| STABLE, adj. Qui est dans un état, une situation ferme ou durable. Anton. instable.A. − 1. Qui reste en place, droit; qui est en équilibre durable. Meuble, support stable; tabouret, échelle qui n'est pas stable; position stable. La fileuse ajuste son cotillon, serre la coulisse sur son flanc rebondi, et fiche entre elle et la ceinture la quenouille: fermement, solidement. Il importe qu'elle soit stable; de son assiette dépend la régularité de la prise de lin (Pesquidoux, Chez nous, 1923, p. 255): 1. Le bâti repose (...), par l'intermédiaire de trois vis calantes, sur un pilier en maçonnerie ou un trépier portatif très stable. Un cercle (...) est solidaire de l'axe (...). Il tourne donc du même angle que la lunette (...). Ce premier cercle fournit directement la distance zénithale du point visé...
Danjon, Cosmogr., 1948, p. 54. − [Avec une idée de solidité notamment dans le domaine de l'archit., de la constr., des trav. publ.] Dans l'ancienne construction massive en maçonnerie, le mur extérieur était à la fois le support et la clôture du bâtiment. Aujourd'hui, le support seul exige une construction stable, tandis que l'on dispose pour la clôture et la protection des locaux d'un grand nombre de nouveaux matériaux légers (Brunerie, Industr. alim., 1949, p. 149). 2. Spécialement a) MÉCAN. Équilibre* stable. b) MOYENS DE TRANSP. [En parlant d'un navire] Qui a la propriété de résister aux forces qui tendent à l'incliner transversalement (d'apr. Soé-Dup. 1906, s.v. stabilité). Un bateau qui n'est pas stable est volage (Merrien1958, s.v. stabilité).[En parlant d'un avion] Qui a la propriété de retrouver une assiette de vol normale après une modification inopinée. Hier, départ de New-York. L'avion Skymaster (le Shamrock) est plus petit qu'une Constellation, mais confortable et stable (Maurois, Journal, 1946, p. 235).[En parlant d'une automob.] Qui a une bonne tenue de route. Une voiture peu stable (GDEL). B. − [Avec une idée d'absence de variation] 1. [Dans le temps] a) Qui conserve ses caractéristiques initiales, qui est peu susceptible de transformations. Dangereux est l'oxyde de carbone (...) car il forme avec l'hémoglobine du sang un composé stable, jadis étudié par Claude Bernard, et sur lequel l'oxygène, à la pression normale, reste sans effet (E. Schneider, Charbon, 1945, p. 253). b) Spécialement − AGRIC., GÉOL. [En parlant d'un sol] Dont la structure résiste à l'action des agents de dégradation. Quand le complexe argilo-humique est floculé (par des ions Ca++par exemple), l'humus maintient autour de l'argile les ions floculants. Les agrégats sont solides et résistent à la dégradation par l'eau. La structure du sol est stable. Si le complexe argilo-humique n'est pas floculé ou si la floculation est instable (présence d'ions Na+et H+), l'argile et l'humus se dispersent en période pluvieuse. Les agrégats se défont. La structure du sol est instable (Lar. agric.1981, s.v. stabilité). − CHIM. Qui est dans ou proche de son état d'équilibre et ne peut être le siège d'aucune réaction spontanée (d'apr. Duval 1959, s.v. stabilité). Composé, corps, solution stable. Les liqueurs de sels ferriques sont moins stables que celles de sels chromiques, elles ne se conservent qu'à l'état très acide et concentré (Bérard, Gobilliard, Cuirs et peaux, 1947, p. 92). ♦ [En parlant d'un colloïde] ,,Qui ne flocule que sous l'influence d'une forte quantité d'électrolyte`` (Plais.-Caill. 1958). Il est nécessaire que la fraction minérale soit parfaitement mouillée par le liquide et capable de former une suspension colloïdale stable (Caillère, Hénin, Minér. argiles, 1963, p. 66).[En parlant d'une suspension de particules fines dans un liquide] Dont les particules ne décantent pas ou ne décantent que lentement dans les conditions de l'expérience (d'apr. Minéral. 