| * Dans l'article "SURNATUREL, -ELLE,, adj. et subst. masc." SURNATUREL, -ELLE, adj. et subst. masc. I. − Adjectif A. − 1. Qui appartient à un univers supérieur au monde terrestre. Être surnaturel; apparition, créature surnaturelle. Dans le monde surnaturel, habité par ces déités impalpables, amies de l'homme, et souvent contraintes de s'adapter à ses passions, telles que les fées, les gnomes, les salamandres, les sylphides, les sylphes, les nixes, les ondins et les ondines (Baudel., Poèmes prose, 1867, p. 97).Les esprits protecteurs et les esprits malfaisants, les monstres surnaturels et les animaux magiques, font partie d'un système cohérent qui fonde la conception indigène de l'univers (Lévi-Strauss, Anthropol. struct., 1958, p. 218). 2. Qui ne relève pas des lois de la nature, d'un système d'explication rationnel. Synon. magique, occulte; anton. naturel, rationnel.Phénomènes, pouvoirs surnaturels. Une influence extérieure et surnaturelle comparable à celle du magnétisme (Maine de Biran, Journal, 1823, p. 392).N'allez pas croire, au moins, que j'aie pu, même un instant, supposer en cette aventure quelque chose de surhumain. Je ne crois qu'aux causes normales. Mais si, au lieu d'employer le mot « surnaturel » pour exprimer ce que nous ne connaissons pas, nous nous servions simplement du mot « inexplicable », cela vaudrait beaucoup mieux (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Main, 1883, p. 889). 3. P. ext., littér. Qui semble ne pas appartenir au monde réel. Synon. fantastique, magique, miraculeux.Beauté surnaturelle. [Le marais] devient, au moment du crépuscule, un pays féerique et surnaturel (Maupass., Sur l'eau, 1888, p. 317).Elles m'apparaissent aussi, ces fleurs (...), comme ayant la tendresse surnaturelle de couleurs entrevues dans un rêve (Goncourt, Journal, 1889, p. 957). B. − 1. Lang. relig. Qui procède de Dieu, d'une puissance divine. Synon. divin, révélé.Vérités surnaturelles. Je ne conçois la haute science, la science comprenant son but et sa fin, qu'en dehors de toute croyance surnaturelle. C'est l'amour pur de la science qui m'a fait briser les liens de toute croyance révélée (Renan, Avenir sc., 1890, p. 43): [Les détenteurs du savoir, inventeurs de l'écriture hiéroglyphique] ne lui montraient rien [au peuple], sans y mêler je ne sais quoi de surnaturel, de sacré, de céleste, qui tendît à les faire regarder comme supérieurs à l'humanité, comme revêtus d'un caractère divin, comme ayant reçu du ciel même des connaissances interdites au reste des hommes.
Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p. 41. − THÉOL. Don surnaturel. Don accordé par Dieu. Quand il serait prouvé (...) que par l'intuition de notre âme, de nos dons surnaturels infus ou actuels, de nos actes et états affectifs religieux, on peut arriver à une connaissance abstraite mais immédiate de Dieu existant et présent (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 901). 2. P. anal., littér. Qui est comme inspiré, qui semble avoir une source divine. Synon. céleste, divin, sacré, saint.Devant votre affection vraiment surnaturelle et votre dévouement de sainte, il serait absurde de parler de reconnaissance (Villiers de L'I.-A., Corresp., 1876, p. 205). − [L'anal. est soulignée par comme, presque, quasi, etc.] Et c'était, sur ce visage que j'avais connu si maître de lui, une extase de martyre, une joie comme surnaturelle avec un fonds de douleur (Bourget, Disciple, 1889, p. 194).L'émaciation quasi surnaturelle de l'inconnue (Milosz, Amour. init., 1910, p. 26). C. − P. hyperb. Au-dessus du commun. Synon. extraordinaire, surhumain.Un regard d'une intensité surnaturelle; faire des efforts surnaturels. Ce n'est pas un amour ordinaire que j'ai pour Juliette (...). Juliette sent son charme, mais sans enthousiasme et sans croire à rien de surnaturel (Constant, Journaux, 1815, p. 448).Je ne vois pas ce qu'il y a de surnaturel: je l'aime, je lui plais; j'ai le consentement du père (Karr, Sous tilleuls, 1832, p. 135). D. − Rare. Qui est étranger à la nature biologique de l'homme. Le crime (...) est originellement naturel. La vertu, au contraire, est artificielle, surnaturelle, puisqu'il a fallu, dans tous les temps et chez toutes les nations, des dieux et des prophètes pour l'enseigner à l'humanité animalisée (Baudel., Curios. esthét., 1863, p. 355). II. − Subst. masc. A. − Ce qui relève d'un ordre supérieur à celui de la nature, ce qui n'est pas réductible aux lois de la nature, aux explications rationnelles. Synon. fantastique, merveilleux.Croire, ne