| * Dans l'article "SUPPOSER,, verbe trans." SUPPOSER, verbe trans. A. − Empl. trans. 1. Poser comme vrai. a) Supposer + subst. − [Le compl. représente un point de départ] Poser, considérer quelque chose comme vrai, afin d'en déduire quelque chose, une conséquence. Supposer la connaissance, l'existence. Je n'aime pas les difficultés; je ne les suppose pas. De là les mécomptes, les tristesses, le découragement (Dupanloup, Journal, 1851-76, p. 88): [Laplace] supposait l'attraction, l'invariabilité des lois de la mécanique, et s'assignait pour seule tâche d'expliquer le sens de rotation des planètes et de leurs satellites, le peu d'excentricité des orbes, et la faiblesse des inclinaisons.
Valéry, Variété[I], 1924, p. 135. − [Le compl. représente une explication] Poser quelque chose comme hypothèse servant de base à un raisonnement, à une argumentation. ♦ [Le compl. est un subst.] Ça consistait (...) à supposer deux adversaires, A et B (Verlaine,
Œuvres compl., t. 4, Prisons, 1893, p. 399).Supposons, par exemple, une sphère dont un hémisphère soit bleu et l'autre rouge (...). Soit maintenant un vase sphérique contenant un liquide bleu qui devient rouge par suite d'une réaction chimique (H. Poincaré, Valeur sc., 1905, p. 84). ♦ [Le compl. est déterminé par un adj. en fonction d'attribut] Prêter une qualité à quelque chose. Supposer deux droites parallèles. Quelques puissants qu'on suppose les effets de la grève générale révolutionnaire, ils ne seront pas supérieurs à ceux des grandes guerres et des grandes invasions (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 112).Villages couleur du sol, du sable, de la roche; villages que je suppose coptes, habités par des apprentis stylites (Gide, Journal, 1946, p. 291). b) [Le compl. d'obj. est une complét. introd. par que] Considérer quelque chose comme probable; poser quelque chose comme hypothèse. − [Le verbe de la sub. est à l'ind. indiquant la certitude de l'assertion] Admettre comme certain (ce qui va suivre). Je suppose que vous revenez par Dieppe (Flaub.,Corresp.,1871,p. 283).− (...) Vous savez sans doute qui je suis? − Non, mais je suppose que vous appartenez à la police. − Commissaire Maigret... − Enchantée (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 158). − [Le verbe de la sub. est au subj., empl. pour un tour hyp.] Émettre une hypothèse. Supposons que trahir devienne une devise (Hugo, Légende, t. 5, 1877, p. 1093).Monsieur: Vous me connaissez? Jean: Non, monsieur, du tout! Monsieur: Alors, qu'est-ce qui vous fait supposer que je sois l'homme que je suis. Jean: Heu... rien! ou plutôt, ce qui revient au même, tout! (Guitry, Veilleur, 1911, ii, p. 16). ♦ À supposer que + subj.Mais il y a de grandes chances pour que l'œuvre s'écarte de ce plan initial, − à supposer que je parvienne à le trouver a priori (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p. 89). ♦ Supposons que + subj.Supposons encore qu'il s'agisse d'une série d'expériences ayant pour objet de déterminer comment la tension de la vapeur d'eau varie avec la température du liquide générateur (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p. 65). ♦ En supposant que + ind. ou subj. (selon que le fait est envisagé comme réel ou comme hyp., éventuel).En supposant que le médecin le plus habile ne puisse prévoir les révolutions de la santé d'un homme bien portant, il peut prévoir tout le cours d'une maladie quand elle est déterminée (Saint-Martin, Homme désir, 1790, p. 92).La souffrance est une punition du péché; or les bêtes n'ont pas péché; donc elles ne peuvent souffrir, donc elles sont de pures machines. Le P. Bougeant échappait à l'argument, en supposant que les bêtes étaient des démons (Renan, Avenir sc., 1890, p. 512). c) [Le suj. désigne qqc.; le compl. d'obj. désigne qqc.] Exiger comme condition nécessaire, comme préalable; impliquer. L'attention, à son plus haut degré, est la même chose que la prière. Elle suppose la foi et l'amour. L'attention absolument sans mélange est prière. Si on tourne l'intelligence vers le bien, il est impossible que peu à peu toute l'âme n'y soit pas attirée malgré elle (S. Weil, Pesanteur, 1943, p. 119). 2. [Le suj. désigne une pers.; le compl. est un subst. (+ adj.) ou une complét.] Poser comme possible, probable. a) Faire des conjectures à partir d'éléments réels; présumer. [Le compl. désigne qqc.] 42 îles Aleutiennes ou île des Renards, et autres îles, qu'on suppose être situées dans l'Ouest, l'Ouest-Sud-Ouest et l'Ouest-Nord-Ouest de celles-ci (Voy. La Pérouse, t. 1, 1797, p. 145).[Le compl. désigne qqn] Lui demander dans quelles conditions sa mère lui avait remis le portrait de celui qu'elle supposait être son père (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Ermite, 1886, p. 1058).Il ne faut pas supposer les autres plus bêtes que nous (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 211). b) Échafauder, en esprit, quelque chose de vraisemblable; imaginer. − [Le compl. désigne qqc.] Je me plais à supposer des revenants et des fées. Je me ferais dresser les cheveux sur la tête en me racontant à moi-même des histoires de revenants (Mérimée, Lettres Mmede La Rochejacquelein, 1856, p. 56).En peinture (...) l'esprit ne peut supposer que ce que les yeux aperçoivent (Delacroix, Journal, 1857, p. 22).