1972). − MÉTALL. Acier stable. Acier qui conserve indéfiniment ses propriétés. (Dict. xixeet xxes.). − PHYS. NUCL. [En parlant d'un noyau ou d'une particule] Qui ne se désintègre pas spontanément (d'apr. Musset-Lloret 1964). − P. anal. Qui ne subit pas de changement. ♦ PYROTECHNIE. ,,Se dit d'une substance explosive qui ne s'altère pas spontanément`` (GDEL). ♦ BIOL. [P. réf. à l'invariance des espèces et du matériel génét.] N'est-il pas au pouvoir de l'homme de modifier, plus ou moins, certaines espèces végétales et animales, et d'y créer des variétés stables? (E. Boutroux, Contingence, 1874, p. 91).Le nouveau gène muté sera lui-même dorénavant tout aussi stable, réfractaire au changement, que celui dont il est issu (Cuénot, J. Rostand, Introd. génét., 1936, p. 56).Rare, empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. C'est toujours dans la direction de la Matière infiniment diluée, que Physique et Biologie regardent pour trouver l'Éternel et le Grand Stable (Teilhard de Ch., Phénom. hum., 1955, p. 298). ♦ MATH. Proposition stable. ,,Proposition telle qu'en modifiant assez peu les hypothèses on ne modifie qu'arbitrairement peu les conclusions`` (Lar. encyclop.). ALG. ,,Partie stable d'un ensemble E (pour une loi de composition donnée): partie de E telle que le composé de tout couple d'éléments de cette partie appartient encore à cette partie`` (Hachette 1980). 2. [Dans l'espace; avec une idée d'immobilité ou de sédentarité] a) [En parlant d'une pers.] Qui n'est pas mobile, qui ne change pas constamment ou fréquemment de lieu de résidence. Synon. sédentaire ; anton. errant, nomade.J'ai vu avec Penet un buste de Molière, au foyer de Louvois, qui m'a charmé (...) Me le procurer dès que je serai stable (Stendhal, Journal, t. 1, 1804, p. 167). − [P. méton.] Entre un nomadisme sans fin et sans but (...) et une fixité de séjour quelquefois stable pendant des années dans le même endroit de vacances. Certains optent pour un dépaysement continu et font de leurs vacances une sorte de film, d'autres sont charmés en s'installant là où les lieux finissent par leur devenir familiers (Defert, Pol. tour. Fr., 1960, p. 44). − En partic. [En parlant d'un emploi, p. méton. des pers. travaillant au sein d'une entreprise, d'une administration, etc.] Situation stable; main-d'œuvre, population stable. Mille francs et un emploi stable ici, si vous réussissez (Queneau, Pierrot, 1942, p. 120).À côté des chercheurs, les collaborateurs techniques constituent un personnel contractuel stable nommé, à tous les échelons, sans limitation de temps (Encyclop. éduc., 1960, p. 252). b) [En parlant d'un inanimé] − Qui ne bouge pas, ne se déplace pas. Étendue, position stable. Si l'écorce terrestre n'est qu'une enveloppe (...), il est impossible que la position de la croûte soit stable (Lapparent, Abr. géol., 1886, p. 95).Qu'elle [l'étendue] soit (...) extensible ou strictement stable et bornée (...) voilà qui ne m'empêchera pas de dormir (Arnoux, Visite Mathus., 1961, p. 239). − Fixe, immobile. Mais son regard demeurait stable, ne cillait pas, trouait l'air et la peau de cette femme, le mur de feuillage de la tonnelle (Arnoux, Juif Errant, 1931, p. 156). − P. ext. Qui n'est pas sujet à des variations, à des fluctuations. [Maritain] pense que l'art est un jeu dangereux, une caricature de la création, un casse-cou, et que la morale est stable, établie une fois pour toutes (Cocteau, Crit. indir., 1932, p. 22).Le propre de l'œuvre d'art, c'est qu'elle fixe la rêverie et donne à un monde toujours fuyant des contours stables (Maurois, Mes songes, 1933, p. 239). ♦ MUS., HARM. [En parlant d'une note, d'un accord] Qui crée une impression statique de repos. Tonalité stable. Si un accord dissonant peut être stable, un accord consonant, par contre, ne peut jamais être instable. En ce sens, la première proposition de l'ancienne conception (accord consonant = st.) reste valable, mais la seconde (accord dissonant = i.) ne l'est plus (Mus.1976, s.v. stabilité). C. − Au fig. 1. a) [En parlant d'une pers. ou d'un ensemble de