| SUBLIMER, verbe trans. A. − ALCHIM., vx. Opérer la sublimation. Il faudra passer de l'or à l'antimoine par trois fois, et après le réduire en chaux; (...) il s'élèvera une terre feuillée de la couleur des perles orientales; il faut sublimer de nouveau jusqu'à ce que cette terre soit très pure: alors vous aurez fait la première opération du grand œuvre (Caron, Hutin, Alchimistes, 1959, p. 156). B. − 1. CHIM. Faire passer un corps de l'état solide à l'état gazeux. Sublimer le soufre, le mercure. Exposé à l'air, il [l'antimoine pur] ne perd que peu de son éclat à la température ordinaire. Il n'a point de saveur, mais une odeur particulière qui se développe quand on le frotte. Il fond difficilement. Dans des vaisseaux clos, on peut le sublimer en totalité à l'aide d'une forte chaleur (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog., t. 1, 1825, p. 91).Ustensiles de toutes sortes Pour sublimer, pour distiller, Matras, cucurbites, retortes Dont on voit les becs s'effiler (Pommier, Enfer, 1853, p. 86). − Empl. pronom. Cependant il arrive presque que le sous-carbonate d'ammoniaque entraîne dans la sublimation un peu d'acide muriatique. Si le muriate d'ammoniaque avait été mêlé à dessein au sous-carbonate de cette même base, il serait facile de reconnaître cette fraude. Le premier exige pour se sublimer une température bien plus élevée que celle qui suffit au sous-carbonate d'ammoniaque (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog., t. 1, 1825, p. 150). 2. Au fig. Idéaliser quelqu'un ou quelque chose en le purifiant de tout élément matériel ou imparfait, impur ou étranger. Synon. magnifier.Aussi les Jésuites acceptèrent-ils la liberté baroque seulement dans le vaste domaine ornemental qui faisait de l'église un décor, et soumirent-ils bientôt le geste baroque à l'art de l'illusion, à la pointure qui sublimait les tableaux vivants que leurs collègues mettaient en honneur (Malraux, Voix sil., 1951, p. 90). − Empl. pronom. Se dépasser. Il pensait que par une lutte systématique contre ses instincts physiques l'homme peut se purifier, se sublimer, se supernaturaliser, enfin se diviniser (Barrès, Pays Levant, t. 2, 1923, p. 15). − PSYCHANAL. Transposer consciemment ou non ses pulsions ou ses complexes sur un plan supérieur, les faire dériver vers un objet plus élevé. Sublimer une passion, une tendance. En présence d'un médecin âgé, la jeune patiente peut éprouver, le désir non de devenir sa maîtresse, mais d'être traitée par lui comme une fille préférée, sa tendance libidineuse peut se modérer et devenir une aspiration à une amitié inséparable, idéale, n'ayant rien de sensuel. Certaines femmes savent sublimer le transfert et le modeler jusqu'à le rendre en quelque sorte viable (Freud,Introd. psychanal., trad. par S. Jankélévitch,1959 [1922],p. 474).Empl. abs. ,,Effectuer une sublimation`` (Rob. 1985). ♦ Empl. pronom. Entre les deux amies, l'attachement sensuel peut se sublimer en sentimentalité exaltée (Beauvoir, Deux. sexe, t. 2, 1949, p. 362). − Arg. Travailler pendant la nuit. Afin de tromper la surveillance (...) [le Polytechnicien] qui sublime (...) étendu sous cet abri [la couverture de son lit], rumine (..) [les] mathématiques transcendantes (Larchey, Excentr. lang., 1865, p. 302). REM. 1. Sublimable, adj.Qui est susceptible d'être sublimé. Nos vieux chimistes englobent sous la même rubrique tous les corps, simples ou complexes, solides ou liquides, pourvus d'une qualité volatile apte à les rendre entièrement sublimables (Fulcanelli, Demeures philosophales, t. 1, 1929, p. 129). 