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SUSCEPTIBLE, adj.
A. − [L'adj. exprime la modalité du possible] Susceptible de + compl.Qui, par nature et à l'occasion, peut subir ou faire quelque chose, devenir tel.
1. [Le subst. qualifié est le patient virtuel du procès exprimé par le compl.] Qui peut subir telle opération, auquel on peut donner tel état, qui peut recevoir telle qualité, telle modification, du fait d'un agent extérieur, si celui-ci agit en ce sens.
a) [Le compl. est un verbe, une loc. verb. à l'inf.]
α) [En parlant d'une chose] L'astronomie, la mécanique et la physique ont, à leur base, des concepts susceptibles de s'exprimer, de façon concise et élégante, en langage mathématique (Carrel, L'Homme, 1935, p. 1):
... les richesses (...) sont susceptibles d'être créées, détruites, d'augmenter, de diminuer dans le sein même de chaque nation, et indépendamment de toute communication au dehors, selon la manière dont on s'y prend pour opérer de tels effets. Say, Écon. pol., 1832, p. 67.
SYNT. Susceptible d'être bien/mal fait, d'être augmenté, créé, détruit, diminué, modifié, perfectionné, transformé, défini, discuté, expliqué, mesuré, traduit, de recevoir une définition, une explication, une vérification, de constituer une science exacte; tissu susceptible de se laver.
Rem. Susceptible de + inf. passif peut avoir pour équivalent un adj. en -able, -ible formé sur le rad. du verbe: définissable, explicable, modifiable, perfectible, etc.
β) [Plus rarement en parlant d'une pers.] Je suis, à ce qu'il paraît, susceptible d'aller en cour d'assises ou devant un conseil de guerre. Vous comprenez que jamais on ne traînera Johann Fischer devant aucun tribunal, il ira de lui-même à celui de Dieu (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 274).On l'engageait à l'essai, pour voir s'il était capable de ne pas avoir de secrets pour MmeVerdurin, s'il était susceptible d'être agrégé au « petit clan » (Proust, Swann, 1913, p. 190).
b) [Le compl. est un subst.]
α) [En parlant d'une chose] Il se crut moins souvent offensé et pris de mire par ces propos, susceptibles de quelque explication peu polie, et qui, dans une conversation animée, peuvent échapper à tout le monde (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 278).Tout le monde a fait passer du son à l'envers (...). Personne n'a jamais considéré le son à l'envers comme une matière musicale susceptible de construction et d'architecture (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p. 17).
SYNT. Susceptible d'accumulation, d'ajournement, d'amélioration, d'analyse rigoureuse, d'application pratique, d'appréciations diverses, d'appropriation, de classification, de connaissance exacte, de contrôle, de correction, de démonstration, de description, de développement, de discussion, de division, d'échange, d'embellissement, d'enseignement, d'énumération, d'étude, d'expression abstraite, de généralisation, d'interprétations diverses, d'un jugement, de modification, d'organisation, de perfectionnement, de répétition.
[Souvent p. ell. d'un verbe, le subst. compl. évoque un caractère partic., le résultat, la manifestation d'une action] Susceptible de généralité. Gide admit qu'il y avait une distinction à établir entre vérité scientifique (...) et cette autre vérité qui serait, elle, susceptible d'un grand V (Du Bos, Journal, 1928, p. 180).MmeMéridier et même Christine (...) eussent malaisément éludé le déjeuner, s'il s'était présenté daté, précis, net de tout contexte (...), susceptible seulement d'un oui ou d'un non (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 40).
Vieilli. [Sans compl.; le subst. qualifié corresp. au subst. compl.] Possible. Il les a beaucoup questionnés, suivant sa coutume, sur la culture, la prospérité et les améliorations susceptibles de leur colonie (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 294).Je rejetai, comme un capuchon, ma tête en arrière, afin de donner au jeu de mes poumons, l'aisance et l'élasticité susceptibles (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p. 293).
β) [En parlant d'une pers., d'un animal] Susceptible d'impressions vives, fâcheuses, d'éducation, de maladies. Regarder (...) une famille comme un être moral et unique, ayant ses bonnes et ses mauvaises qualités, capable de mériter ou démériter, et susceptible par conséquent de peines et de récompenses (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 2, 1821, p. 217).En très peu de temps, et sans interrompre son éducation, mon fils deviendrait susceptible d'un très bel avancement (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 41).
