| SUPPRESSION, subst. fém. Action de supprimer; résultat de cette action. A. − [Corresp. à supprimer A] 1. a) Fait de faire cesser d'être, de mettre fin à l'existence de. Suppression de la douleur; suppression de la discipline, de l'effort. L'organisation du travail en vue de la suppression de la misère, repose sur le spiritualisme le mieux senti (L. Blanc, Organ. trav.1845, p. viii).L'ablation de l'aire de projection motrice droite entraîne la suppression des mouvements volontaires dans la partie gauche du corps et inversement (Camefort, Gama, Sc. nat., 1960, p. 269). − [Avec adj.] Suppression absolue, complète, partielle, totale; suppression brusque, définitive, momentanée, progressive; suppression accidentelle, arbitraire, inconsidérée, indispensable. Il ne parvenait pas à accepter la suppression systématique et radicale de cette culture bourgeoise dont il se sentait encore tout pénétré (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 35). − Suppression de qqc. comme.[Ce prolétariat] détermine la suppression de la famille comme unité sociale (Carrel, L'Homme, 1935, p. 366). b)
α) Fait d'éviter que n'apparaisse, que ne se produise quelque chose qui constitue un inconvénient. Avec la traction électrique la suppression du bruit et de la fumée n'est pas le moindre des avantages (Soulier, Gdes applic. électr., 1916, p. 140).
β) Fait d'empêcher que ne se produise un phénomène normal. Il ne faut pas oublier que ces troubles sont aussi et avant tout des phénomènes négatifs, caractérisés par la suppression d'un acte (...) d'une émotion qui auraient dû se produire (Janet, Obsess. et psychasth., t. 1, 1903, p. 248). 2. DR., cour. a)
α) Fait de mettre fin à l'existence légale de; fait d'abolir, d'abroger, d'annuler. Suppression de l'esclavage, des supplices, de la torture, de la peine de mort; suppression de la censure, des droits féodaux; suppression des barrières douanières, des frontières, des passeports, des visas; suppression d'un abus, d'un monopole, d'un impôt; suppression des couvents, des ordres religieux; suppression des droits et des libertés; suppression d'activité, d'emploi. Là où Rousseau pense: « suppression des privilèges », Marx pense: « suppression des classes », mais l'idée fondamentale est la même (Vedel, Dr. constit., 1949, p. 28).Une mesure essentielle consisterait dans la suppression du concours de l'externat, la fonction d'externe étant toutefois maintenue (Réforme hospit., 1959, p. 6). ♦ Loc. Suppression d'office. L'article 36 de la loi du 30 mai 1899 (...) [autorise] le conseil départemental à proposer la suppression d'office (...) d'un emploi d'instituteur dans les écoles ayant deux classes et moins de 50 élèves, trois classes et moins de 80 élèves (Encyclop. éduc., 1960, p. 100). ♦ [Dans le cadre de l'organisation ou de la réorganisation d'un ensemble, p. oppos. à création, remplacement, transformation] Suppression des bataillons de dépôt remplacés par des bataillons dits de remplacement à neuf compagnies (Davout, Réorg. milit., 1871, p. 86).Les créations, transformations ou suppressions de chaires, sont soumises à l'avis des conseils des facultés intéressées (Encyclop. éduc., 1960, p. 346). − [En position de compl. déterminatif] En cas de suppression d'un établissement, les legs et donations qui ont une affectation déterminée sont reportés sur l'hôpital de rattachement avec la même affectation (...). Le décret de suppression prévoit la destination du surplus de l'actif (Réforme hospit., 1959, p. 16). ♦ DR. ANC. Édit de suppression. Édit royal qui éteignait ou supprimait une charge, un impôt (d'apr. Ac. 1798-1878).
β) Fait de rendre impossible. La justice absolue passe par la suppression de toute contradiction: elle détruit la liberté (Camus, Homme rév., 1951, p. 355). b) En partic.
α) Suppression d'un journal, d'un article. Fait d'interdire la parution d'un journal, la publication d'un article. Suppression et réorganisation de tous les journaux (Constant, Journaux, 1815, p. 446).Le directeur supprima l'article injurieux qui allait paraître le lendemain; et quand le chroniqueur s'informa des motifs de la suppression, il lui lava la tête (Rolland, J. Chr., Amies, 1910, p. 1241).[Avec compl. de n. désignant l'agent de l'action] Les suppressions de chaque journal sont curieuses. Le Temps ôte la lettre de Voltaire; les Débats ôtent le développement anti-royaliste sur l'Angleterre (Hugo, Corresp., 1865, p. 491).
