| SOUTERRAIN, -AINE, adj. et subst. masc. I. − Adjectif A. − 1. Domaine des sc. de la nature a) Qui se trouve sous terre. Gisement, gouffre, labyrinthe souterrain; caverne, cavité, galerie souterraine; eaux, formations, rivières, sources souterraines. Les lacs souterrains de la Carinthie (Michelet, Insecte, 1857, p. 236).V. aven ex. 2: ...au beau milieu de ces pauvres terres, s'élève une masse de grands arbres (...). Ils croissent là, sans doute à la faveur d'une nappe d'eau souterraine qui n'a pu remonter à travers le calcaire jusqu'à l'humus, mais que les racines profondes (...) ont dû atteindre après un siècle ou deux de pénétration.
Bosco, Mas Théot., 1945, p. 60. b) Qui pousse ou qui vit sous terre. Faune, flore souterraine; racine, tige souterraine. Passez au crible l'humus recueilli entre les radicelles où grouillent les insectes souterrains (Faure, Espr. formes, 1927, p. 196).H. Spandl donna en 1926 une liste des espèces aquatiques souterraines et Jeannel publia une Faune cavernicole de la France (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 688). 2. [En parlant d'une activité hum. ou animale, du résultat de cette activité] a) Qui se fait sous terre, qui se produit à une certaine profondeur sous la surface du sol. Activité, circulation souterraine; explosion souterraine. Lorsque le temps a miné, dans un antique édifice, le principe de la durée, le plus foible moteur, l'air, un son, peut-être les travaux souterrains d'un foible animal, déterminent l'instant de son entière ruine (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 120).Quand la hauteur des galeries le permet, le transport souterrain du charbon se fait à dos de mulets (E. Schneider, Charbon, 1945, p. 161). ♦ Stockage* souterrain. b) Qui est construit ou aménagé sous terre. Abri, cachot, canal, chemin, corridor, escalier, local, passage, temple souterrain; autoroute, casemate, chapelle, galerie, pièce souterraine. Aux églises monastiques de Sainte-Marie in Cosmedin, de Saint-Martin-des-Monts, etc. les cryptes sont assez étendues pour être de véritables églises souterraines (Lenoir, Archit. monast., 1852, p. 212).En France, un laboratoire souterrain dirigé par A. Vandel fut créé par le CNRS en 1954 dans la grotte de Moulis (Ariège) (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 688). − En partic. [En parlant d'un moyen de transp.] Dont les installations sont enterrées, qui circule sous terre. Une de leurs grandes parties était de pénétrer sur la voie du chemin de fer souterrain, établi dans le sous-sol (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 773).Pour ceux-ci [des transports en commun satisfaisants] on peut concevoir soit des supports propres n'empiétant pas sur les voies réservées à la circulation automobile (par exemple métro aérien ou souterrain), soit l'utilisation de la voirie existante (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 362). − Spécialement ♦ ÉLECTROTECHN. Câble souterrain. ,,Câble enterré, à un conducteur ou à plusieurs conducteurs réunis sous la même gaine d'étanchéité, employé pour le transport de l'énergie électrique ou pour les télécommunications`` (Siz. 1968, p. 38). Câbles télégraphiques souterrains. Les câbles [électriques] souterrains, en raison de leur souplesse, sont moins sujets à se détériorer que des tuyauteries métalliques par suite des mouvements invisibles du terrain et des boisages (Haton de La Goupillière, Exploitation mines, 1905, p. 670). ♦ MINES ET CARR. Exploitation souterraine. Exploitation reliée à la surface du sol par des voies de section réduite (d'apr. GDEL). Anton. exploitation à ciel* ouvert, à découvert.La limite économique d'une carrière à ciel ouvert est atteinte lorsque le prix du déblai par mètre cube est égal à la différence du prix du mètre cube entre l'exploitation souterraine et l'exploitation à découvert (J. Cahen, Bruet, Carrières, 1926, p. 60). 