En partic. Qui peut être sensible à. Je voudrais être susceptible des distractions que donne le monde; autrefois je les aimais, elles me faisaient du bien (Staël, Corinne, t. 3, 1807, p. 295).
2. [Le subst. qualifié est le siège virtuel d'un processus, d'un phénomène, d'un état exprimé par le compl.] Qui peut prendre ou révéler tel état, tel changement d'état, telle qualité; qui peut agir de telle façon, cette action n'affectant que l'auteur, en certaines circonstances.
a) [Le compl. est un verbe, une loc. verb. à l'inf.]
α) [En parlant d'une chose] L'intensité de la vie organique est proportionnelle (...) à l'activité de la nutrition, c'est-à-dire au nombre des éléments que l'organisme est susceptible de s'incorporer (Durkheim, Divis. trav., 1893, p. 329).La nature a sélectionné les individus, ne conservant que ceux-là seuls susceptibles de durer, de donner le bois le plus sain et le plus dense (Pesquidoux,, Livre raison, 1932, p. 21).
SYNT. Susceptible de se contracter, de se compliquer, de se diversifier, de s'écarter, de se perfectionner, de dépérir, de fermenter, de grandir, de luire, de progresser, de porter des fleurs, d'accumuler, de retenir qqc. (en soi).
β) [En parlant d'une pers.] Vous êtes susceptible d'être mille fois mieux que ce que vous êtes, vous n'avez point été dirigée par quelqu'un qui s'intéressât profondément à vous (Constant, Journaux, 1803, p. 37).Il se demandait dans quelle mesure ce public était susceptible d'assimiler de ces écrivains, autre chose que des toxines; et Schlumberger citait en exemple à cet égard le cas de Baudelaire (Du Bos, Journal, 1922, p. 174).
SYNT. Susceptible de changer, de faire des progrès, d'acquérir de la raison, d'éprouver un sentiment, une sensation, de prendre de l'émotion, d'aimer, de jouir, de souffrir, de s'habituer à qqc., de s'enflammer (pour qqc.), de se passionner.
En partic. Que l'on suppose avoir telle caractéristique, en raison de certains indices. On le dit susceptible d'avoir quelques milliers de francs de rente (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 405).
b) [Le compl. est un subst.]
α) [En parlant d'une chose] L'instinct égal (en puissance) à la réflexion. Celui de Paris, non naïf, susceptible de machiavélisme pour réussir: être plus malin que les autres (Michelet, Journal, 1848, p. 694).Le cépage est susceptible à une faible échelle de mutations brusques (Levadoux, Vigne, 1961, p. 26).
SYNT. Susceptible d'accroissement, d'altération, de changement, de complexité, de progrès, de régression, de variation, de continuité, de durée, de longévité, de fonctionnement, de mouvement, de certitude, d'équivoque, d'erreur, de vérité, d'existence.
β) [En parlant d'une pers., d'un animal] Dans quelques années vous serez certainement susceptibles d'une attention plus forte et plus longue qu'aujourd'hui, comme vous serez capables de remuer et de soutenir des fardeaux plus lourds (Destutt de Tr., Idéol. 1, 1801, p. 6).On cherchait à alimenter la cavalerie légère de sujets affinés et musclés ensemble, susceptibles d'endurance et de vitesse (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 175).
SYNT. Susceptible d'actes d'intelligence, de la faculté de jouir, d'habitudes, de préjugés, d'émotion, de sensation, de sentiment, de raison, de raisonnements, d'affection, d'amour, d'amitié, de haine, de passion, de colères, de curiosité, de délicatesse, de défiance, de douleur, d'ennui, d'enthousiasme, d'entêtement, d'héroïsme, d'humeur, de jouissance, de peine, de plaisir, de regrets, de superstition, de bonheur, de malheur.
3. [Le subst. qualifié est l'agent virtuel d'un procès, la cause d'un effet] Qui peut faire quelque chose, servir à quelque chose, produire tel effet sur quelqu'un ou quelque chose. Synon. apte à, capable de.
a) [Le compl. est un verbe]
α) [En parlant d'une chose] Le gouvernement a pris d'ores et déjà toutes les mesures susceptibles de faire échouer ce mouvement et de ramener l'ordre auquel aspire l'Espagne entière (Camus, Révolte Asturies, 1936, ii, 2, p. 413).Nous devions également éviter (...) le moindre bruit susceptible de contrarier le repos de notre auguste mère (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 52).
