| SÉLECTION, subst. fém. A. − 1. Processus (opération volontaire et méthodique, phénomène inconscient ou automatique) par lequel, à l'intérieur d'un ensemble donné, certains éléments (personnes ou choses) sont choisis, retenus à l'exclusion des autres, en fonction de caractéristiques déterminées, éventuellement impliquées par une certaine fin. Ces gens-là (...) prétendaient ne rien inventer, ce qui était vrai, mais ils n'en maquillaient pas moins, par la sélection de leurs documents, l'histoire (Huysmans,Là-bas, t. 1, 1891, p. 32): ... qui dit élu, dit choix, sélection. Ce ne serait donc pas assez chrétiennement comprendre l'action universelle de Jésus que de le regarder uniquement comme centre d'attraction et de béatification. Justement, parce qu'Il est Celui qui unit, il est aussi Celui qui trie, qui sépare, et qui juge.
Teilhard de Ch.,Milieu divin, 1955, p. 187. SYNT. Sélection consciente, raisonnée, rationnelle; sélection méthodique, rigoureuse, sévère; sélection arbitraire, automatique, mécanique; faire une sélection; opération de sélection; critères, principes, modes, méthodes de sélection; sélection des données, des faits; la sélection du réel. − En partic. a) [Relativement aux êtres hum.] ♦ Sélection professionnelle, sélection du personnel ou, absol., sélection. Opération qui tend à déterminer à partir de critères établis et avec le recours à certaines méthodes, notamment à certaines méthodes psychotechniques, les individus les plus aptes à satisfaire aux exigences d'un emploi ou d'un poste. Beaucoup d'hommes pourront être des travailleurs efficaces, à condition qu'on les mette à la place à laquelle leurs aptitudes les désignent. Ce problème s'appelle sélection professionnelle lorsqu'il se pose à un patron ayant à choisir pour un poste vacant le meilleur candidat. Il se nomme orientation professionnelle lorsqu'il se pose à un adolescent qui cherche quel est le métier où il réussira le mieux (Wilbois,Comment fonct. entr., 1941, p. 34).Toutes les armées modernes, qui font appel à des masses d'hommes considérables et qui assignent à chacun des tâches complexes et spécialisées, sont dotées d'un service de sélection et d'orientation du personnel (Sill.1965). ♦ [Dans l'enseign.] Détermination, à l'intérieur d'un groupe d'élèves ou d'étudiants, des sujets propres à suivre un certain type d'enseignement. Sélection des élèves, des étudiants; sélection scolaire; sélection par examen, par concours. L'examen sur épreuves spéciales convient sans conteste pour désigner les élèves à admettre, avec des chances suffisantes de succès, dans tel ou tel cycle d'études supérieures. Soulignons cependant que ce mode de sélection ne doit pas être exclusif, même si l'examen de sélection est un concours (Capelle,Éc. demain, 1966, p. 144).P. ext. Ensemble du processus qui tend à réserver à certains un type d'enseignement considéré comme celui de l'élite. La sélection repose sur un principe d'égalité et sa contestation pratique: il s'agit de faire apparaître inégaux des candidats considérés au départ comme égaux. Par son apparence de neutralité appuyée sur des outils, des critères, la sélection joue pleinement et une fonction technique (attestation de capacités) et une fonction sociale (attestation de droits) légitimant les liaisons entre les avantages scolaires et les avantages sociaux, alors même qu'elles lui préexistaient (Éduc.1979). ♦ Sélection sociale. Répartition des individus à l'intérieur des différentes classes de la société, principalement en fonction de leur milieu d'origine, de leur niveau culturel et professionnel, de leurs ressources financières. La CFTC [Confédération française des travailleurs chrétiens] (...) se prononce pour une « société sans classe » où « le travail soit la source principale de revenus de chacun et où l'argent ne soit plus principe de sélection sociale et de pouvoir économique » (Reynaud,Syndic. en Fr., 1963, p. 97). ♦ SPORTS. Choix des meilleurs sportifs d'une collectivité en vue d'une compétition intéressant une collectivité plus vaste. Épreuve de sélection; comité de sélection. Match de sélection d'où devait sortir l'équipe de Paris (L'Auto, 2 mars 1908ds Petiot 1982). b) [Relativement aux choses] ♦ INFORMATIQUE ,,Recherche systématique d'éléments correspondant à une caractéristique donnée; en particulier opération de la machine qui dirige vers l'un des deux organes différents, une impulsion en provenance d'un