| SUICIDE, subst. masc. et adj. I. − Subst. masc. A. − 1. a) Fait de se tuer volontairement. Synon. autolyse.Le suicide! mais c'est la force de ceux qui n'en ont plus, c'est l'espoir de ceux qui ne croient plus, c'est le sublime courage des vaincus! (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Endorm., 1889, p. 1170).V. auto(-)destructeur ex., hara-kiri ex. de E. de Goncourt, inharmonique ex. de Ruyer, métaphysique2ex. de Beauvoir: ... « J'ai pensé me tuer... » Oui: en finir! Le suicide, seule issue à de telles angoisses.... Un suicide sans préméditation, presque sans consentement, simplement pour échapper, n'importe comment, avant qu'elle ait atteint son paroxysme, à cette souffrance dont l'étau se resserre!
Martin du G., Thib., Belle sais., 1923, p. 1050. ♦ Suicide lent. Déchéance d'une personne, dégradation progressive de son corps, de son esprit aboutissant à la mort. Je le compare [le haschisch] au suicide, à un suicide lent, à une arme toujours sanglante et toujours aiguisée (Baudel., Paradis artif., 1860, p. 385). SYNT. a) Songer, (ne) penser (qu'), courir, être acculé au suicide; envisager le suicide; être au bord du suicide; velléités, idées, tentative de suicide; chantage, penchant au suicide; hantise, obsession du suicide; mode, moyen de suicide. b) Qqn arrache, incite, pousse qqn au suicide, empêche un suicide, sauve qqn du suicide, condamne, refuse le suicide; qqc. conduit, mène au suicide. c) Suicide manqué, raté, abouti, accompli, réussi; suicide raisonné, mystique, idéologique, métaphysique, philosophique; suicide romantique de l'adolescence; suicide collectif; suicide au/par le gaz, aux barbituriques, par arme blanche, par arme à feu, par le feu, par défenestration, par empoisonnement, par noyade, par pendaison. b) P. méton. Mort que quelqu'un se donne volontairement. S'adressant aux journalistes: Provisoirement, c'est un suicide! Après l'autopsie nous verrons (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 656).V. apitoiement ex. 3, épidémie ex. 2. SYNT. Annoncer, cacher, expliquer un suicide; faire croire à un suicide; conclure au suicide; motif, raisons d'un suicide; renforcer la thèse, la version, l'hypothèse du suicide; meurtre déguisé, maquillé en suicide; suicide camouflé en accident; double suicide; épidémie, vague de suicides; statistique des suicides; suicides recensés; recrudescence, accroissement (du nombre) des suicides; causes, progrès, développement, prévention du suicide; taux de suicides. c) P. anal. Comportement de certaines espèces animales qui semblent se donner volontairement la mort. Jamais aucun marin qui signale avoir croisé des bandes d'oiseaux migrateurs (...) n'a rapporté avoir vu un suicide collectif des oiseaux en haute mer (Cendrars, Lotiss. ciel, 1949, p. 19).Des scientifiques ont découvert, dans le cerveau des cétacés échoués, des parasites qui les rendraient incapables de coordonner leurs mouvements (...). En fait, les causes de ces suicides ne sont pas encore complètement éclaircies (Okapi, Suppl. au no413, 1-15 févr. 1989, p. 14, col. 2). 