| SUCCESSION, subst. fém. A. − Transmission effectuée selon certaines règles. 1. Transmission d'une charge, d'une fonction, conformément à des règles établies; fait de posséder une charge, une dignité, de remplir une fonction à la suite du prédécesseur. Succession au trône. La troisième race de nos rois avait (...) affermi l'ordre de la succession à la couronne, et (...) elle avait aboli toute distinction humiliante, « entre les fiers successeurs des conquérants et l'humble postérité des vaincus! » (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 220).Nous savons ce qu'a donné la succession dans la ligne masculine. Nous ne savons pas ce qui fût advenu de la France si, comme en d'autres pays, la couronne avait pu être portée dans la ligne féminine (Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 87). ♦ Guerre de succession (+ de + n. de pays). Guerre suscitée à l'occasion de l'ouverture d'une succession à un trône, convoité par plusieurs prétendants. Guerre de succession d'Autriche, de Pologne, d'Espagne. J'ai servi sous M. de Villars, j'ai fait la guerre de succession et j'ai risqué d'être tué sans raison à la bataille de Parme (A. France, Rôtisserie, 1893, p. 196).− RELIG. CATH. Succession apostolique. ,,Continuité vitale et institutionnelle que garde et doit garder l'Église du Christ avec la foi, la mission, les pouvoirs de sanctification et de gouvernement confiés par le Christ aux Apôtres`` (Foi t. 1 1968). 11 avril (...) l'Église fait la fête de saint Léon (...) à qui elle donne le même évangile qu'à saint Pierre, comme pour affirmer aux dissidents le dogme essentiel de la succession apostolique (Bloy,Journal,1899,p. 317). 2. DROIT a) Transmission du patrimoine d'une personne décédée à une (ou plusieurs) personne(s) lui survivant. Ouverture de la succession; succession du père, de la mère. Le tribunal du lieu où la succession est ouverte a compétence (...) pour les demandes entre héritiers jusqu'au partage inclusivement (Nouv. rép. de dr., Paris, Dalloz, 1965, s.v. succession, no14). ♦ Droits de succession. Charges qui frappent une succession à son ouverture et qui doivent être acquittées au fisc. (Ds Lar. Lang. fr., Lexis 1975). ♦ Ordre de succession. V. ordre I B 1 b dr. civ. ♦ Succession ab intestat (v. ab intestat) ou succession légale (p. oppos. à succession testamentaire*), succession anomale. ,,Celle dans laquelle certains biens du défunt sont dévolus en fonction de leur origine, contrairement à la règle de l'unité de la succession`` (Jur. 1981). ♦ Succession sous bénéfice d'inventaire. V. bénéfice II B 5.Succession collatérale. V. collatéral B dr.Succession en ligne directe. V. direct I B 4 dr.Anton. succession collatérale. ♦ Poudre de succession. V. poudre B 2. b) P. méton. Ensemble du patrimoine ainsi transmis; hérédité. Synon. héritage, hoirie.Biens, charges, dettes d'une/de la succession; accepter, recueillir, refuser, régler une succession; succession en déshérence*, vacante*; dévolution d'une succession. Cette immense fortune, encore augmentée par les successions de son oncle le notaire, et de son oncle l'abbé (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 255).Messieurs, il existe d'abord (...) une succession Jean-Ernest Servillon-Pocheu. Deux héritiers, en ligne directe se la partagent (Arnoux, Crimes innoc., 1952, p. 296). 