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SYMPATHIE, subst. fém.
A. − Attrait naturel, spontané et chaleureux qu'une personne éprouve pour une autre. Synon. attirance, inclination, penchant; anton. antipathie, répulsion.Sympathie affective, ardente, débordante, expansive, naissante, profonde; une sympathie réciproque; avoir de la sympathie pour qqn; éprouver une vive sympathie, une tendre sympathie pour qqn; se prendre de sympathie pour qqn; manifester, montrer, témoigner de la sympathie; ressentir l'un pour l'autre une vive sympathie; inspirer de la sympathie à qqn; sympathie née d'une profonde estime, d'un profond respect; sympathie mêlée de pitié; élan, mouvement de sympathie. [Duroy] sentait bien qu'il lui plaisait, qu'elle avait pour lui plus que de la sympathie, une de ces affections qui naissent entre deux natures semblables (Maupass., Bel-Ami, 1885, p. 190).Il m'examine (...) avec une assurance attentive et amusée, où se reflète, plutôt qu'une curiosité indiscrète, cette sympathie instinctive qui semble le jeter impatiemment au-devant des êtres (Martin du G., Souv. autobiogr., 1955, p. lxvi).
P. méton., vieilli, rare. Personne qui inspire la sympathie. Recevoir les gens qui viennent vous voir, serrer la main des sympathies (Goncourt, Journal, 1865, p. 227).Quand nos voitures se croisaient (...) un petit salut et un sourire (...). Jugez de ma surprise, l'autre matin, quand j'ai vu ma sympathie entrer dans la petite maison italienne qui est à deux pas de la nôtre (Feuillet, Camors, 1867, p. 273).
P. anal. [Le sentiment s'exprime à propos de qqc.] Quand il tenait un bibelot en ses doigts, il le tournait, le retournait, le regardait avec tant (...) d'élégance et de sympathie que l'objet paraissait aussitôt embelli (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Bar., 1887, p. 1301).Seul me demeurait hermétique le clan formé par Sartre, Nizan et Herbaud (...). On disait qu'ils « manquaient de sympathie à l'égard des choses » (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 310).
B. −
1. Concordance entre deux ou plusieurs personnes que rapprochent certaines affinités, certains goûts ou jugements communs; les relations ainsi créées, l'accord, la fusion ainsi réalisés. Cavaliers et dames (...) qui s'étaient rapprochés et choisis au gré de l'obscur instinct des sympathies et des affinités (Pesquidoux, Livre raison, 1925, p. 128).Nous nous développons dans la sympathie, mais c'est en nous opposant que nous apprenons à nous connaître (Gide, Geneviève, 1936, p. 1387).
Loc. En sympathie avec qqn. Elle trouvait étrange que sa tante rît de si bon cœur, et plus étrange encore qu'elle rît d'accord et en sympathie avec son frère (A. France, Putois, 1904, p. 57).Le gouverneur-général Ryckmans, coupé lui aussi de sa patrie, mais voulant que son pays participât à la guerre, était en sympathie avec la France libre (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 115).
P. anal. [Le compl. prép. désigne des choses] Il y a donc entre moi et tout ce qui existe une relation (le mot est tout à fait impropre) du même type que celle qui m'unit à mon corps (...). Ceci revient à dire que mon corps est en sympathie avec les choses (G. Marcel, Journal, 1921, p. 265).
Vieilli. Conformité, similitude de sentiments, de pensées. Eh bien, nous nous ressemblons donc; il y a sympathie en nous deux (E. de Guérin, Lettres, 1839, p. 335).
[Avec une précision sur la nature de l'affinité] [Exprimée par un adj.] Sympathie intellectuelle. Permettez-moi de voir dans l'attention exquise que vous avez eue de m'envoyer votre volume, sans me connaître, autant qu'une sympathie littéraire, le pressentiment merveilleux d'une amitié ignorée (Mallarmé, Corresp., 1866, p. 235).[Avec un compl. prép. de] Sympathie de pensées. Nous nous sommes trouvés en sympathie avec la comtesse, voilà tout. En sympathie de cœur? (...) Non, d'esprit, voilà tout (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 474):
1. J'ai à poser à la fois dans la même conversation cinq ou six personnages (...) et à montrer au milieu de tout cela un monsieur et une dame qui commencent (par une sympathie de goûts) à s'éprendre un peu l'un de l'autre. Flaub., Corresp., 1852, p. 25.
2. P. anal. Concordance entre certaines choses abstraites. Synon. correspondance.J'éprouve que mon imagination a tout à fait vieilli en ce qu'il n'y a plus aucune sympathie entre les idées de l'esprit et les sentiments de l'âme. Le beau et le bon ne font plus palpiter mon cœur (Maine de Biran, Journal, 1818, p. 109).Ma douleur d'enfant était le vague pressentiment de mes douleurs d'homme, une sorte de sympathie entre mon présent et un avenir que j'apercevais instinctivement dans cette vie végétale courbée avant le temps vers le terme où vont les arbres et les hommes (Balzac, Méd. camp., 1833, p. 114).