troisième, ou qui regroupe dans un même organe les impulsions issues de dispositifs différents`` (Lhoste-Pèpe 1964). ,,Séparation automatique de certains éléments d'un fichier en utilisant un fichier de référence`` (Milsant 1981). On distingue deux modes de sélection: a) Sélection par égalité. Consiste à écarter les documents qui portent un indicatif déterminé. b) Sélection par non égalité. Consiste à écarter les documents qui ne portent pas un indicatif déterminé (Milsant1981). ♦ LING. ,,Opération par laquelle un émetteur peut choisir, en tout point de la chaîne parlée, donc de l'axe syntagmatique, une unité (phonème, morphème) parmi toutes celles qui figurent sur l'axe paradigmatique imaginaire et qui constituent les classes de substitution`` (Lang. 1973). On oppose parfois l'axe des sélections à l'axe des combinaisons, comme l'axe paradigmatique à l'axe syntagmatique. Dans la perspective de F. de Saussure, chaque maillon de la chaîne parlée (à chaque niveau d'analyse) offre la possibilité d'un choix sélectif. Chaque unité de la chaîne est donc en rapport de sélection avec les unités capables de commuter avec elle (Ling.1972).Contrainte(s) de sélection (ou restriction(s) de sélection). ,,Limitations portant sur les cooccurrents possibles d'une unité donnée, c'est-à-dire sur les unités avec lesquelles l'unité en question peut se combiner`` (D. D. L. 1976). En qualité d'attribut, résistant se combine avec Pierre et acier (on peut dire Pierre est résistant et L'acier est résistant) alors qu'endurant ne se combine qu'avec Pierre (...). On dit qu'il y a alors pour endurant une contrainte de sélection qui n'existe pas pour résistant (D. D. L. 1976). ♦ PHOT. Sélection des couleurs, sélection photographique. Opération ayant pour objet la dissociation des couleurs d'un document en deux, trois ou quatre couleurs primaires. La sélection des couleurs s'obtient par l'emploi des écrans colorés: on photographie trois fois le document, à travers trois écrans (Arts et litt., 1935, p. 28-16). ♦ RADIO, TÉLÉCOMM. Processus permettant d'isoler une bande de fréquences déterminée en la séparant des ondes de fréquences voisines. [En T.S.F. la] sélection (...) permet de recevoir uniquement des ondes d'une longueur déterminée (...) et de rendre (...) le récepteur à peu près (...) sourd aux parasites (Coustet,T.S.F. prat., 1924, p. 87). 2. P. méton. Ensemble des personnes ou des choses ainsi choisies ou retenues par ce processus de sélection. Il y a lieu de croire, d'ailleurs, que cette société de tempérance est une sélection de pochards (Bloy,Journal, 1899, p. 335).L'orchestre joue son répertoire sentimental, ses sélections sur Samson et Dalila, la Veuve joyeuse ou la Fornaria (Fargue,Piéton Paris, 1939, p. 42). − SPORTS. Ensemble des joueurs choisis pour faire partie d'une équipe, pour participer à une compétition. À Londres, en 1908, les épreuves par équipes truffent le programme. À l'épée, la sélection française remporte le tournoi (Jeux et sports, 1967, p. 1432). B. − BIOLOGIE 1. Sélection (artificielle). Opération par laquelle l'homme intervient sur le choix des reproducteurs en fonction des caractéristiques voulues, pour maintenir, modifier, améliorer une race, une espèce, une variété animale ou végétale. La formation d'une race au départ de la multiplicité des cheptels locaux suppose la pratique de la sélection et du croisement. Une nouvelle technique, l'insémination artificielle, permet d'étendre rapidement les avantages de la sélection et du croisement en multipliant l'emploi des géniteurs les plus valables (Wolkowitsch,Élev., 1966, p. 74).La sélection artificielle est depuis longtemps l'œuvre de l'homme pratiquée par lui dans un but utilitaire. C'est la base de l'agriculture et de l'élevage en vue d'un plus grand rendement au travail, en lait, en viande, en fourrure ou, même, en considérations sportives ou esthétiques (Animaux1981). ♦ Sélection conservatrice. Sélection qui tend à assurer le maintien d'une race, d'une espèce, d'une variété donnée. Infra ex. de Lar. agric. 