3. MYTH., RELIG. [En parlant d'un être surnaturel, d'une divinité] a) Qui demeure sous terre. Génie souterrain. Au commencement, leurs dieux [des Grecs] ne sont que les forces élémentaires et profondes de l'univers, la Terre maternelle, les Titans souterrains (Taine, Philos. art, t. 2, 1865, p. 346).C'est pourquoi, dans ces vers, accomplissant les vœux (...) je veux Dresser l'autel barbare aux Nymphes Souterraines (Heredia, Trophées, 1893, p. 83). b) Qui appartient aux enfers (v. enfer I A). Synon. chthonien.Les Grecs donnaient volontiers aux morts le nom de dieux souterrains. Dans Eschyle, un fils invoque ainsi son père mort: ô toi qui es un dieu sous la terre (Fustel de Coul., Cité antique, 1864, p. 16).Et tandis qu'il tombe, J'ajoute le troisième coup, rendant au souterrain Hadès qui est le gardien des morts ces grâces ! (Claudel, Agamemnon, 1896, p. 903). c) Qui appartient à l'enfer (v. enfer II A). Synon. infernal.L'apôtre les appelle [les anges déchus] les puissances souterraines et infernales (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 354). B. − Au fig., littér. 1. [En parlant d'un acte, d'une entreprise] Qui se fait clandestinement et souvent illicitement. Synon. clandestin, occulte.Intrigues, manœuvres, menées, pratiques souterraines. Qu'elle [notre armée] garde l'horreur des traîtres, des vilaines offres, des moyens souterrains d'avancer! (Michelet, Peuple, 1846, p. 144).Dans l'affaire Simon surtout, il [le père Philibin] semblait bien être le grand ouvrier caché, l'homme à qui ne répugnait aucune besogne, les basses, les souterraines, le politique sans dégoût (Zola, Vérité, 1902, p. 350). ♦ Employer des voies souterraines. Intriguer pour parvenir à ses fins. (Dict. xixeet xxes.). 2. [En parlant d'un fait psychique] a) Qui est tenu secret, qui est enfoui au plus profond d'un être. Synon. caché, dissimulé, intérieur, secret1.Mon vice à moi, il est muet et souterrain, il ne sort pas (Huysmans, Cathédr., 1898, p. 102).Durant un mois, le drame devenu souterrain disparut aux yeux de tous. Seuls, deux ou trois faits dessinèrent, comme des rides, le travail intérieur qui couvait sous les apparences normales (Estaunié, Ascension M. Baslèvre, 1919, p. 129). b) Dont on n'a pas une perception claire; en partic., qui relève de l'inconscient. Synon. imperceptible, inconscient.Par cette longue superposition d'échelons souterrains [les éléments dont nous n'avons pas conscience] le monde mental va rejoindre le monde physiologique (Taine, Dern. Essais crit. et hist., 1893, p. 101).Je voudrais montrer dans mon livre la progression pour ainsi dire souterraine de l'idée du crime chez Éliane. Elle se croyait douce et bonne, et elle découvre peu à peu qu'elle est violente et injuste (Green, Journal, 1931, p. 67). II. − Subst. masc. A. − 1. Vieilli. Lieu souterrain naturel ou artificiel. Le souterrain de Tournus est une église, le souterrain de Saint-Denis est un sépulcre, le souterrain de Heidelberg est une cave (Hugo, Rhin, 1842, p. 335).On tomberait en quelque galerie à demi éboulée, qui débouche dans une cave voûtée de pierres; souterrain où serrer le grain, lieu de refuge, terrier de paysans (Pourrat, Gaspard, 1930, p. 64). − ARCHÉOL. Souterrain(-)refuge. Abri aménagé sous terre. Nombreux sont en Europe, et en particulier en France, en Allemagne et en Autriche, ce qu'on appelle les « souterrains refuges » (...) qui datent d'époques relativement récentes, sans doute du Moyen Age (RachetArchéol.1983). 