C. − Souv. au plur. Bonne disposition, attitude favorable, sentiment de bienveillance envers quelqu'un ou quelque chose. Nos sympathies ne sont généralement pas dangereuses; la nature, en cuisine comme en amour, nous donne rarement le goût de ce qui nous est mauvais (Baudel., Max. consol., 1867, p. 620).Si l'esprit critique et la sympathie ne sont pas, de soi, contradictoires, il s'en faut que ces deux vertus soient toujours faciles à concilier, qu'elles soient également représentées dans l'esprit de chaque savant (Marrou, Connaiss. hist., 1954, p. 99).
1. [La sympathie s'exerce à l'égard d'une pers., d'un groupe de pers.] Montrer, témoigner de la sympathie à qqn; avoir la sympathie de qqn, d'un milieu; conquérir la sympathie générale; jouir de la sympathie du quartier; conquérir, soulever des sympathies; s'acquérir les sympathies de qqn. Comment mériter son pardon? Comment reconquérir sa sympathie? (Martin du G., Thib., Belle sais., 1923, p. 947):
2. ... cette attraction des sympathies est un privilège, et je ne puis nier qu'il m'a été accordé. Presque toutes les femmes que je connais et tous les enfants qui m'approchent sont en bienveillance affectueuse avec moi... Amiel, Journal, 1866, p. 298.
Loc. Avoir qqn en sympathie. Éprouver des sentiments de sympathie, de bienveillance pour, envers quelqu'un. Ses camarades l'avaient en sympathie à cause de son caractère avenant (Aymé, Jument, 1933, p. 38).
[La sympathie s'exerce à l'égard d'un gouvernement, d'un pays] Vote de sympathie; courant de sympathie. J'avais des sympathies pour le gouvernement qui vient de tomber (Dumas père, Cachemire vert, 1850, 10, p. 288).Ce n'est peut-être qu'une coïncidence heureuse, mais le capital sympathie que s'assure Giscard auprès des dirigeants soviétiques devrait lui valoir leur soutien (Le Point, 21 mai 1979, p. 5, col. 3).
2. [La sympathie s'exerce à l'égard de qqc.] Accueillir une idée, un projet avec sympathie; offre, proposition qui ne rencontre aucune sympathie. Toute bonne intention rencontre certainement ici de nobles sympathies, mais elle y rencontre aussi des méfiances obstinées et une opposition funeste (Sand, Lélia, 1839, p. 459).Il réservait ses sympathies pour le dessert, et s'obstina même cruellement à ne point échanger sa part de gâteau au rhum contre une entrée à l'orangerie de Versailles que lui proposait Schaunard (Murger, Scènes vie boh., 1851, p. 149).
[La sympathie s'exerce à l'égard d'une œuvre d'art, d'une couleur] Manquer de sympathie pour l'art d'un écrivain. J'ai beaucoup de sympathie pour ce genre poétique (Amiel, Journal, 1866, p. 206).Aux Salons (...) [l'œuvre de Maurice Denis] suscite à la fois des polémiques et des sympathies (Mauclair, Maîtres impressionn., 1923, p. 192).
D. − Fait de s'associer aux sentiments d'autrui.
1. Fait de ressentir la joie ou, le plus souvent, la douleur d'autrui. La joie qu'il eut de mon succès me fut bien plus douce que la mienne propre (...). Elles sont si douces ces manifestations de sympathie vive et pure! (M. de Guérin, Corresp., 1834, p. 163):
3. Mon don de sympathie décroît et je fais moins volontiers mienne l'émotion du musicien que j'interprète; façon très compliquée de dire que je joue moins bien. Sans doute ce retrait de la sympathie vient aussi de ce que je prends conscience plus nette de moi-même et de ma valeur; façon compliquée de dire que la vieillesse invite à l'égoïsme. Gide, Journal, 1927, p. 863.
Loc. Par sympathie. Tout le long de son chemin, il se tint le ventre pour rire à son aise (...).Les petits hommes qui le rencontraient se mettaient à rire comme lui par sympathie (A. France, Balth., Abeille, 1889, p. 247).
En partic. Participation à des sentiments de tristesse, compassion. Un regard plein de sympathie; être très touché par des marques de sympathie. Charles (...) était encouragé et aidé dans sa convalescence par les prévoyances et les attentions de tous ceux qui l'approchaient. Il n'y avait que sympathies autour de lui (Goncourt, Ch. Demailly, 1860, p. 402).Il y a dans ce récit une telle sympathie, je prends ce mot dans son sens littéral, une si grande et si authentique compassion que je ne vois guère qu'un écrivain russe capable d'approcher de cette qualité d'amour (Green, Journal, 1949, p. 305).