3. Fait de prendre la place laissée par une personne dans un emploi, une charge, dans l'esprit de quelqu'un, auprès du public, de perpétuer son œuvre; p. méton., cette place elle-même. Prendre la succession de. Magnard [directeur du Figaro] m'offre la succession de Wolff, le gouvernement de l'art, avec toute l'indépendance et la liberté d'idées que je puis désirer (Goncourt, Journal, 1892, p. 177).Allais est populaire et n'a aucune réputation. Il a pris la succession d'Armand Silvestre (Renard, Journal, 1896, p. 354). B. − 1. Série de personnes, de choses, d'événements, de phénomènes qui se suivent sans interruption dans le temps ou sans intervalle dans l'espace; rapport existant dans une suite de termes; enchaînement dans une suite de filiation. Synon. chaîne, chapelet.Succession des événements, des jours; succession d'images, d'opérations; succession des âges, des faits; succession continue, ininterrompue. Dans la vie, il y a des successions de bonnes et de mauvaises chances (Goncourt, Journal, 1880, p. 70).Le mot existe par la succession des lettres, le caractère par la proportion des traits (Claudel, Connaiss. Est, 1907, p. 46). 2. PHILOSOPHIE a) État de ce qui présente des éléments non simultanés, non identifiables et créateurs de durée. L'éternité n'est pas une modification, une manière d'être, ou qualité de la matière, qui n'est pour nous que continuité et contiguité, succession en un mot, et l'éternité n'en admet point (Bonald, Législ. primit., t. 2, 1802, p. 169): On a souvent comparé la vie au cours d'un fleuve, mais en toute rigueur, l'eau du fleuve peut rester identique à elle-même en passant du point A au point B de son lit, et si les moments de son passage en B et en A sont bien liés dans un rapport de succession irréversible, ce rapport reste néanmoins extérieur à la chose et ne la transforme pas du dedans...
J. Vuillemin, Essai signif. mort, 1949, p. 32. b) Rapport de différents termes entre lesquels on conçoit un ordre, tel que celui des nombres (même sans idée de durée). Succession des nombres. Le langage analyse naturellement la pensée; il lui donne à la fois de la succession et de la fixité (Cousin, Hist. gén. philos., 1861, p. 358).On aperçoit la succession sous forme de simultanéité, on projette le temps dans l'espace (Bergson, Essai donn. imm., 1889, p. 142). 3. Loc., vieilli. Par succession de temps. ,,Par une longue suite de temps`` (Ac. 1798-1878). L'auteur (...) pense que le langage est de Dieu, qui a donné les signes radicaux, que l'homme a étendus par dérivation, ou qui se sont modifiés par succession de temps et variétés dans les organes (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 262).On raconte qu'à l'époque du mauvais papier, des assignats, on a assassiné et brûlé là un prêtre qui portait Dieu. L'histoire s'est un peu brouillée par succession de temps (Pourrat, Gaspard, 1925, p. 39). Prononc. et Orth.: [syksesjɔ
̃], [-sε-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1275-80 par succession « par une suite ininterrompue » (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 4379); b) 1314 venir par succession « venir, se produire, à la suite de » (Henri de Mondeville, Chir., éd. A. Bos,1975); c) 1365 par succession de temps (Oresme, Monnoies, éd. L. Wolowski, p. 22); d) 1549 par succession de longues années (Du Bellay, Deffence et Illustration, éd. H. Chamard, p. 345); 2. a) 1283 dr. (Philippe de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon,483: Quant il avient qu'aucuns fiés vient par reson de succession ou d'eschoite); b) 1304 par voie de successioun (Year books of the reign of Edward the first, XXXII-XXXIII, p. 97 ds Gdf. Compl.); c) ca 1330 (Girart de Rossillon, éd. B. Ham, 112: Quant cilz lo s fut morz, sui trois filz descorderent, De leur succession entr'eulz point n'acorderent); 3. 1671 « transmission d'une charge » (Pomey); 4. 1727 (Ramsay, Les Voyages de Cyrus, p. 7: une succession perpétuelle d'évenemens). Empr. au lat.successio (de succedere, v. succéder) « action de prendre la place de quelqu'un (dans une charge) », « héritage ». Fréq. abs. littér.: 1 939. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4 166, b) 1 976; xxes.: a) 2 622, b) 2 054. Bbg. TLF. Notes de lexicogr. crit. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1986, t. 25, no1, p. 280. |