β) P. anal. Suppression d'une pièce de théâtre. Fait de retirer une pièce de théâtre de l'affiche, de l'interdire. Je m'attends à la suspension d'Hernani et à sa suppression définitive (Hugo, Corresp., 1867, p. 95).Je lis dans un journal du soir une séance du Sénat, où la droite, toute la droite, demande la suppression de ma pièce (Goncourt, Journal, 1888, p. 890). 3. a) Fait d'éliminer un être vivant de manière définitive ou non. De telles cultures [de daphnies] atteignent une limite du nombre des individus. L'addition d'individus supplémentaires est suivie de la mort d'un nombre égal. Réciproquement, la suppression d'individus provoque une nouvelle multiplication qui ramène la colonie au nombre limite (J. Verne, Vie cellul., 1937, p. 59). b) En partic.
α) Fait d'écarter. Avec cette conception juridique de la suppression des témoins qui gênent, quel arrêt ne pourrait-on pas rendre? (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 54).
β) Fait de tuer. On se représenterait faussement la psychologie de l'inquisiteur si l'on supposait qu'il avait à vaincre intérieurement nos répugnances modernes pour la suppression physique de l'hérétique (Mounier, Traité caract., 1946, p. 136).La vie et la mort elles-mêmes, ou plus exactement la natalité et la mortalité, ne sont pas les mêmes sous les diverses latitudes, indépendamment même de coutumes aussi radicales que l'exposition des enfants ou la suppression des vieillards (Traité sociol., 1967, p. 280). 4. a) Fait d'écarter de l'esprit, de faire abstraction de, d'occulter, de nier l'existence de. [La volonté] agit par suppression et pour ainsi dire par aspiration de l'obstacle (G. Marcel, Journal, 1919, p. 183).Morel disait ainsi « mon petit » à M. de Charlus (...) avec cette simplicité qui, dans certaines relations, postule que la suppression de la différence d'âge a tacitement précédé la tendresse (Proust, Prisonn., 1922, p. 45). b)
α) Fait de passer sous silence dans un but avouable ou non. Le caractère d'un individu peut être plus fortement exprimé par un dessin que par une photographie. Nous ne tracerons de nous-mêmes que de grossières esquisses (...). Malgré la suppression intentionnelle des détails, de telles esquisses seront exactes (Carrel, L'Homme, 1935, p. 64). − P. anal. Fait d'effacer par un artifice du vêtement une partie du corps en modifiant la silhouette. Je n'ai jamais considéré qu'avec tristesse et déplaisir les modes du XVIIIesiècle, surtout l'excessif resserrement de la taille, la suppression du ventre, ce cruel étranglement de la matrice et des entrailles (Michelet, Journal, 1849, p. 28).
β) En partic. − Fait de dissimuler ou de soustraire quelque chose devant la justice ou l'administration. Suppression d'un document, d'une preuve. Que fût-il arrivé si le mariage eût été conclu et que Pierre Riallo se fût refusé à la suppression frauduleuse de l'acte civil? (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 126). − DROIT ♦ Suppression de part ou d'enfant. « Infraction consistant à faire disparaître la preuve de l'existence d'un enfant sur l'état civil, sans toucher à sa vie, soit en dissimulant sa naissance, soit en le faisant passer pour mort » (Cap. 1936). ♦ Suppression d'état. « Infraction consistant à priver un enfant de son véritable état civil, soit en l'empêchant d'acquérir la preuve légale de sa filiation, soit en lui enlevant la preuve acquise » (Cap. 1936). L'action criminelle contre un délit de suppression d'état, ne pourra commencer qu'après le jugement définitif sur la question d'état (Code civil, 1804, art. 327, p. 61). ♦ Suppression de la concurrence. ,,Élimination de la concurrence par l'effet d'une entente, du comportement d'une entreprise en position dominante ou d'une concentration d'entreprises`` (Juridique 1987). 5. MÉDECINE a) Vieilli
α) Suspension, arrêt d'un processus physiologique d'excrétion ou de sécrétion. Suppression d'urine, de transpiration, des lochies. La suppression des règles et la prise d'embonpoint abdominal pose parfois des problèmes diagnostics délicats (Quillet Méd.1965, p. 159).V. règle III ex. de Geoffroy. − Absol. Arrêt des règles. Certains charlatans (...) dans toutes les suppressions des femmes ne connoissent que les emménagogues (Geoffroy, Méd. prat., 1800, p. 306).