pers.] Qui est constant dans sa conduite, dans ses idées. Synon. égal; anton. capricieux, changeant, inconstant, fantasque, lunatique.J'aurais voulu être plus stable et, oui, plus sérieux. J'ai des moments de frivolité ridicule, je veux dire que ma tristesse est souvent aussi frivole que ma joie (Green, Journal, 1935, p. 16).Les électeurs gardaient en gros leurs positions, ce qui est une caractéristique du corps électoral français extrêmement stable dans ses opinions (Vedel, Dr. constit., 1949, p. 306). − Empl. subst., PSYCHOL. Personne stable. Synon. équilibré; anton. caractériel, instable.L'anabolique est un bradypsychique, un lent et un stable (Mounier, Traité caract., 1946, p. 210). − [P. méton. ;] [en parlant d'un élément de la vie psychique ou morale, d'un trait de caractère, d'un état ou d'un attribut de la pers.] Constant, permanent. Caractère, pensée stable; habitudes, relations conjugales stables; être affectivement stable. Le sommeil est divin, mais peu stable, le plus léger choc le rend volatil (Proust, Prisonn., 1922, p. 126).Comme beaucoup d'acteurs, il [Guillaume II] avait peu de vie personnelle. Il se jetait tout entier dans chaque nouveau rôle et son seul trait stable était un besoin de s'étonner lui-même en étonnant les autres (Maurois, Édouard VII, 1933, p. 80). b) [En parlant de la société, des instit. soc., de la structure familiale] Qui repose sur un équilibre durable. Certains adultes restent perpétuellement fixés dans cette mentalité juvénile: incapables de passer du désir polygame à l'union stable, perpétuels opposants à toute affirmation et à toute règle, impatients d'originalité à tout prix (Mounier, Traité caract., 1946, p. 164).[L'ethnologie] découvrait dans des sociétés que l'on considérait autrefois comme stables et bien équilibrées, des phénomènes de tensions structurelles et des pannes de fonctionnement (Traité sociol., 1968, p. 412). − [P. méton.;] [en parlant de ce qui lie des individus, des groupes hum.] Un accord stable sur la paix ne peut être maintenu que par une association des nations démocratiques... Il s'agit de fonder une ligue d'honneur, une association d'opinion (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 88). − En partic. [Du point de vue du nombre des individus au sein de tels groupes] Dont le nombre ne varie pas ou varie peu. Un petit noyau plus stable s'était formé composé des comédiens amateurs (Queneau, Loin Rueil, 1944, p. 132).La coalition australienne entre le parti conservateur et le parti des campagnes engendre une majorité parlementaire plus stable que celle dont dispose le président des États-Unis (Traité sociol., 1968, p. 34). 2. [En parlant d'un inanimé] a) Qui reste au même niveau, à la même valeur; qui ne varie pas. Vous me faites l'honneur de me dire que cet état de choses ne vous paraît encore présenter rien de stable. Pardonnez-moi, Monsieur le Chevalier: il y a quelque chose de stable, c'est l'instabilité (J. de Maistre, Corresp., 1808, p. 33).L'impossibilité morale d'effectuer certaines actions militaires constitue un dissuasif au moins aussi puissant que toutes les menaces matérielles. C'est dire toute l'importance du niveau de la guerre froide. Le danger d'escalade. À chacun des niveaux, qu'il soit stable ou instable, plane la grande menace d'ascension du paroxysme atomique (Beaufre, Dissuasion et strat., 1964, p. 69). − Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Bornons-nous à dire que le stable et l'immuable sont ce à quoi notre intelligence s'attache en vertu de sa disposition naturelle. Notre intelligence ne se représente clairement que l'immobilité (Bergson,Évol. créatr.,1907,p. 156). b) Spécialement − ÉCON. Constant. Les postes de radio d'État, qui bénéficient d'un budget stable quel que soit le succès des émissions, peuvent choisir des programmes musicaux pour « Happy-Few » et contribuer à l'éducation musicale du plus grand nombre (Samuel, Art mus. contemp., 1962, p. 640): 2. La hausse des salaires réels et nominaux de 1952 à 1955 (en France et en Europe au moins) ne peut donc s'expliquer sans tenir compte de la baisse des coûts de fabrication, qui permet, dans un climat de prix stables au détail, de consacrer aux salaires une part des gains de conjoncture.