1981. ♦ Sélection créatrice ou améliorante. Sélection qui tend à l'amélioration ou à la modification d'une race, d'une espèce, d'une variété donnée. La sélection conservatrice ne crée rien; elle choisit les individus qu'elle veut reproduire, valorise la sélection créatrice et assure la diffusion des variétés cultivées. La sélection créatrice, au contraire, utilise la variabilité génétique et provoque des changements, par mutation ou par hybridation, dans le patrimoine de l'espèce considérée (Lar. agric.1981). − P. méton. Race, espèce, variété obtenue par sélection artificielle. Betterave améliorée Vilmorin, sélection A. − Variété bien connue, peut donner dans des conditions moyennes de culture de 30 à 40 000 kg à l'hectare, avec une richesse en sucre de 18 à 20 % (Rouberty,Sucr., 1922, p. 34). 2. [Dans la théorie de Darwin] Sélection (naturelle). Processus qui, sous l'effet de conditions naturelles, assure la survivance des êtres et des espèces les plus aptes à lutter pour leur existence dans un milieu donné et entraîne l'élimination plus ou moins complète de ceux qui sont moins bien adaptés. Au nom du dogme de la concurrence vitale et de la sélection naturelle, on nous dépeint sous les plus tristes couleurs cette humanité primitive dont la faim et la soif, mal satisfaites d'ailleurs, auraient été les seules passions (Durkheim,Divis. trav., 1893, p. 173).Maintenant, la vie une fois posée, comment s'en représenter l'évolution? On peut soutenir que le passage d'une espèce à l'autre s'est fait par une série de petites variations, toutes accidentelles, conservées par la sélection et fixées par l'hérédité (Bergson,Deux sources, 1932, p. 116).V. lutte B 3 ex. de Hist. gén. sc. ♦ P. métaph. L'Europe a envoyé dans les deux Amériques ses messages, les créations communicables de son esprit (...). C'est une véritable « sélection naturelle » qui s'est opérée et qui a extrait de l'esprit européen ses produits de valeur universelle, tandis que ce qu'il contient de trop conventionnel ou de trop historique demeurait dans le Vieux Monde (Valéry,Regards sur monde act., 1931, p. 110). − Sélection sexuelle. ,,Sélection naturelle qui s'opère sur les caractères sexuels secondaires et qui donne à certains individus mâles un avantage sur les autres individus du même sexe, pour la possession des femelles de la même espèce`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Selon ce principe [de l'habitude héréditaire], des modifications primitivement accidentelles peuvent, sous l'influence de certaines circonstances, telles que le milieu physique, la concurrence vitale, la sélection sexuelle, devenir finalement essentielles et passer de l'individu à l'espèce (E. Boutroux,Contingence, 1874, p. 94). Prononc. et Orth.: [selεksjɔ
̃], [-le-]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. A. 1609 plur. « morceaux choisis » (P. Camus, Diversitez, t. 2, 463 r ods Delb. Notes mss); 1801 (Mercier Néol. t. 2, p. 246: Choix, triage etc. Sélection de mots propres, dit plus que choix. Nous avons élection; mais Sélection veut dire plus positivement un choix qu'on fait parmi des choses dont on rejette la plupart), attest. isolées. B. 1. a) 1857 élev. et cult. « processus d'élimination et de choix au cours de la reproduction, destiné à obtenir des races ou des variétés présentant certaines particularités ou certaines qualités » (L'Illustration, n o737, vol. XXIX, 11 avr., p. 234, col. 3); 1862 (Michel-Chevalier, Exposit. de Londres, II, 25 ds Bonn., p. 126); b) 1864 sélection naturelle (Renouvier, Essais crit. gén., 3eessai, p. 151), cf. aussi Darwin, De l'origine des espèces par sélection naturelle, trad. Clém. Royer ds Bonn., p. 126; c) 1871 « processus d'élimination et d'orientation dans la constitution de l'élite d'une société » (Renan, Réf. intellect., p. 43); 2. a) 1887 « ensemble (ici, de personnes) dû à un processus de sélection » (Id., Hist. peuple Isr., t. 1, p. 15); b) 1932 spéc. sports (L'Auto, 16 avril ds Petiot 1982). A empr. au lat. selectio « choix, tri » dé. du rad. du supin de seligere « trier, choisir et mettre à part ». B empr. à l'angl. de même orig. selection « action de trier et de choisir, choix » (1646-58 ds NED) d'où « ensemble d'êtres ou de choses sélectionnées » (1805, ibid.). Att. comme terme de cult. et d'élev. (av. 1837, ibid.), le terme a été répandu par Darwin dans l'expr. natural selection (1857, ibid. et surtout dans l'ouvrage On the Origin of Species by Means of Natural Selection, or the Preservation of Favoured Races in the Struggle for Life paru en 1859). Fréq. abs. littér.: 188. Bbg. Choul (J. Cl.). La Méth. du discours... Meta. 1979, t. 24, n o3, p. 340. − Darm. 1877, p. 183. − Gohin 1903, p. 262. − Kerbrat-Orecchioni (C.). L'Énonciation de la subjectivité dans le lang. Paris, 1980, pp. 121-124; 133-137. |