2. P. ext. a) Fait de prendre (ou de faire prendre à quelqu'un) des risques vitaux excessifs ou vains. Suicide par imprudence. Au moindre soupçon d'une maladie contagieuse, elle est là. Elle donne ses jours. Elle donne ses veilles. Elle donne sa vie. (...) il y a du suicide dans sa charité (Bourget, Sens mort, 1915, p. 316).Guy (...) se laissa encercler entre Séphorie et Ain Djaloud et, malgré une terrible infériorité numérique, fut sur le point d'ordonner une charge qui eût été un suicide (Grousset, Croisades, 1939, p. 227). ♦ Candidat au suicide. Personne qui risque sa vie pour rien ou qui donne cette impression. Mistress Key, l'Américaine à moitié folle, la candidate au suicide qui, sous le prétexte de battre le record féminin de vitesse pour la montée au Matterhorn, avait fait l'été précédent le cauchemar de la corporation des guides (Peyré, Matterhorn, 1939, p. 97). − En appos. Huit mois de martyre [pour Depailler, en 1979 après un accident] suivi d'un retour suicide en course sur une Alfa Romeo dangereuse parce que inachevée (Le Nouvel Observateur, 26 oct. 1984, p. 77, col. 3). b) Tout acte d'autodestruction volontaire. La nouvelle du suicide de la flotte française à Toulon a fait ici une impression extraordinaire (Green, Journal, 1942, p. 279). B. − Au fig., p. exagér. 1. Action de se nuire, de se détruire, d'anéantir quelque chose en soi. Synon. destruction.Suicide d'une nation, d'un peuple; suicide planétaire. Le mariage est le suicide des dandys après en avoir été la plus belle gloire (Balzac, Faiseur, 1850, iii, 5, p. 259).Quand le concile de Trente a eu décidé qu'il ne fallait plus s'occuper de la question de la Grâce, de ce jour-là, le christianisme a commencé son suicide, il s'est jugé lui-même: il a reculé devant la philosophie (Flaub., Corresp., 1860, p. 264).V. abdiquer ex. 12. − [P. méton. du déterminé] Suicide de la beauté, de la jeunesse; suicide spirituel. L'athéisme n'est (...) que le désespoir d'une raison aliénée, et le suicide de l'intelligence (Lamennais, Indifférence, t. 1, 1817-23, p. 129).Allons-nous, sur les conseils des comités coloniaux, devenir une nation polyglotte, sans même nous apercevoir que cela serait un véritable suicide linguistique, et demain un suicide intellectuel? (Gourmont, Esthét. lang. fr., 1899, p. 77). 2. Acte ou attitude susceptible d'anéantir la carrière, l'image de son auteur, ou de ruiner son crédit, son autorité. Suicide électoral, politique; suicide d'un parti. À les entendre [les aventuriers de finance et de presse], la France ne pouvait sans déshonneur, sans suicide, accepter un contrôle international de la police franco-espagnol au Maroc (Jaures, Guêpier marocain, 1914, p. 60).Ce peintre [Picabia] (...) a passé son temps, plus encore que Picasso, à des volte-face, des reniements, de véritables suicides artistiques (Dorival, Peintres XXes., 1957, p. 115). − Expr. fam. C'est un suicide! c'est du suicide! [À propos d'une action, exprime que l'aut. court à sa perte, à sa ruine] Non, chéri, tu ne publieras pas ça! C'est trop direct, c'est trop cru! Ce serait un suicide! (Aymé, Confort,1949, p. 88). − En appos. Rocard isolé. Rocard rejeté à droite. Rocard contraint au silence-allégeance ou à l'affrontement suicide (L'Express, 2 déc. 1978, p. 111, col. 3). II. − Subst. masc. et adj., vx. Personne qui se tue ou s'est tuée volontairement. Synon. suicidé.Les suicides, qui ont dédaigné la noble nature de l'homme, ont rétrogradé vers la plante (Chateaubr., Génie, t. 1, 1803, p. 523).Les prêtres consacrèrent le souvenir de ses travaux, et lui décernèrent l'apothéose [à Hercule], quoiqu'il fût bâtard, voleur, meurtrier et suicide (Nodier, J. Sbogar, 1818, p. 168). III. − Adj., vx A. − [En parlant d'un acte] Qui cause, entraîne la mort de son auteur. L'idée de l'Opéra (...) fit bien vite oublier à notre héroïne l'idée triste du comte de Nerwinde tué par un coup de pistolet suicide (Stendhal, Lamiel, 1842, p. 188). B. − Au fig. Qui cause la perte de son auteur. Synon. suicidaire.Affrontement suicide. La Convention a rendu contre elle-même ce décret, le plus inconcevable qu'aucun sénat ait jamais rendu, ce décret vraiment suicide, qui permet qu'un de ses membres (...) soit conduit en prison sans avoir été entendu (Desmoulinsds Vx Cordelier, 1793-94, p. 264). REM. 1. -suicide, élém. de compos.a) 2. Avion-suicide, subst. masc.Synon. de kamikaze.V. kamikaze ex. de Lar. 20eSuppl. 