2. Sublimatoire, adj.a) Alchim. Qui sert à opérer une sublimation. L'Aludel, dont le nom (venu d'Espagne), rappelait l'Al Outal arabe, était un appareil sublimatoire se composant de vases de terre vernissée, emboîtés les uns dans les autres et surmontés d'un chapiteau destiné à recevoir le produit de l'opération (Caron, Hutin, Alchimistes, 1959, p. 63).Empl. subst. ,,Un des noms de l'œuf philosophique dans lequel on cuit la pierre`` (Mots rares 1965; ds Littré). b) Psychanal. Qui permet la sublimation, qui est propre à la sublimation (d'apr. Rob. 1985). Issues sublimatoires de la crise psychanalytique (Rob. Suppl. 1970). 3. Sublimifier, verbe trans.,hapax. Pour arbitre des deux inséparables individualités qu'est l'homme, l'un railleur, l'autre gobeur, le troisième l'un et l'autre non sans de la vraie raison pour sublimifier son gros bon sens (Verlaine,
Œuvres posth., t. 3, Prose, 1896, p. 183). 4. Sublimiser, verbe trans.a) Rendre sublime. Cette lumière particulière (...) qui enveloppe les formes des objets, les transfigure, les sublimise, spiritualise la matière grossière et en dégage l'essence enrobée (Arnoux, Seigneur, 1955, p. 42).b) Élever par une sublimation. Il ressentait pour cette femme, si différente de toutes les autres, un désir physique forcené, il réussit à le vaincre, c'est-à-dire à le sublimiser (Abellio, Pacifiques, 1946, p. 377).Empl. pronom. Si ce monde existait, les substances dont la magnifique réunion produit votre corps et qui sont si éclatantes dans madame, ne se sublimiseraient pas après votre mort (Balzac, Confid. Ruggieri, 1837, p. 328). Prononc. et Orth.: [syblime], (il) sublime [syblim]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Alchim. « séparer des autres par la chaleur, les parties volatiles d'un corps » a) 1314 part. passé adj. arsenic sublimé (Henri de Mondeville, Chir., 1341 ds T.-L.); 1461 id. subst. (Villon, Testament, éd. J. Rychner et A. Henry, 1442); 1680 spéc. « bichlorure de mercure » sublimé corrosif (Rich.); b) xvies. [ms.] forme verbale (Cyrurgie de Lanfranc de Millan [ms. Bibl. nat. fr. 1323] ds Littré: quand le corps meslé est sublimé par adustion); ca 1516 (Complainte de Nature à l'alchimiste errant, 337 ds Rose, éd. D. M. Méon, t. 4, p. 139: Je cuis, dissoubs et sublime); 1680 chim. sublimer le soufre, le mercure, l'antimoine (Rich.); 2. ca 1350 « élever, exalter, glorifier (quelqu'un) » (Gilles Li Muisis, Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 1, p. 206: Dieus les boins clers sublime); 3. 1572 « rehausser, conférer une valeur nouvelle, affiner » (Amyot, Moral. Ept. p. 3 ds Littré); 4. 1911 psychanal. (G.-L. Duprat, c.r.: E. Jones, in Journ. de psychol., 8eannée, p. 480 ds Quem. DDL t. 29, s.v. méthode psychothérapeutique). Empr. au lat.sublimare « élever, exalter, glorifier »; terme d'alchim. au Moy. Age (1144 ds Latham), fréq. sous la forme du part. passé (FEW t. 12, p. 344 a); 4 est la trad. de l'all. sublimieren, terme de psychanal. (1917, S. Freud, Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse, III, XXVII in Werke, Frankfurt, Fischer Verlag, t. 11, 1944, p. 460: die Übertragung sublimieren...; die sublimierten Formen der Übertragung). Fréq. abs. littér.: 38. Bbg. Quem. DDL t. 29. |