| SUEUR, subst. fém. A. − 1. [Chez les hum. et certains animaux supérieurs] Liquide aqueux fortement dilué, incolore, d'odeur caractéristique plus ou moins pénétrante, produit par les glandes sudoripares et évacué par les pores à la surface de la peau où il se vaporise ou se condense en gouttelettes sous l'effet de certains facteurs (température élevée, effort physique, émotion, état morbide, etc.). Par la fenêtre ouverte sur la rue n'entrait rien que de la chaleur. Son front ruisselait. Une goutte de sueur coula le long de son nez, et s'en alla tomber sur une lettre qu'il tenait en main (Gide, Faux-monn., 1925, p. 933).Pendant quelques instants il s'abîma dans la reviviscence d'odeurs qui donnaient tant de luxueux attrait à la sueur féminine (Queneau, Pierrot, 1942, p. 77). ♦ Sueur froide. Sueur accompagnée d'une sensation de froid et de frissons dans certains états pathologiques ou d'angoisse. Sueur froide de l'agonie. Mon ami avait déjà tout le côté gauche paralysé. C'était une hémiplégie, une congestion cérébrale, et tout était fini après une horrible sueur froide, qui le trempait des pieds à la tête en une demi-heure (Goncourt, Journal, 1884, p. 368). − MÉD., PATHOL. ♦ Test, épreuve à/de la sueur. Dosage du chlorure de sodium dans la sueur, utilisé pour le diagnostic de la mucoviscidose. Le test à la sueur confirme le diagnostic de la mucoviscidose chez les enfants (Pt Lar. Méd.1976). ♦ Sueur de sang. Synon. de hématidrose.C'est sur la trahison qu'il pleure, c'est l'exécrable idée de la trahison qu'il essaie vainement de rejeter hors de lui, goutte à goutte, avec la sueur de sang (Bernanos, Joie, 1929, p. 684).En partic. [P. allus. à Luc verset XXII, 44, qui décrit la sueur de sang de Jésus, lors de son agonie à Gethsémani] Il montre Jésus suant la sueur de sang sur le mont des Oliviers et appelant en vain son père céleste (A. France, Vie littér., 1890, p. 257). − En sueur. Qui transpire abondamment, qui est couvert de sueur. Chair, corps, front, mains, nuque, tempes, visage en sueur; être (tout) en sueur; femme, homme en sueur. Par peur d'être vue, elle ne prenait pas ordinairement le chemin le plus court. Elle s'engouffrait dans les ruelles sombres, et elle arrivait tout en sueur vers le bas de la rue nationale (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 112): Elle le sentait, avec un dégoût innommable, s'assouvir en un spasme. Il s'endormait sur elle, d'un sommeil alcoolique, coupé de cris brefs et de sursauts. Lentement, elle essayait de se dégager de l'étreinte, ressaisie parfois, ramenée contre la peau en sueur par le réflexe brutal du mâle repu.
Van der Meersch, Empreinte dieu, 1936, p. 50. SYNT. Sueur acide, aigre, brûlante, chaude, épaisse, fine, glaciale, glacée, légère, nocturne; sueur animale, humaine; gouttelettes, rigole, ruisselet de sueur; (être) baigné(e), couvert, inondé, mouillé, ruisselant, trempé de sueur; sueur qui coule, dégoutte, perle, ruisselle; odeur de sueur; habit taché de sueur; ruisseler, dégouliner de sueur; mains, peau moite(s) de sueur; cheveux collés par la sueur; sueur d'agonie, d'angoisse, d'épouvante. − P. anal. Condensation qui se produit en surface. ♦ [À propos de qqc.] Je l'adore, cette odeur montante, moutardeuse, verte, − si l'on peut dire verte, − comme les cuirs qui faisandent dans l'humidité ou qui font sécher leur sueur au soleil (Vallès, J. Vingtras, Enf., 1879, p. 53).En sueur. Cette population qui fermentait sur la chaussée, les femmes sortant d'essuyer les plâtres en sueur des corridors, les hommes fumant des têtes de sultanes et se prélassant (Huysmans, Sœurs Vatard, 1879, p. 28). ♦ [À propos d'un végétal] [Bertin] se laissa tomber sur un banc, et aspirant la sueur fraîche des pelouses arrosées, il se sentit assailli par toutes les attentes passionnées qui font de l'âme des adolescents le canevas incohérent d'un infini roman d'amour (Maupass., Fort comme la mort, 1889, p. 264).Arrosés la veille au soir, les géraniums et les coquerets alkékenges gardaient une sueur irisée que le premier rayon du soleil essuyait (Colette, Chambre d'hôtel, 1940, p. 31).En partic. ,,Humidité condensée dans les germoirs sur les couches supérieures des grains d'orge et qui marque le développement des radicelles`` (Duval 1959). La sueur [de l'orge] apparaît au moment du développement des radicelles (Boullanger, Malt., brass., 1934, p. 127). 