SYNT. Susceptible d'aider à la solution d'un problème, d'amener des résultats, d'affecter qqn, d'avoir une bonne / une mauvaise influence sur qqn, de causer un chagrin, de compromettre un résultat, de décourager qqn, d'entraîner des troubles, de favoriser qqc./qqn, de fournir un concours, des indications, d'instruire, d'intéresser qqn, de modifier qqc., de nuire à qqn, de provoquer qqc., de ranimer l'intérêt, de rapporter un revenu.
En partic., absol., rare. Marchandises susceptibles, non susceptibles. Il y a marchandises susceptibles et non susceptibles (de communiquer la peste). Les susceptibles sont la laine et tous les tissus de laine (...). Les non susceptibles sont le café (...) les peaux (...) les minéraux, etc. (Stendhal, Mém. touriste, t. 2, 1838, p. 403).
β) [En parlant d'une pers.] [Je suis] très enchanté qu'une masse aussi imposante que celle des abonnés de la Gazette musicale partage mes opinions et me croie susceptible d'écrire sur la musique (Balzac, Corresp., 1837, p. 292).Revends tes parts (...). Il faudrait s'entendre Luc, toi et moi, sur un type susceptible de les racheter (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 460).
En partic. Être en droit de faire quelque chose d'après certains indices. Je le disais bien aussi qu'à vous voir, on était susceptible de penser que vous étiez un fils de famille! (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 317).
b) [Le compl. est un subst.]
α) [En parlant d'une chose] Susceptible d'influence, de conséquences. La somme qu'il en coûterait au gouvernement ne serait qu'une avance susceptible d'un bien gros intérêt! (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p. 183).Il nous faut chercher autour de nous et en nous, s'il n'existe pas quelque part une force neuve, une espérance active, susceptible de miracles, apte à emplir les malheureux de courage (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 43).
β) [En parlant d'une pers.] Turenne, de Philippe de Champagne, très méticuleux, médiocre dans l'héroïsme même, ferme et froid, très susceptible d'intrigues, de ménagements humains (Michelet,Journal,1842,p. 446).
B. − [L'adj. exprime une qualité, un caractère]
1. Qui ressent vivement certaines influences, certains effets, qui réagit vivement à certains faits, phénomènes. Synon. sensible.Système nerveux (trop) susceptible. Son physique (...) ne se montre jamais moins susceptible que quand l'activité de l'esprit est la plus grande (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 225).Aux approches de la puberté le facies de Gaston s'ombra (...); cependant l'épiderme plus susceptible d'Amédée se rebiffait, s'enflammait, boutonnait, comme si le poil eût fait des façons pour sortir (Gide, Caves, 1914, p. 761).
[Avec compl. indiquant le fait, le phénomène auquel qqc./qqn est particulièrement sensible] Susceptible à.L'organisme est devenu plus susceptible aux maladies dégénératives (Carrel, L'Homme, 1935, p. 136).Des années de vie commune et de promiscuité animale avaient étouffé en nous, je ne dis pas la vraie délicatesse (au contraire, pour beaucoup nous étions devenus fort susceptibles à la moindre nuance du cœur), mais du moins cette délicatesse des mœurs qui naît du confort, de l'espace et de la liberté (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 158).Rare. Susceptible pour.Très susceptible pour les sensations d'odeur, je passais ma vie à me laver les mains quand j'avais lu un bouquin, et la mauvaise odeur m'avait donné un préjugé contre le Dante (Stendhal, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 469).
2. En partic. [En parlant d'une pers., d'un attribut de la pers. ou d'une collectivité] Qui est facilement blessé, offensé par des actes, des propos qu'il ressent comme hostiles, qui se vexe facilement. Synon. fam. chatouilleux, ombrageux.Être trop susceptible; une âme, un caractère susceptible. Dès le vestibule, il entendit un bruit d'assiettes. On mangeait sans lui (...). Il fut froissé, mécontent, car il était un peu susceptible (Maupass., Pierre et Jean, 1888, p. 321).J'étais moi-même, à cette époque, assez ombrageux, susceptible... Je prenais la mouche pour des riens... J'ai été en cent occasions à deux doigts d'un duel! (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 499).
