| STATUE, subst. fém. A. − Ouvrage de plein relief, sculpté ou moulé, représentant en entier un être animé (p. oppos. à tête, buste), et par allégorie, une qualité abstraite, un élément ou un effet de la nature. Synon. figure.Jolie statue de Westmacott: une mère allaitant son enfant (Michelet, Journal, 1834, p. 129).Dès l'époque saïte, quand le portrait individuel se multiplie − la statue gardant toutefois son allure architectonique − on ne bâtit plus aucun temple (Faure, Espr. formes, 1927, p. 53). SYNT. Statue de bois, de bronze, de marbre, de pierre, de plâtre; statue polychrome; statue d'un saint, de la Vierge; inauguration d'une statue; statue ailée, allégorique, colossale, engainée, équestre, funéraire, religieuse; statue antique, égyptienne, grecque; couler, dresser, élever, ériger, inaugurer, modeler, sculpter une statue; jeter en fonte, refondre une statue; la statue de la Liberté à New-York; une statue de l'amour. − P. métaph. Ma jalousie ne connut plus de bornes le jour où l'on m'apprit que M. Simonnot, cette statue, ce bloc monolithique, était par-dessus le marché indispensable à l'univers (Sartre, Mots, 1964, p. 73). B. − Locutions 1. Immobile, muet, raide comme une statue. Guilia restait de glace elle aussi, muette ainsi qu'une statue, et les yeux fixés sur le feu (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 219). 2. (Être, surgir comme) la statue du Commandeur. [P. allus. à l'apparition subite et impressionnante du personnage de Don Juan de Molière, figure du châtiment venant réclamer l'expiation de crimes demeurés longtemps impunis] Au poulet rôti, une figure solennelle, la statue du commandeur en frac, entre dans la salle à manger (Blanche, Modèles, 1928, p. 228). 3. Changer (qqn) en statue (de sel). [P. allus. au sort subi par la femme de Loth, personnage biblique de la Genèse] Figer (quelqu'un) dans une attitude immobile produite par la stupeur, la surprise: Comme nous sommes tentés de nous retourner à l'instar de la femme de Loth! Serons-nous changés en statues de sel si nous regardons loin en arrière, à la fin du xviiiesiècle, au début du xixe, au moment privilégié où s'élaborent les grandes doctrines de la physique, de la mécanique...
Leprince-Ringuet, Atomes et hommes, 1957, p. 74. − P. métaph. Folcoche ne répond pas. Son silence est une statue de sel que lèche vainement ma salive (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 265). C. − 1. P. anal. [À propos d'une pers.] − Une (vraie) statue. Personne dépourvue d'activité, d'expression, de mouvement. La Thénardier, Éponine, Azelma étaient autant de statues. Les buveurs eux-mêmes s'étaient arrêtés. Il s'était fait un silence solennel dans tout le cabaret. La Thénardier, pétrifiée et muette, recommençait ses conjectures (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 492). − Une (belle) statue. Personne belle, mais dépourvue d'expression et de sensibilité. Le comte, lui, n'avait rien vu de la transformation qui s'était produite, (...) au lieu de s'adresser à une frénétique, il parlait maintenant à une statue. − Allons! Mahaut, calmons-nous (Radiguet, Bal, 1923, p. 206). − Animer la statue. [P. allus. à la légende de Pygmalion amoureux de sa statue Galathée] ,,Faire naître l'animation chez une personne qui était restée froide`` (DG). − [Suivi d'un compl. prép. avec de] Personne qui manifeste de manière caractéristique, par son attitude figée, son expression, tel ou tel sentiment, telle ou telle entité morale. Statue de la douleur, de la pudeur. Il se tenait si droit les jours de fête qu'on aurait dit une statue de la sévérité (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 250).Je lui parlais d'amour, elle me parlait de ses devoirs; à mes lettres brûlantes jamais elle ne répondit; elle était devant mes yeux comme la statue de l'oubli. Si indifférente que ma souffrance même se glaçait à son contact (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p. 162). 2. P. métaph. [P. anal. au sculpteur qui fond les métaux] Il faut tout embrasser, et joyeusement jeter dans la fonte ardente de notre cœur et les forces qui nient et celles qui affirment, ennemies et amies, tout le métal de vie. La fin de tout, c'est la statue qui s'élabore en nous, le fruit divin de l'esprit (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1565). REM. Statuomanie, subst. fém.,p. plaisant. Manie (d'élever) des statues. Vous devez vous rappeler que je n'ai accepté que sur vos instances cette présidence [de la société du monument de Flaubert], qui m'a (...) mis en contradiction avec moi-même et ma profession de foi sur la statuomanie, à propos de la statue de Balzac (Goncourt, Journal, 1887, p. 631). Prononc. et Orth.: [statɥ]. Homon. statut. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1remoit. xiies. estatües (Psautier d'Oxford, 113, 12 ds T.-L.); ca 1170 statue (Livre des Rois, éd. E. R. Curtius, p. 196, 26); 2. 1690 « personne insensible » (Fur.). Empr. au lat.statua, même sens, dér. de statuere (v. statuer). Fréq. abs. littér.: 3 485. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5 561, b) 5 422; xxes.: a) 4 346, b) 4 556. |