| STRICT, STRICTE, adj. A. − 1. [En parlant de devoirs, d'instructions, de consignes] Qui prescrit des limites étroites, qui impose la rigueur. Synon. sévère; anton. élastique, lâche.Directives, discipline, loi, règle, réglementation stricte(s); horaire, règlement, régime strict; selon la stricte étiquette. Les devoirs de parenté sont plus stricts chez les Grecs que chez nous (About, Grèce, 1854, p. 210).Il y a des obligations professionnelles, purement morales, et qui sont pourtant très strictes (Durkheim, Divis. trav., 1893, p. 193). − PHILOS. Devoirs stricts. ,,Devoirs qui déterminent jusqu'aux détails l'action qu'ils prescrivent`` (Lal. 1968). Anton. devoirs larges*. − [En parlant de règles ou du mode de vie que l'on s'impose] L'épargne la plus stricte (...) présidait à leurs dépenses de ménage (Verlaine,
Œuvres compl., t. 4, L. Leclercq, 1886, p. 95).Un homme tel que vous, jeune et qui ne craint pas d'aller partout, et à la vie duquel tant de grands intérêts sont liés, est sans cesse exposé, même lorsqu'il garde le plus strict incognito (Larbaud, Barnabooth, 1913, p. 162). 2. [En parlant de l'observance ou de l'application de ces règles et règlements] Qui se réalise avec rigueur, qui est tout à fait conforme à ce qui est exigé. Synon. exact, rigoureux; anton. approximatif.Application stricte de statuts; stricte observance des lois, des règlements. Il se réfugiait dans la stricte exécution des ordres reçus (Zola, Germinal, 1885, p. 1450).La réalisation des performances réclame des dispositions physiques peu communes, elle est subordonnée en outre à une observance stricte des règles de l'hygiène, de l'alimentation et de l'entraînement (M. Bourgat, Techn. danse, 1959, p. 21).V. observance ex. de Huyghe. − RELIG. Stricte observance*. 3. [En parlant d'une qualité] Qui est parfaitement observé, respecté, sans écart. Synon. absolu, total.Garder une stricte discrétion. On la connaissait pour sa rage de dépense, sans force devant la tentation, d'une honnêteté stricte, incapable de céder à un amant, mais tout de suite lâche et la chair vaincue, devant le moindre bout de chiffon (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 447).Cette opération exige le plus grand soin et la plus stricte attention, car, de sa bonne exécution dépend le rendement du tannage (Bérard, Gobilliard, Cuirs et peaux, 1947, p. 37). ♦ La (plus) stricte vérité. L'exacte vérité, la plus totale vérité. Moi, Simon de Bourneval, je déclare que cet écrit ne renferme que la stricte vérité (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Testam., 1882, p. 666).J'aurais peur, dans une pareille histoire, d'ajouter un mot qui ne fût point l'expression de la plus stricte vérité (G. Leroux, Myst. ch. jaune, 1907, p. 79). − [Dans une démarche sc.] Rigoureux, sans écart possible. Quelque utile que pût être cette stricte rigueur scientifique (Comte, Philos. posit., t. 4, 1839, p 302).Les phénomènes humains font partie de la nature au même titre que les faits physiques ou chimiques; simplement ils sont plus difficiles à appréhender dans une stricte objectivité (Hist. sc., 1957, p. 1547). B. − [En parlant d'une pers.] 1. Qui, dans l'application des règles et des principes ou dans les relations avec autrui, ne tolère aucun écart, aucun relâchement. Synon. exact, rigide, rigoureux, sévère.Être strict avec soi; être strict sur la discipline. Un commissaire de police des plus stricts, guindés et raides (Verlaine,
Œuvres compl., t. 4, Prisons, 1893, p. 375).M. L... me dit qu'il [Rimbaud] était strict en affaires (Tharaud, Passant Éthiopie, 1936, p. 196).En partic. Qui respecte scrupuleusement l'horaire. Je reçois votre lettre à l'instant et serais heureux de vous voir jeudi, de 1 à 3, heure réglementaire. (Et l'on est très strict ici) (Verlaine, Corresp., t. 3, 1890, p. 285).Je suis correct et strict. On me demande six heures par jour, je les offre; mais six heures ne sont pas six heures et quart (Estaunié, Ascension M. Baslèvre, 1919, p. 14). 2. Postposé. Qui appartient entièrement et sans alternative possible à un groupe, à un mouvement, ou qui suit leur influence. L'artiste nous fait assister, sans que nous nous en doutions souvent, à un véritable remaniement du réel, dont il respecte pourtant les éléments. Aussi passera-t-il parfois pour un réaliste strict (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 258).Les cubistes stricts, Braque, Picasso, Juan Gris, ne sont-ils pas demeurés inébranlablement fidèles à la figuration? (Dorival, Peintres XXes., 1957, p. 118). C. − Sobre, dépourvu d'ornements. 