170: deux personnes que je me plais à ne pas séparer dans mon affection); d) 1552 « mettre fin à une bonne entente, à l'union » (Est.); e) 1559 « s'interposer entre deux adversaires » la nuict ... les [adversaires] separa (Amyot, Pyrrh., 66 ds Littré); f) 1697 « prononcer une sentence d'interdiction » séparer qqn des sacrements (Racine, Hist. Port. Roy., 2epart., ibid.); 3. a) 1667 « constituer un obstacle moral entre deux personnes, deux choses » (Id., Andromaque, II, 5, 663); b) 1690 « constituer une division, une limite entre deux surfaces » (Fur.); c) 1799 « constituer un obstacle, isoler » la honte ... la sépara du reste du monde (Cottin, Cl. d'Albe, p. 195); d) 1817 « former une barrière protectrice » (Staël, Consid. Révol. fr., t. 1, p. 381: quelques gardes nationaux la séparaient seuls de la populace). B. Pronom. 1. a) 1398 « s'écarter » la taie de dessus se sépare (Ménagier, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, p. 272, ligne 7); b) 1672 « cesser d'être lié à » (Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 1, p. 547); c) 1690 « se diviser » la Seine se sépare en deux en cet endroit-là (Fur.); 2. a) 1609 « aller chacun de son côté » (Malherbe, Poésies, XXXII, 18 ds
œuvres compl., éd. L. Lalanne, t. 1, p. 135); b) 1635 « en parlant d'un couple, cesser de vivre ensemble » (Monet); c) 1691 « se disperser en parlant d'une foule, d'une assemblée, etc. » (Racine, Athalie, III, 7, 1102); d) 1718 « (de deux adversaires) cesser de se battre » (Dancourt, Déroute du pharaon, sc. 25 ds Littré); 3. a) 1635 « décider unilatéralement de cesser de vivre avec son conjoint » (Monet); b) 1704 « s'éloigner de quelque chose, prendre une certaine distance » séparons nous du monde (Bourdal., Serm. 17edim. après la Pentecôte, Dominic., t. IV, p. 73 ds Littré); c) 1798 cynég. (Ac.); d) 1823 « donner congé à un employé » (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, p. 52: il fallut nous séparer de huit domestiques anglais). Empr. au lat. class.separare « mettre à part, distinguer », comp. de se- préf. marquant la séparation et de parare « préparer, arranger ». Fréq. abs. littér.: 6 823. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 12 332, b) 8 763; xxes.: a) 7 852, b) 9 073. |