2. Passage souterrain naturel ou aménagé par l'homme. Souterrain humide, obscur, ténébreux; souterrain voûté; souterrains d'un château; entrée d'un souterrain; découvrir, explorer, visiter un souterrain. Ils ont, pour recevoir sûrement des secours Si quelque insensé vient heurter leurs citadelles, Trois souterrains creusés par les turcs infidèles (Hugo, Légende, t. 1, 1859, p. 189).Un souterrain partant du laboratoire menait à un garage secret (Queneau, Loin Rueil, 1944, p. 112). − En partic. Ouvrage souterrain destiné au passage d'une voie de communication ou d'une canalisation, ou réservé au stockage de certains produits. Elle s'en alla, par le tunnel, rôder jusqu'à la bifurcation de Dieppe. C'était une de ses promenades, ce souterrain long d'une grande demi-lieue (Zola, Bête hum., 1890, p. 216).Les souterrains dans lesquels circulent les chemins de fer métropolitains ne sont autre chose que des tunnels. Mais ils sont plus longs que les tunnels ordinaires et leur tracé est plus irrégulier (Albitreccia, Gds moyens transp., 1931, p. 72). 3. Loc. adj. ou adv. En souterrain. Sous terre. L'emploi des ciments à très forte dose de laitier pour les travaux en souterrain (Cléret de Langavant, Ciments et bétons, 1953,p. 86).Le minerai de fer − que l'on continue à exploiter en souterrain dans les mines de Lorraine (Univers écon. et soc., 1960, p. 8-10). B. − Au fig., vieilli. Intrigue, menée secrète. Il a fait fortune par des souterrains (Ac.1798).Les souterrains de la politique (Ac.1835, 1878). Prononc. et Orth. : [sutε
ʀ
ε
̃], fém. [-εn]. Ac. 1694, 1718: sousterrain; 1740: soû-; dep. 1740: sou-. Étymol. et Hist. 1. a) 1155 sozterrin subst. « lieu ou passage sous la terre » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 1390); b) fin xiies. sozterrin adj. « qui est sous terre » (Orson de Beauvais, 322 ds T.-L.); 2. a) ca 1160 sozterrain adj. « qui est sous terre » (Eneas, 2830, ibid.); 1599 souterrain (Hornkens, Rec. de dict. fr., esp. et lat.); b) ca 1165 sozterrain subst. « lieu ou passage sous la terre » (Troie, 26158 ds T.-L.); 1575 souterraine subst. fém. (Thevet, Cosmogr., III, 16 ds Hug.); c) 1546 fig. soubsterrain « caché » (Rabelais, Tiers Livre, éd. M. A. Screech, p. 19). Formé de sous-*, de terre* et de -in* puis -ain* sur le modèle du lat. subterraneus. Fréq. abs. littér.: 1 305. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 177, b) 2 103; xxes.: a) 1 463, b) 1 684. DÉR. Souterrainement, adv.a) Rare.
α) Par une voie souterraine. On ne pouvait arriver à cet endroit que souterrainement (Ac.1878).
β) Sous terre. Synon. en souterrain.Il aurait suffi que l'érosion, qui sur tant d'autres points a débarrassé les terrains primitifs de leur couverture sédimentaire, poussât un peu plus avant son œuvre pour que la liaison granitique qui existe souterrainement se poursuivît au grand jour (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 16).b) Au fig.
α) De façon clandestine et généralement illicite. Synon. clandestinement, occultement.La Congrégation (...) n'ayant pu obtenir le scandale espéré (...), reprenait souterrainement son œuvre de calomnie, tâchait d'empoisonner la situation nouvelle (Zola, Vérité, 1902, p. 14).
β) De façon cachée et imperceptible. Synon. imperceptiblement, secrètement.L'esprit protestant qui marchait souterrainement depuis les jansénistes, depuis Bayle, depuis les livres de Montesquieu (Faure, Hist. art, 1921, p. 114).− [sutε
ʀ
εnmɑ
̃], [-te-]. Att. ds Ac. 1878. − 1resattest. a) α) 1575 « par une voie souterraine » (Thevet, Cosmogr., XVIII, 9 ds Hug.),
β) 1832 « sous terre » (Raymond), b) fig. 1740-55 « secrètement » (Saint-Simon, Mém., éd. A. de Boislisle, t. 19, p. 10); de souterrain, suff. -ment2*. BBG. − Gohin 1903, p. 347. − Quem. DDL t. 25. − Wexler 1955, pp. 61-75. |