[En parlant d'un animal] Le cheval de bagage, susceptible comme tous les gens de petit métier, s'indignait dans son âme paysanne contre messieurs de la selle, qui affectaient de galoper devant lui (About, Grèce, 1854, p. 143).
[Avec compl. indiquant le point pour lequel la pers. s'offense facilement] Être susceptible en ce qui concerne, à l'endroit de, en matière de. Ah! franchement, ton Dieu n'est pas susceptible sur le point d'honneur: si j'étais Dieu, si j'avais des tonnerres à la main, oh! je ne me laisserais pas insulter, défier par un insecte, un ver de terre! (Borel, Champavert, 1833, p. 240).Souvent leurs salons furent puissants à gagner les chefs. Ce n'était point un jeu possible avec un homme aussi susceptible quant à l'honneur de son nom que Déroulède (Barrès, Cahiers, t. 2, 1899, p. 147).
[P. méton.]
[En parlant d'un sentiment, d'un aspect partic. de la pers.] Dignité, jalousie, honneur, orgueil susceptible. [Le] susceptible amour-propre commun à tous les écrivains (Bourget, Disciple, 1889, p. 46).Le côté susceptible, toujours virtuellement offensé, les coups de boutoirs hargneux de Mirsky, ont eu pour résultat immédiat que je ne me suis pas occupé de lui (Du Bos, Journal, 1927, p. 267).
[En parlant d'un domaine, d'un aspect partic. de la vie] Son amitié, un peu susceptible, un peu capricieuse, mais toujours précieuse à retrouver (Sand, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 267).Accompagner ces imans au déjeuner que je leur offre demain aux Tuileries, puis, le soir, discrètement à cause de leur religion qui est très susceptible, arriver à leur donner une haute idée de la civilisation parisienne (Benoit, Atlant., 1919, p. 212).
[En parlant d'un attribut, d'une expression de la pers.] Qui manifeste le caractère susceptible de quelqu'un. Cette idée baroque que, de nous deux, c'est lui la courtisane, me cause une brusque gaîté, et ses sourcils susceptibles se rapprochent (Colette, Vagab., 1910, p. 190).Je ne l'ai pas vu, ton mari, depuis plusieurs jours, répondit d'un ton susceptible et fâché MmeVilleparisis (Proust, Guermantes 1, 1920, p. 210).
Empl. subst. Vous savez bien à qui vous avez affaire; Marguerite n'est pas une vertu. Vous lui plaisez, vous l'aimez bien, ne vous inquiétez pas du reste. Je vous trouve charmant de faire le susceptible! (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 136).
REM.
Susceptibiliser (se), verbe pronom.,hapax. S'offenser à la moindre atteinte. Synon. se formaliser, se vexer.Nous sommes tous d'un âge assez mûr pour ne plus douter de l'affection qui nous lie les uns aux autres, nous susceptibiliser et nous quereller pour des enfantillages (M. de Guérin, Corresp., 1835, p. 188).
Prononc. et Orth.: [sysεptibl̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1372 [ms. du xves.] « qui peut recevoir (quelque chose qui le modifie) » (Corbichon, Propriétaire des choses, III, 1, B.N. 22533, fo21b ds Gdf. Compl.: « Comme ... homme soit une beste ... susceptible de science »); b) 1760 « qui se blesse, se vexe facilement » (Palissot, Les Philosophes ds Rob.); c) 1772 « d'une sensibilité physique très vive » (Cazotte, Le Diable amoureux, chap. XIII ds Littré Suppl. 1877); 2. 1758 susceptible de (+ inf. à valeur active) « apte, capable » (MmeRiccoboni, Hist. du marquis de Cressy, II, 249 ds Gohin, p. 339); 1779 (Mmede Genlis, Théâtre d'éducation, Le Voyageur, II, 3, ibid.). Empr. au b. lat.susceptibilis « capable de recevoir » (vies.), dér. de susceptum, supin de suscipere « prendre par-dessous, se charger de, subir ». Fréq. abs. littér.: 1 925. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4 280, b) 1 587; xxes.: a) 1 173, b) 2 978. Bbg. Quem. DDL t. 18 (s.v. susceptibiliser).