[Le compl. désigne qqn] Supposer + compl. d'obj. + attribut du compl.L'auteur place son héros dans le beau siècle des arts, et le suppose écolier d'Albert Dürer, contemporain de Raphaël (Staël, Allemagne, t. 3, 1810, p. 267).Si vous craignez que l'on ne prodigue l'accusation elle-même, c'est que vous supposez l'assemblée factieuse (Constant, Princ. pol., 1815, p. 88). − Supposer qqc. à/chez qqn.Prêter, attribuer quelque chose (une qualité, un défaut) à quelqu'un. Son visage rassemble tous les trésors de la santé et de la jeunesse. Son teint n'est pas celui d'une habitante des villes, c'est le teint qu'on suppose aux bergères des romans (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1604).Voyez, je vous suppose l'âme assez haute pour qu'on n'ait rien à vous cacher (Curel, Nouv. idole, 1899, ii, 3, p. 197). c) Absol., par affaiblissement. Je suppose. À mon avis, pour autant que je sache. (Henri de Régnier, je suppose): « Gide n'aime pas les vers » (Gide, Journal, 1902, p. 121). − [Pour marquer la réprobation ou la mise en garde] Chez qui vous croyez-vous? Pas chez vous, je suppose! (...) Alors, payez la casse et poliment, hein! (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 221). 3. Poser comme vrai quelque chose de faux, avec intention de tromper. a) Vieilli. Produire, alléguer pour vrai quelque chose de faux; prétendre. Je suis arrivée un peu avant l'heure du dîner à Loewenstein; on a été surpris de me voir; mais j'ai supposé une affaire qui avait avancé un voyage que je devais faire (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1651).Deux mois après le mariage, j'irai voyager avec mon mari, et il nous sera facile de supposer que mon fils est né à une époque convenable (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 437). − Supposer qqc. à qqn.Attribuer faussement quelque chose à quelqu'un. (Dict. xixeet xxes.). b) Substituer quelque chose à autre chose; mettre une chose à la place d'une autre en la donnant pour authentique. Parut un ouvrage intitulé: Mémoires de M. de Vergennes, ministre des affaires étrangères. Je le lus d'abord rapidement; je le parcourus de nouveau, et je m'en voulais à moi-même de ne pas le trouver digne de son auteur. Enfin, après l'avoir bien examiné, je me décidai à croire que le nom de l'auteur était supposé (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p. 4).Il ne soupçonnait point les Barricini de meurtre (...) mais il les accusait d'avoir supposé la lettre du bandit Agostini; et cette lettre (...) avait causé la mort de son père (Mérimée, Colomba, 1840, p. 82). − Supposer un enfant. ,,Vouloir le faire passer, le faire reconnaître pour fils ou fille de ceux dont il n'est pas né`` (Ac. 1798-1935). On supposa un enfant pour frustrer les héritiers collatéraux (Ac.1798-1935). − VÉN. Donner le change en lançant un autre animal sur la voie. Supposer revient à substituer et s'explique de soi-même, on dit que la bête donne le change quand elle parvient à supposer une autre bête en son lieu (A. France, Génie lat., 1909, p. 84). B. − Empl. pronom. 1. passif. Être supposé. La culpabilité ne se suppose pas, elle se prouve. En fait, l'inégalité des facultés existe; en droit, elle n'est point admise, elle ne compte pour rien, elle ne se suppose pas (Proudhon, Propriété, 1840, p. 278). 2. réfl. S'imaginer être. Virgile, pour ajouter à la mélancolie de son site, se suppose occupé à tisser une corbeille de branches de houx (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 121). 3. réciproque. Se faire présumer réciproquement, ne pouvoir exister l'un sans l'autre. L'autorité et l'obéissance se supposent mutuellement. Il n'y a pas plus d'idée de fini sans idée d'infini, qu'il n'y a d'idée d'infini sans l'idée préalable de fini; d'où il suit qu'à la rigueur ces idées se supposent et, si l'on veut, se limitent réciproquement (Cousin, Hist. philos. XVIIIes., 2, 1829, p. 187). Prononc. et Orth.: [sypoze], (il) suppose [-po:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Mil. xiies. « placer dessous » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, XXXVI, 25) − 1628, Stœr, Dictionaire françois-alleman-latin, Geneve; 2. a) 1280 « présumer, conjecturer » (Clef d'Amour, éd. A. Doutrepont, 281); b) ca 1330 supposé que (G. de Digulleville, Pélérinage de vie humaine, 1411 ds T.-L.); 3. 1370 « comporter comme condition nécessaire » (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, p. 149); 4. a) 1520 « substituer, mettre à la place » (G. Michel, tr. Suétone, II, 60 vods Hug.); b) 1538 « donner faussement comme authentique (p. ex. un testament) » (Est., s.v. subiico). Empr. au lat.supponere (francisé d'apr. poser) littéral. « placer dessous » d'où « placer sous l'autorité de », « substituer (une personne ou une chose à une autre, de manière frauduleuse) » et dans le domaine intellectuel « soumettre quelque chose à une opération de l'esprit »; les sens 2 et 3 se sont développés en français. Fréq. abs. littér.: 7 625. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 12 632, b) 8 366; xxes.: a) 9 866, b) 11 230. DÉR. Supposable, adj,littér. Qui peut être supposé; en partic., qui peut être posé comme hypothèse de départ ou qui peut être présumé, conjecturé. Intention supposable; toutes les qualités supposables. L'étendue du corps suppose donc déjà l'espace (...); or, tout point réel quelconque est étendu, est dans l'espace; donc ôtez l'idée d'espace et d'étendue et nul corps réel n'est supposable (Cousin, Hist. philos. XVIIIes., 1829, p. 156).− [sypozabl̥]. − 1resattest. [ca 1460, Chastellain d'apr. Lar. Lang. fr.] 1823 (Boiste); de supposer, suff. -able*. − Fréq. abs. littér.: 12. |