1. [Dans la description d'un lieu, de l'habill.] Synon. austère, sévère.Décoration, robe, tenue stricte; tailleur strict. Hors du paysage, le cycle de la peinture me semble fermé. Intérieur sec, sobre, vide, comme inhabité; c'est le strict appartement du travail. La chambre, avec son petit lit, est une cellule (Goncourt, Journal, 1866, p. 310).On sent très bien que c'est à vous qu'elle pense. Elle s'habille pour vous Florence! (...) Elle veut être parfaite. Vous allez la voir. Elle a la [robe] bleue stricte, avec le renard (Giraudoux, Cantique des Cantiques, 1938, 2, p. 30). 2. [En parlant d'un genre artist.] C'est merveille de voir [dans les quatuors à cordes comme] (...) [Mozart] sait doser les éléments: la mélodie proprement dite, ariette, romance, rondeau, le contrechant, l'imitation, l'écho, le libre contrepoint, la fugue stricte (Ghéon, Prom. Mozart, 1932, p. 208). D. − [P. oppos. à large (v. ce mot I B)] 1. Restreint. Expliquer pourquoi le français s'est emparé du Midi avec l'irrésistible élan d'un mouvement de masse, et, précisément, de 1450 à 1600, dates larges; de 1500 à 1550, dates strictes (L. Febvre, Conq. du Midi par la lang. fr., [1924] ds Combats, 1953, p. 176).Même du point de vue strict de la linguistique, il est important pour le comparatiste de savoir ce que le sujet parlant lui-même pense de son mot (Griaule, Méth. ethnogr., 1957, p. 67). − En partic. Pour lequel on ne tolère, qui ne tolère aucune exception. Synon. seul.Pour le strict usage personnel, professionnel. Avec un peu d'encre soigneusement économisée d'après un encrier prêté par l'administration pour de stricts usages épistolaires, (...) j'écrivis (...) les quelques récits diaboliques qui parurent dans mon livre Jadis et Naguère (Verlaine,
Œuvres compl., t. 4, Prisons, 1893, p. 382). − [En parlant du langage, de la signification des mots] Dans l'acception stricte, étymologique et forte des deux termes (Du Bos, Journal, 1928, p. 161).Loc. Au sens strict. Au sens propre, originel (d'un mot, d'une expression). Synon. stricto sensu; anton. au sens large (v. large I B 2 ling.).Le terme d'échiquier ne doit pas être pris au sens strict. Dans l'échiquier véritable, toutes les cases sont des carrés. Ici, les blocs d'habitation peuvent offrir les rapports de dimensions les plus variées (Lavedan, Urban., 1926, p. 64). ♦ Empl. adv., peu usuel. De façon stricte. Tora, à parler strict, c'est le pentateuque, les cinq livres dits de Moïse. Mais la compréhension de ce terme, qui signifie « doctrine » plutôt que loi, s'est élargie parfois dans la tradition jusqu'à englober toute la littérature religieuse qui s'y rattache (Weill, Judaïsme, 1931, p. 69). 2. DR. En droit strict. V. droit3I C 2 e. 3. MATH., LOG. Inégalité stricte (Chamb. 1972). Inégalité qui exclut l'égalité. Inclusion stricte. ,,Un ensemble E est strictement inclus dans un ensemble F s'il est inclus dans F, tout en étant différent de F: E ⊂ F et E ≠ F`` (Chamb. 1972). Une classification unidimensionnelle n'utilise qu'une seule sorte de relation analytique (par exemple la relation d'inclusion stricte dans quelques taxinomies) (Coyaud, Introd. ét. lang. docum., 1966, p. 23). E. − Qui constitue la limite inférieure d'une quantité, d'un ensemble quantifiable, qui est réduit à sa valeur la plus faible. Synon. minimal.Si l'on veut déterminer la quantité qui nous en est nécessaire, il suffit de chercher quelles sont les exigences strictes de l'organisme en calories (Macaigne, Précis hyg., 1911, p. 210). − Loc. (Réduire au) strict minimum, strict indispensable, strict nécessaire; se limiter au strict minimum. Dès la première division, chaque cellule n'a reçu que le strict nécessaire pour former une moitié d'être (J. Rostand, La Vie et ses probl., 1939, p. 39).« Il va falloir écrire », songea-t-il, avec impatience. (Dès la mobilisation, il avait réduit la correspondance au strict indispensable...) (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 767).Dans tous mes livrets, je suis parti d'une anecdote simple que j'ai développée en réduisant au strict minimum le nombre des épisodes accessoires (Lifar, Traité chorégr., 1952, p. 44). − Expr. Dans la plus stricte intimité V. ce mot C 1 loc.C'est mon (ton, etc.) droit strict, le plus strict. C'est un droit incontestable, le plus légitime, le plus élémentaire. (Dict. xxes.). Prononc. et Orth.: [stʀikt]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. a) 1752 prendre (des paroles) dans un sens strict et rigoureux (Calmet ds Trév.); b) 1762 [de personnes] (Diderot, Lettres à S. Volland, t. 1, p. 261); c) 1768 (Linguet, Hist. impart. des Jésuites, p. 170: l'obéissance des Jésuites était plus stricte); d) 1787 au strict nécessaire (Volney, Voy. en Syrie et en Égypte, p. 396). Empr. au lat.strictus (part. passé de stringere « étreindre, serrer ») « concis, laconique; rigoureux, sévère ». Fréq. abs. littér.: 734. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 622, b) 603; xxes.: a) 1 102, b) 1 603. Bbg. Gohin 1903, p. 324. |