2. Action, fait de suer; état d'une personne qui sue, qui transpire. Synon. sudation, suée, transpiration.Il hésita, se promena devant les boutiques, en se demandant dans laquelle il oserait entrer, pris d'une sueur, tellement il souffrait du combat qui se livrait en lui (Zola, J. Damour, 1884, p. 338).Qu'il faisait bon à respirer, loin des baraques fétides et des sueurs recuites! (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 367). − Loc. fig. Avoir, donner des sueurs (froides); être pris d'une sueur (froide). Ressentir, causer une vive inquiétude, un sentiment de peur ou d'angoisse. Elle se sentait prise d'une sueur devant l'avenir et se comparait à un sou lancé en l'air, retombant pile ou face, selon les hasards du pavé (Zola, Assommoir, 1877, p. 417).Démobilisé il avait regagné Paris sans donner signe de vie. Et voilà maintenant qu'il revenait. Hector en avait des sueurs froides (Aymé, Brûlebois, 1926, p. 30). B. − Au fig. Symbole d'un travail pénible nécessitant des efforts intenses. Avez-vous entendu avec quelle emphase ce fils de bouvier a parlé des sueurs de son père?. Quand ils ont dit cela, ils ont tout dit. La sueur du peuple! La sueur de leurs pères! Les impertinents et les sots! Comme si leurs pères avaient inventé la sueur et le travail! (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 146). − Loc. S'engraisser de, vivre de, boire la sueur de qqn. S'enrichir, vivre en exploitant quelqu'un. Les seuls qui en profitent, ce sont les patrons et leurs actionnaires, ce sont les grands banquiers, les grands industriels (...) que tu te représentes, naturellement, oisifs et jouisseurs, engraissés de la sueur du peuple et sablant le champagne avec des filles de joie? (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 153). ♦ [P. allus. à la Genèse III, 19: à la suite de sa faute, Dieu condamne Adam à manger son pain « à la sueur de son visage »] Gagner/manger son pain à la sueur de son front/de son visage (vx). Gagner sa vie en travaillant durement. P. ext. Acquérir qqc. à la sueur de son front. Obtenir quelque chose après avoir travaillé durement. Ce produit [le fric] (...) sapide et polygène s'évapore avec la plus grande facilité cependant qu'il ne s'acquiert qu'à la sueur de son front (Queneau, Zazie, 1959, p. 201). − P. méton. La classe ouvrière, les travailleurs manuels. Aux alentours de Pâques, il n'y a point d'estivants sur le sable, l'eau n'est pas polluée par la sueur en vacances (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 159). Prononc. et Orth.: [sɥ
œ:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Fin xes. sudor « humeur aqueuse qui sort par les pores de la peau » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 128); 1160-74 suor (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 3858); ca 1360 en sueur (Hugues Capet, 66 ds T.-L.); b) ca 1260 « transpiration provoquée par la fièvre ou une émotion quelconque » (Robert de Blois, Beaudous, 1050, ibid.: Puis sue une froide sueur); c) 1309 « humidité qui s'exhale de quelque chose » (Statuts des émailleurs, sept. ds Fagniez t. 2, p. 20); d) 1648 sueur de sang (Scarron, Virgile travesti, liv. II ds
Œuvres, Paris, J. F. Bastien, t. 4, 1786, p. 86); 2. a) 1210-30 « peine qu'on se donne pour réussir » estre au travail e au süor (Guillaume de Normandis, Ste Marie-Madeleine, 174 ds T.-L.); b) 1422 à la sueur et travail de mon corps (Alain Chartier, Quadriloge invectif, éd. E. Droz, 1950, p. 20, ligne 18); 1762 manger son pain à la sueur de son front (Ac.); d'où 1801 la sueur du front (Crèvecœur, Voyage, t. 2, p. 365). Du lat. class. sūdōrem, acc. de sūdŏr « sueur, transpiration; travail pénible, peine, fatigue; humidité, suintement », dér. de sudare, v. suer. Fréq. abs. littér.: 2 346. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 815, b) 3 580; xxes.: a) 3 682, b) 3 441. |