Univers écon. et soc., 1960, p. 44-15. ♦ [En parlant d'une monnaie] Anton. flottant.La baisse de la livre favorise la reprise des cours du cuivre et l'aluminium a de meilleures perspectives. Il n'empêche que le groupe [La Française des Ferrailles] reste très lié au phénomène dollar. Si celui-ci reste stable entre 6 F et 6,20, on peut espérer un retour à l'équilibre des résultats (Investir, 18-24 avr. 1987, p. 18). − POL. [En parlant d'un régime] Où les pouvoirs politiques se pondèrent, se contiennent mutuellement sans faire courir de risques de crises, de renversements de gouvernement. Mon récit se situe quelques décades seulement après l'institution du régime stable (Butor, Passage Milan, 1954, p. 181). ♦ [P. réf. à la pol. extérieure, dans le cont. des relations internat., de l'équilibre des forces stratégiques mondiales] Où prédomine l'équilibre des forces. La situation actuelle entre l'URSS et les États-Unis est dans la zone stable. Même entre la Grande-Bretagne ou la France et l'URSS, il n'est pas impossible de voir s'établir une sorte de stabilité relative (Beaufre, Dissuasion et strat., 1964, p. 38). − P. anal., MÉTÉOR. Air stable. ,,Masse d'air dans laquelle prédomine la stabilité hydrostatique`` (Organ. météor. mondiale, Vocab. météor. internat., Genève, 1966, p. 148). Atmosphère, région stable. Si l'atmosphère est stable dans son ensemble, il n'en est pas de même, à tous instants, de ses différentes parties; certaines deviennent momentanément instables; d'autres sont peu stables, enfin, quelques régions sont stables ou très stables (Delc.1926, s.v. stabilité). REM. 1. Stabile, subst. masc.,sculpt. [P. oppos. à mobile, dans l'œuvre du sculpteur Calder] Sculpture abstraite faite d'éléments métalliques en général, parfois colorée et fixée au sol. Le dispositif scénique de Nuclea, dont Calder avait imaginé la maquette et que Camille Demangeat s'était chargé de réaliser, était un « stabile » conçu selon une architecture en vide pour ainsi dire. Ses passerelles hardies jetées à travers la scène sur une forêt de pilotis, étageaient les différents plans de l'action, opposaient les personnages (Serrière, T.N.P., 1959, p. 77). 2. Stabilisme, subst. masc.,pol. ,,Immutabilité dans les institutions érigée en système`` (Quillet 1965). Prononc. et Orth.: [stabl̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1remoit. du xiies. estable « ferme, constant (en parlant de l'esprit) » (Psautier Cambridge, 50, 11 ds T.-L.); b) dr. 1238-39 estaule « durable, permanent » (Doc. ling. de la Fr., série fr., II Vosges, éd. J. Monfrin et L. Fossier, 3, 4: Et por ce qui ce soit chose estaule); 1240 estauble « id. » (ibid., 6, 25: Et por iceu que ces choses soient fermes et estaubles); 2. a) fin xiiie-déb. xives. stable « ferme, consistant (en parlant de la terre) » (Aimé du Mont-Cassin, Ystoire de ly Normant, éd. V. de Bartholomaeis, Dédicace, p. 4); b) 1523 stable « durable, permanent (en parlant d'un arbre) » (Parthenice Mariane, trad. J. de Mortières, 4b ds Rom. Forsch. t. 32, p. 166); c) 1577 stable « qui est dans une assiette ferme, solide (en parlant d'un édifice, etc.) » (R. Belleau, Reconnue, IV, 6); d) 1801 chim. combinaison stable (Berthollet, Instit. Mém. scienc., t. 3, p. 231 ds Littré); e) 1845 phys. équilibre stable des corps (Besch.). Empr. au lat.stabilis « stable, qui se tient droit, ferme, solide, durable », dér. de stare « se tenir debout, se tenir ferme ». Fréq. abs. littér.: 426. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 428, b) 293; xxes.: a) 494, b) 991. Bbg. Laurent (P.). Contribution à l'hist. du lex. fr. Romania. 1925, t. 51, pp. 44-45. |