[Dans des formules épistolaires] Assurer qqn de toute sa sympathie; croyez à ma bien cordiale sympathie; en témoignage de sympathie; merci de votre sympathie. Croyez à toute ma sympathie et agréez l'assurance de ma considération la plus distinguée. Lamartine (Lamart., Corresp., 1834, p. 14).« Je vous prie de croire à ma gratitude, et d'accepter l'assurance de ma sympathie dévouée. » Barois (Martin du G., J. Barois, 1913, p. 470).
[Plus partic., dans des formules de condoléances] Dites ma profonde sympathie à M. Lacroix. Ces pertes-là, qui font saigner le cœur, voilà, hélas! les vraies plaies, les seules (Hugo, Corresp., 1865, p. 508).Il était le fils de notre confrère (...), à qui nous exprimons, ainsi qu'à MmeAndré Faugère, en cette cruelle circonstance, l'expression de notre vive sympathie (Le Monde, 19 janv. 1952, p. 6, col. 3).
2. PSYCHOL. Participation aux émotions, ou imitation du comportement d'autrui. Expérimentalement, on distingue une sympathie d'identification (on se retrouve en autrui comme « âme-sœur »), une sympathie d'aspiration (on trouve en autrui des qualités que l'on voudrait avoir), et une sympathie de participation sociale (on se trouve des affinités sociales ou groupales) (Mucch.Psychol.1969).La sympathie varie depuis la simple acceptation et compréhension des sentiments du prochain jusqu'à la complète identification des états émotifs du sujet avec ceux des autres (Willems1970).
E. − Rapport, correspondance entre plusieurs choses, effet d'une chose sur une autre.
1. MÉD., PHYSIOL., vieilli
a) Rapport qui existe entre deux ou plusieurs organes du corps, et qui fait qu'un changement s'opère dans une partie du corps quand la partie similaire est atteinte ou lésée. Un exemple de sympathie due à l'union de nerfs entre eux est l'éternuement qui suit les irritations des narines (Cuvier, Anat. comp., t. 2, 1805, p. 116).Dans notre organisme se manifestent souvent les plus singulières sympathies entre différents organes (Béguin, Âme romant., 1939, p. 141).Loc. Par sympathie. L'estomac, et par sympathie tout le reste du canal intestinal (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 1, 1808, p. 449).
b) HIST. DE LA MÉD. Poudre de sympathie. Préparation empirique composée de vitriol calciné, qui passait pour arrêter les hémorragies, guérir les plaies, même à distance. Synon. poudre sympathique (vieilli; v. ce mot D 1).La poudre de sympathie est une chimère dont on s'est désabusé depuis longtemps (Ac.1835, 1878).
2. HIST. DE L'OCCULT. ,,Correspondance que les anciens imaginaient entre les qualités de certains corps; aptitude qu'ont certains corps à s'unir, à se pénétrer`` (Ac. 1835, 1878). On dit que les plantes ont des sympathies et des antipathies, vivant volontiers en société avec certains végétaux et en repoussant d'autres (Baillont. 31891).
3. CHIM. Encre* de sympathie.
4. ACOUST., MUS. Par sympathie. Par effet du rapport qui s'établit entre plusieurs corps sonores lorsqu'ils entrent en vibration à la suite de l'excitation de l'un d'entre eux (d'apr. Mus. 1976). Cordes qui vibrent par sympathie. Des touches entièrement distinctes des corps qui résonnent à leur contact ou par sympathie (Schaeffner, Orig. instrum. mus., 1936, p. 143).
5. PEINT., vx. Propriété de certaines couleurs de s'harmoniser, de se faire mutuellement valoir lorsqu'on les rapproche, on les mêle (d'apr. Jossier 1881). Il y a de la sympathie entre ces deux couleurs. Ces couleurs ont de la sympathie (Ac. 1835, 1878).
Prononc. et Orth.: [sε ̃pati]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1409 avoir sympathie pour (qqc.) « avoir de l'attirance pour » (Jean Gerson, Sermon ds Irénikon t. 6, p. 731); 1534 « affinité entre des personnes » (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder, p. 299, ligne 67); av. 1696 « participation aux sentiments d'une autre personne » (Sév., 62 ds DG); 2. « vertu occulte d'un corps sur un autre » spéc. 1643 poudre de sympathie (Corneille, Le Menteur, IV, 3, vers 1182). Empr. au lat.sympathia,-ae « accord, affinité naturelle », gr. σ υ μ π α ́ θ ε ι α « participation à la souffrance d'autrui » d'où « communauté de sentiments », de σ υ μ π α θ η ́ ς « qui sympathise », comp. de σ υ ́ ν « avec, ensemble » et du rad. π α θ- de π α ́ θ ο ς, v. -pathe. Fréq. abs. littér.: 3 047. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 234, b) 4 707; xxes.: a) 4 438, b) 5 007. Bbg. Dauzat Ling. fr. 1946, p. 16, 22. − Schalk (F.). Sympathia im Romanischen. Rom. Forsch. 1968, t. 80, pp. 425-458.