β) Interruption de l'éruption consécutive à une maladie infectieuse. Suppression de la rougeole, de la scarlatine (Littré-Robin 1865). b) GÉNÉT. [Corresp. à suppresseur (infra rem. 2 b)] ,,Rétablissement, au moins partiel, du type sauvage chez un mutant par l'intervention d'une seconde mutation qui n'est pas une reversion vraie, c'est-à-dire ne reconstitue pas la structure originelle du gène muté, mais peut intéresser soit le même gène au niveau d'un site distinct de celui touché par la première mutation (suppression intragénique), soit un gène différent qui prend alors le nom de suppresseur (suppression intergénique)`` (L'Hér. Génét. 1978). B. − [Corresp. à supprimer B] 1. Suppression de qqc. (à qqc./qqn).Fait d'enlever, de retirer (en coupant, en retranchant, en séparant) un élément à un ensemble, une partie à un tout. a) [À propos d'un être vivant] L'écimage précoce ou pincement, pratiqué peu de temps avant la floraison par la suppression des extrémités en voie de croissance, peut avoir une influence favorable sur la nouaison des variétés coulardes (Levadoux, Vigne, 1961, p. 57).La suppression des ovaires entraîne la disparition de l'ovulation (Quillet Méd.1965, p. 486). b) Dans le domaine du bât., de l'urban., des trav. publ.Suppression d'un passage à niveau, d'une aile de bâtiment, d'une cheminée. Je me promène sur les boulevards extérieurs, élargis par la suppression du chemin de ronde (Goncourt, Journal, 1863, p. 1278).Ils ne demandaient pas la démolition de l'immeuble litigieux, mais simplement la suppression des deux étages qu'il comporte en trop (Le Monde, 19 janv. 1952, p. 4, col. 4). c) [À propos d'un texte, d'une œuvre littér. ou mus.] Suppression d'un chapitre, d'un passage, d'une phrase. Dans l'instruction pour l'imprimeur, j'ai expliqué de quelle façon j'indiquerais les suppressions pour l'édition expurgée (Hugo, Corresp., 1853, p. 163).V. adjonction ex. 5. − TYPOGR., absol. Le déléatur (...) est le signe de la suppression (É. Leclerc, Nouv. manuel typogr., 1897, p. 101). 2. Fait de cesser d'associer un élément à un ensemble, une partie à un tout. [Depuis le 16èmesiècle] les maisons religieuses furent fréquemment dépourvues d'enceintes fortifiées (...). Cette suppression des murs de clôture (...) conduisit (...) à élever la façade de l'église sur l'alignement des rues (Lenoir, Archit. monast., 1852, p. 81).Par la suppression du rideau, le spectacle recouvre le caractère manuel, artisanal que le rideau dérobait comme une tare (Serrière, T.N.P., 1959, p. 93). C. − [Corresp. à supprimer C] Suppression de qqc. (à soi-même/à qqn) 1. a) Fait de se priver/de priver quelqu'un; fait de s'interdire/d'interdire à quelqu'un l'usage de. Suppression du tabac pour des détenus. La simple suppression du sel et la restriction des boissons suffisent (...) déjà à entraîner une sensible chute de poids (R. Schwartz, Nouv. remèdes et mal. act., 1965, p. 32). b) Fait de cesser de verser à quelqu'un une somme qui lui avait été précédemment attribuée. Nulle liberté possible pour l'Église qu'à une condition (...), la suppression du salaire que l'État accorde annuellement au clergé (Lamennaisds L'Avenir, 1830-31, p. 155). 2. a) Fait d'éliminer ce qui est devenu superflu ou inapproprié. Les toitures en terrasse entraînent la suppression de la charpente (Industr. fr. bois, 1955, p. 9): − Qu'est-ce que vous entendez dire autour de vous? Va-t-on décidément vers la suppression du corset, comme il y en a qui prétendent? − La suppression totale, je ne crois pas.