pas croire au surnaturel. Je ne puis me persuader que ma vie soit conforme au train ordinaire des choses, et qu'il n'y ait pas un peu de surnaturel dans vos aventures et dans les miennes (Nodier, Fée Miettes, 1831, p. 173).La princesse Pio di Savoya (...) raconte ses visites à tous les mages, les somnambules, les tourneuses de table des quartiers excentriques, disant (...) qu'elle se paye ici tout le surnaturel possible (Goncourt, Journal, 1896, p. 986). B. − Ce qui vient de Dieu, ce qui a sa source en Dieu. Synon. divin, sacré, spirituel.Il n'y croyait pas [à la religion] et cependant il admettait le surnaturel, car, sur cette terre même, comment nier le mystère qui surgit, chez nous, à nos côtés, dans la rue, partout, quand on y songe? (Huysmans, Là-bas, t. 1, 1891, p. 22).Introduire le surnaturel dans sa vie, rompre la digue qui nous protège conre l'océan, contre Dieu, c'est se vouer à une stratégie sans nom. En réalité, toute l'éducation moderne tend à nous armer contre le spirituel (Green, Journal, 1942, p. 219). Prononc. et Orth.: [syʀnatyʀ
εl]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1552 adj. (Pontus de Tyard, Solitaire premier, Discours philos., 29a, éd. 1587 ds Rom. Forsch. t. 32, p. 169: science universelle des choses naturelles, surnaturelles et divines); 2. 1727 subst. (Ramsay, Voyages de Cyrus, p. 344). De naturel*; préf. sur-*. Cf. antérieurement supernaturel (1464, Pierre Michault, Dance aux aveugles, p. 2 − 1660, Oudin, att. sporadiquement aux xixe-xxes., empr. au lat. chrét. supernaturalis, vies. ds Blaise Lat. chrét.). Fréq. abs. littér.: 1 558. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 499, b) 1 675; xxes.: a) 2 883, b) 2 714. DÉR. 1. Surnaturellement, adv.a) [Corresp. à supra I A] Comme par l'effet de forces surnaturelles. Tout alentour de cette peinture de rêve, les objets s'harmonisent presque surnaturellement (Bourget, Nouv. Essais psychol., 1885, p. 146).b) [Corresp. à supra I B] Par l'effet de la puissance divine. Synon. miraculeusement.On va processionnellement à l'ermitage. Le saint avait été nourri surnaturellement plusieurs années (Michelet, Journal, 1835, p. 203).P. anal. Une joie mélancolique, surnaturellement douce et calme, arrivait, chaque matin, pour eux seuls, d'une contrée fort inconnue (Bloy, Femme pauvre, 1897, p. 210).c) [Corresp. à supra I C] Synon. de extraordinairement.L'habitude n'a pas émoussé le regard de ses yeux attentifs et surnaturellement doués (Green, Journal, 1941, p. 142).− [syʀnatyʀ
εlmɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1reattest. 1554 (Le Caron, La Claire, 25 ds Z. rom. Philol. t. 29, p. 199); de surnaturel, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér.: 26. 2. Surnaturaliser, verbe trans.a) Lang. relig. Conférer un caractère surnaturel à quelqu'un ou à quelque chose. Le Saint-Esprit soufflera (...) et le catholicisme surnaturalisera toutes les nations, malgré les aveuglements de la Science et les défis de la Philosophie (Veuillot, Odeurs de Paris, 1866, p. 320).Le pauvre vicaire (...) a des distractions quand il faudrait qu'il fût uniquement l'homme de Dieu et complètement surnaturalisé (Barrès, Cahiers, t. 13, 1921, p. 100).b) P. anal. Diviniser, sacraliser quelqu'un, quelque chose. Ce besoin de transfiguration qui éclate et se consacre assez visiblement dans la sphère religieuse est le même que celui qui tend, dans l'ordre poétique, je ne dis pas surfaire, mais à surnaturaliser les génies (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 8, 1864, p. 35).Au part. passé. La chair dont il s'agit ici [chez D. H. Lawrence] n'est point celle qu'exalte un sensualisme athée, c'est la chair en quelque façon surnaturalisée par un magnétisme mystérieux qui l'informe (G. Marcel, inNRF, no199, avr. 1930, p. 571 ds Quem. DDL t. 15).− [syʀnatyʀalize], (il) surnaturalise [-li:z]. − 1reattest. av. 1781 (Abbé Poulle, cité ds Laharpe, Lycée, t. 14, p. 160: la foi épure les passions; elle les surnaturalise); de surnaturel, suff. -iser*. 3. Surnaturalité, subst. fém.,théol. Caractère surnaturel, divin de quelque chose. La surnaturalité du secours n'est donc pas précisément ce qui nous amène à connaître Dieu (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 870).− [syʀnatyʀalite]. − 1resattest. a) 1599 « objet surnaturel » (Montlyard, trad. de l'ital. de F. Panigarole, Sermons de Caresme, p. 198), b) 1771 « qualité de ce qui est surnaturel » (Trév.); de surnaturel, suff. -ité*. BBG. − Lubac (H. de). Le Mot surnaturel. Foi Lang. 1978, no1, pp. 45-46. |