| SPIRITUALISME, subst. masc. A. − 1. PHILOS., RELIG. Doctrine affirmant la spiritualité de l'âme, c'est-à-dire l'existence d'un principe spirituel, distinct et indépendant du corps; doctrine qui proclame la supériorité de l'esprit sur la matière, bien que son activité puisse en être dépendante. Anton. matérialisme.J'aperçus l'insuffisance de ce qu'on appelle le spiritualisme; les preuves cartésiennes de l'existence d'une âme distincte du corps me parurent toujours très faibles; dès lors, j'étais idéaliste, et non spiritualiste, dans le sens qu'on donne à ce mot (Renan, Souv. enf.,1883, p. 251).Le problème de la réalité tel que le posent le matérialisme et le spiritualisme consiste au fond dans la question de savoir avec quoi les choses sont faites; par exemple avec quoi la pensée est faite (G. Marcel, Journal,1914, p. 91). − En partic. [Avec valeur déterminative; formes partic. de cette doctrine] Spiritualisme + adj. ou subst. ♦ [Spiritualisme comme équivalent de dualisme et comme anton. de monisme] Spiritualisme dualiste, de Descartes. Spiritualisme qui admet deux sortes de substances, les unes matérielles, les autres spirituelles (d'apr. Goblot 1920). ♦ [Spiritualisme comme équivalent de idéalisme] Spiritualisme absolu, pur, métaphysique, ontologique. Doctrine qui affirme qu'il n'y a d'autre absolu que l'esprit. Selon le spiritualisme métaphysique, il n'existe que deux substances, entièrement distinctes: la matière, caractérisée par l'étendue et le mouvement; l'esprit, caractérisé par la pensée et la liberté. (...) l'esprit (...) est, en tant que force d'unification et source d'énergie, la seule réalité substantielle, dont dépendent finalement toute vie et toute matière. C'est le spiritualisme absolu (Thinès-Lemp.1975).Spiritualisme moral. Doctrine qui affirme la primauté de l'esprit sur la matière et a pour principe que les valeurs morales constituent la fin propre de l'activité humaine. Selon le spiritualisme moral, l'esprit étant créateur par essence, les valeurs morales sont produites spontanément par l'activité spirituelle, en dehors de toute causalité extérieure tant physique que socio-culturelle (Thinès-Lemp.1975).Spiritualisme psychologique. Spiritualisme qui a pour principe que les phénomènes psychiques ne se ramènent pas aux phénomènes physiologiques, mais sont des manifestations originales, des facultés de l'âme (d'apr. Thinès-Lemp. 1975). Spiritualisme de Berkeley, de Leibniz. Spiritualisme qui n'admet que des substances spirituelles (d'apr. Goblot 1920). Anton. spiritualisme dualiste (supra). 2. a) THÉOL. Doctrine affirmant outre la spiritualité de l'âme, la croyance à l'existence de Dieu et la reconnaissance de valeurs spirituelles ou morales auxquelles tend l'activité rationnelle de l'homme: 1. Le temps est l'éternité de Dieu, l'espace est son immensité; et le rigoureux spiritualisme, la foi religieuse de ces grands hommes ont beau protester contre l'intention de donner de l'étendue et des parties à la substance divine: la force de l'analogie les entraîne. Ainsi, quand Leibniz soumet à l'épreuve critique, tirée de son principe de la raison suffisante, les deux idées de l'espace et du temps, le résultat de l'épreuve est le même pour l'une et pour l'autre.
Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 216. b) Vx ou péj. Attitude générale, comportement de celui qui a tendance à vivre d'une vie spirituelle dégagée des sens, à placer la vie ou les biens spirituels au-dessus de tout; abus de spiritualité, mysticité. Ouvrages remplis d'un spiritualisme obscur (Ac.1835, 1878).Les amours où l'on ne met pas un peu de spiritualisme ne sont pas longs (Feuillet, Camors,1867, p. 198).Le faux spiritualisme d'une dévotion et d'un culte qui exileraient l'homme de ses biens et de ses besoins terrestres (Univers écon. et soc.,1960, p. 64-10). − P. anal., rare. [À propos de qqc.] Rien de plus éloigné du chaste et mystique spiritualisme de la cathédrale de Cologne, où presque aucun ornement ne rappelle la chair ni la figure de l'homme (Michelet, Journal,1833, p. 112). c) Domaine artist.(beaux-arts, litt., mus.).Mouvement artistique qui néglige la forme, l'imitation de la nature au profit de l'idée, de l'expression de l'idéal et du monde intérieur. Synon. idéalisme; anton. naturalisme, réalisme.Le spiritualisme dans l'art est une affreuse blague et (...) les préraphaélistes, que l'on fait des spiritualistes, étaient des réalistes rigoureux (Goncourt, Journal,1891, p. 88): 2. L'art arabe, dès lors, devint une science exacte, et permit d'enfermer la rêverie mystique dans le langage rigoureux de l'abstraction tout à fait nue. Le spiritualisme arabe, né du désert où il n'y a pas de formes, où l'étendue seule règne, ne commence et ne finit pas, trouvait ici son expression suprême.
Faure, Hist. art,1912, p. 260. B. − OCCULT. Synon. vieilli de spiritisme.Nouveau spiritualisme; spiritualisme expérimental. William Crookes fut privé, tout à coup, du concours de l'incomparable dame morte qui lui avait gracieusement accordé plusieurs séances de spiritualisme (A. France, Étui nacre,L. Wood, 1892, p. 134).Le 3 avril [1861], les spirites de Nantes et des environs s'étaient réunis, avec quelques amis sympathiques au spiritualisme pour célébrer la désincarnation du coordinateur des enseignements des Esprits, Allan-Kardec (Procès verbal, Fête du libre-penseur Allan-Kardec,1881, p. 2 ds Rey-Gagnon Anglic. 1980). Prononc. et Orth.: [spiʀitɥalism]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1. a) 1771 (Trév.: le spiritualisme est insensé. C'est la même chose qu'immatérialisme. Le systême du P. Mallebranche est une sorte de spiritualisme); b) 1835 « doctrine mystique, excès, abus de la spiritualité » (Ac.); 2. 1878 « spiritisme » (W. Crookes, Recherches sur les phénomènes du spiritualisme ds Mack. t. 1, p. 241). Dér. du lat. spiritualis « qui concerne l'âme, l'esprit » (v. spirituel); suff. -isme*. Le sens 2 est empr. à l'angl. spiritualism att. en 1853 (v. NED Suppl.2), dér. de spiritual (empr. à l'a. fr. spirituel*) au sens partic. de « esprit, être surnaturel » (1841 ds NED). Fréq. abs. littér.: 148. Bbg. Gorcy (G.). Cf. bbg. spiritualité. − Gordon (W. T.). A History of semantics. Amsterdam; Philadelphia, 1982, pp. 481-485. |