| SÉNAT, subst. masc. A. − HISTOIRE 1. ANTIQ. Assemblée de patriciens de la Rome antique qui détenait l'essentiel du pouvoir politique sous la République et qui perdit de son importance sous l'Empire. La Rome aristocratique de la république ferma le sénat aux plébéiens, la cité aux populations voisines (Michelet, Hist. romaine, t. 1, 1831, p. 93).L'altération la plus légère troublait et bouleversait la religion de la patrie, et transformait les dieux protecteurs en autant d'ennemis cruels. (...) c'est pour cela que le sénat de Rome dégradait ses consuls et ses dictateurs qui avaient commis quelqu'erreur dans un sacrifice (Fustel de Coul., Cité antique, 1864, p. 213). 2. a) [Dans l'Antiq. et sous l'Anc. Régime] Conseil, assemblée politique dont le recrutement, le rôle et le pouvoir ont varié selon les époques et les pays. Sénat de Carthage, de Gênes. Le sénat nous envoie ici. Est-ce qu'il y a moyen d'éluder les ordres du sérénissime sénat de Venise? (Hugo, L. Borgia, 1833, I, 2epart., 2, p. 56).Le sénat athénien demandait au nouvel élu s'il avait quelque défaut corporel, s'il possédait un dieu domestique, si sa famille avait toujours été fidèle à son culte (Fustel de Coul., Cité antique, 1864, p. 235). b) [Hors de France]
α) Assemblée municipale ou conseil de notables dans certains pays. Theodebert présenta le ci-devant comte à l'évêque et au sénat municipal, en disant qu'il serait bien que la cité de Tours rentrât sous le gouvernement de celui qui l'avait régie avec sagesse et fermeté au temps de l'ancien partage (Thierry, Récits mérov., t. 2, 1840, p. 203).La Diète admonesta en vain le Sénat de Hambourg qui laissait négociants et banquiers trafiquer avec la République (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p. 323).
β) Sénat de Pologne. Conseil dont les membres étaient nommés par le roi, composé de grands du royaume et de certaines personnalités locales ou religieuses. Le sénat se réunissait tantôt séparément, tantôt avec la Chambre des députés, et, dans ce dernier cas, les deux Chambres constituaient la Diète (Lar. 19e). 3. [Sous le Consulat, le Premier et le Second Empire] Sénat-Conservateur, Sénat. Assemblée composée de membres nommés à vie, et inamovibles, chargés de veiller au respect de la Constitution. Le sénat-conservateur recousu et redoré, le conseil d'État de 1806 retapé et rebordé de quelques galons neufs (Hugo, Nap. le Pt, 1852, p. 55).Le Sénat comprenait tous les cardinaux, maréchaux, amiraux, etc., que l'empereur désignait pour en faire partie jusqu'à un maximum de cent cinquante membres. Les sénateurs occupaient leurs sièges à vie (Lidderdale, Parlement fr., 1954, p. 27). B. − INSTIT. POL., mod. [Dans les régimes démocratiques à deux assemblées] Assemblée dont les membres sont nommés ou élus le plus souvent au suffrage indirect pour un mandat assez long et qui assure la stabilité et la continuité des institutions d'un pays. Synon. Chambre* haute (Grande-Bretagne), Haute Assemblée (France).Président, séance du Sénat; avoir un siège au Sénat. Mais il est possible de remédier − au moins dans une certaine mesure − au silence du Pacte en se référant au Rapport du Comité des Affaires Étrangères du Sénat des États-Unis (Sibert, O.T.A.N., 1956, p. 6).Le Sénat a, concurremment avec la Chambre des députés l'initiative et la confection des lois. Toutefois, les lois de finances doivent être, en premier lieu, présentées à la Chambre des députés et votées par elle (Lois constit., 1875ds Doc. hist. contemp., p. 39).V. sénateur B ex. de Goldschmidt. C. − P. méton. Lieu où un sénat s'assemble; en partic., palais du Luxembourg à Paris, siège du Sénat français. Le sénat d'Athènes n'était guère différent. La salle renfermait aussi un autel, un foyer. On accomplissait un acte religieux au début de chaque séance (Fustel de Coul., Cité antique, 1864, p. 206).Chaque matin nous étions réveillés par la même question: la croix gammée flotte-t-elle encore sur le Sénat? (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 27). D. − Pop., vieilli 1. Assemblée corporative. Les ouvriers du fer ayant abandonné le compagnonnage formèrent des sénats (Poulot, Sublime, 1870, p. 160). 2. P. méton. Salle de cabaret où se réunissaient ces assemblées. Il ne faut pas confondre le sénat avec les assommoirs. Il y a peu de sénats, tandis qu'il y a peut être plus de deux cents assommoirs (Poulot, Sublime, 1870, p. 160). ♦ P. anal., pop., arg. Salle retirée qui sert de refuge aux ivrognes dans certains cabarets. Il existe un marchand de vin, faubourg du Temple, qu'on appelle le Sénat (...) rendez-vous des sénateurs [mendiants, etc.] (Delesalle, Dict. arg.-fr. et fr.-arg., 1896, p. 267). E. − P. anal., plais., vieilli. Assemblée de personnes ayant généralement un pouvoir occulte. La position du chanoine au milieu du sénat femelle qui faisait si subtilement la police de la province et sa capacité personnelle l'avaient fait choisir par la Congrégation, entre tous les ecclésiastiques de la ville, pour être le proconsul inconnu de la Touraine (Balzac, Curé Tours, 1832, p. 232).Les petits sénats dirigeants obéissent à un petit nombre qui les mène (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 1, 1849, p. 45). Rem. Gén. avec une maj. lorsqu'il désigne le sénat particulier d'un pays, au sens mod., ou le lieu dans lequel il siège (supra B e C ex.). REM. Sénatorien, -ienne, adj.,antiq. romaine. Relatif au sénat de Rome, aux sénateurs romains. (Dict. xixeet xxes.). Synon. mod. sénatorial.Maison, famille, race sénatorienne (Ac. 1935). Prononc. et Orth.: [sena]. Ac. 1694, 1718: se-; dep. 1740: sé-. Étymol. et Hist. 1213 hist. romaine « assemblée » et « lieu où se tient cette assemblée » (Fet des Romains, éd. L.-F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p. 11, lignes 15 et 26); 1636 « premier corps politique de certains États modernes (ou contemporains) » (Monet). Empr. au lat.senatus, -us « assemblée » et « réunion de cette assemblée », propr. « assemblée des anciens », dér. de senex, senis « vieux, vieillard »; cf. l'a. fr. sené « sénat (comme tribunal) » 1119 (Philippe de Thaon, Comput, éd. E. Mall, 3468) − 1461 (Reg. journ. des prévôts et jurés, série A, Arch. Tournai ds Gdf.: senné). Fréq. abs. littér.: 967. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 606, b) 1 428; xxes.: a) 911, b) 574. Bbg. Richard (W.) 1959, p. 139, 140. |