1953. b) Candidat-suicide, subst. masc.Personne qui accomplit une tâche risquant de ruiner sa carrière, son image. Le Centre ira-t-il jusqu'à présenter un candidat-suicide, étant donné la puissante position personnelle de son adversaire? (Le Figaro, 28 nov. 1966ds Gilb. 1971). c) Commando-suicide, subst. masc.Groupe de personnes (généralement des soldats) qui accomplit volontairement une mission comportant des risques mortels. Le PPS [Parti populaire syrien] (...) s'est manifesté ces trois dernières années en envoyant des commandos-suicides vers les positions israéliennes du Sud-Liban (L'Événement du Jeudi, 18-24 sept. 1986, p. 11). d) Mission-suicide, subst. fém.Action dont l'issue probable est la mort. Treize hommes abandonnés dans un coin pourri de l'État de R. pour une mission-suicide : tenir la position-clé de B. (Le Monde, 23 nov. 1968ds Gilb. 1971). e) Pilote-suicide, subst. masc.Pilote volontaire d'un avion-suicide. Synon. kamikaze.En novembre 1944, le quartier général (japonais) annonçait avec éclat une grande nouvelle: l'apparition des pilotes-suicides, ou « kamikazes » (Le Monde, 14 août 1965ds Gilb. 1971). Suicidogène, adj.,psych., sociol. Qui produit ou engendre le suicide. Risque, facteur suicidogène. L'allongement de l'adolescence (...) la dramatisation de la vie, l'information sensationnelle et catastrophique, le manque de modèle, ne sont pas sans rendre notre société « suicidogène » (Le Monde, 28 juin 1977, p. 13 ds Clé Mots). 3. Suicidologie, subst. fém.,psych., sociol. Discipline scientifique qui a pour objet le suicide notamment sous ses aspects psychopathologiques et sociologiques. Cette évolution [de la fonction érotique correspondant à celle de la science et de la société], assez surprenante parfois bien qu'encore très limitée, l'inconscient acceptant probablement moins facilement le changement que ne le font nos mœurs, peut servir de fil conducteur à la suicidologie (Psychol. méd., t. 12, avr. 1980, p. 752). Prononc. et Orth.: [sɥisid]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. A. 1. 1734 (Desfontaines, Le Pour et le Contre [ouvrage périodique], t. 4, pp. 61-62: réflexions sur le suicide); 1741 (Lettre de Jean-Baptiste Racine à Louis Racine ds
Œuvres de J. Racine, éd. P. Mesnard, t. 7, p. 343: À l'égard du suicide (mot que vous avez vraisemblablement employé pour rire, car personne ne l'entend, et deux gens d'esprit me dirent hier que ce ne pouvoit être qu'un charcutier), ce ne sera jamais un péché fort à la mode parmi les gens de bon sens); 2. 1765 suicide indirect (Encyclop. t. 15, p. 640a: on entend par là toute action qui occasionne une mort prématurée, sans qu'on ait eu précisément l'intention de se la procurer); 3. 1790 fig. « action de se détruire » (Saint-Martin, Homme désir, p. 230: Quel suicide continuel pour son âme, que sa conduite!); 1817-23 suicide de l'intelligence (Lammenais, loc. cit.). B. 1752 « personne qui se suicide, s'est suicidée » (Trév. Suppl.). Du lat. sui « de soi », génitif du pron. pers. réfl. se « se, soi », d'apr. homicide*. Fréq. abs. littér.: 1 281. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 425, b) 1 540; xxes.: a) 2 240, b) 2 059. |