Romains, Homme bonne vol., 1932, p. 48. b) Fait d'être privé de l'exercice normal d'une faculté. Je n'oublierai jamais la fille de Marzin, le menuisier de la Grand' Rue, qui, folle aussi par suppression de sentiment maternel, pre-nait une bûche, l'emmaillotait de chiffons, lui mettait un semblant de bonnet d'enfant, puis passait les jours à dorloter dans ses bras ce poupon fictif (Renan, Souv. enf., 1883, p. 41). REM. 1. Immunosuppression, subst. fém.Suppression partielle ou complète des réponses immunitaires. Prévention du rejet des greffes: (...) des efforts considérables ont été déployés pour prévenir les phénomènes immunologiques du rejet, dans le but de maintenir en survie prolongée des greffes d'organes. L'immunosuppression peut être non spécifique ou spécifique (J.-F. Bach, Immunologie, Paris, Flammarion, 1979 [1976], p. 392). 2. Suppresseur, -euse, adj. et,p. ell., subst. (Ce) qui supprime, (ce) qui cause une suppression. a) Électron. Grille suppresseuse (GDEL, s.v. grille). Un courant secondaire est émis par l'anode, perturbant gravement le fonctionnement du tube. On combat cet effet (...) par l'adjonction (...) d'une grille supplémentaire à mailles larges, la suppresseuse, reliée directement à la cathode (Encyclop. univ.t. 231989, p. 20, s.v. tubes électroniques).b) Génét. Gène suppresseur. ,,Gène dont la présence a pour effet de conférer un phénotype plus ou moins normal aux souches qui portent certaines mutations`` (L'Hér. Génét. 1979 [1978]). Les suppresseurs sont surtout connus chez des micro-organismes (L'Hér. Génét.1979 [1978]).c) Immunol. Qui supprime une réaction immunitaire. Synon. suppressif.Lymphocytes suppresseurs; cellules suppresseuses. d) Télécomm. Suppresseur d'écho. ,,Équipement placé sur un circuit de transmissions et qui supprime le phénomène d'écho`` (Morvan Informat. 1983). Les suppresseurs d'écho prennent une importance très grande dans le cas des relais par satellite (GDEL). 3. Suppressible, adj.,rare. Que l'on peut supprimer sans inconvénient. Synon. supprimable (dér. s.v. supprimer).C'est la loi de la fatigue et du sommeil, loi d'une application (...) variable (...) et modifiable, non suppressible, par l'énergie des fonctions elles-mêmes, et notamment de la volonté (Renouvier, Essais crit. gén., 3eessai, 1864, p. XXVI).Toute la pièce [Saül] pose, au fond, sur les amours immorales et antagonistes de messieurs. De plus, la reine est presque suppressible (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1898, p. 324). 4. Suppressif, -ive, adj.Qui supprime, qui cause une suppression. Mesure suppressive. Méd. Les aires suppressives de Hines (1936) et les éléments inhibiteurs viennent tempérer des réactions élémentaires insuffisamment adaptées (Bariéty, Coury, Hist. méd., 1963, p. 673).En partic., immunol.Cellules suppressives. ,,Lymphocytes T (dérivés du thymus) ayant la propriété de supprimer certaines réactions immunitaires`` (GDEL). On trouve un grand nombre de cellules T suppressives dans le thymus et la rate (J.-F. Bach, Immunologie, Paris, Flammarion, 1979 [1976], p. 103). Prononc. et Orth.: [sypʀ
εsjɔ
̃], [-pʀe-]. Littré, Lar. Lang. fr. [ε]. Warn. 1968 « [e], parfois [ε] ». Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Fin du xives. (Roques, t. 2, 12083: suppressio ... sionis ...: suppression); 1. a) 1468 « abolition, annulation (p. ex. d'une institution) » (Ordonnances des rois de France, t. 17, p. 104); b) α) 1690 suppression de part (Fur.);
β) 1771 suppression d'état (Trév., avec citat. d'aut.); 2. 1575 méd. (Paré,
Œuvres, V, 22, éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 1, p. 360b); 3. 1690 suppression d'un mot (Fur.). Empr. au lat.suppressio « appropriation frauduleuse, détournement, étouffement, oppression », de suppressum, supin de supprimere, v. supprimer. Fréq. abs. littér.: 556. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 578, b) 730; xxes.: a) 925, b) 923. |