| SOURCILLEUX, -EUSE, adj. A. − Vx ou littér. Haut, élevé; imposant par sa taille, son aspect rébarbatif. Crête, gorge, montagne sourcilleuse; massif, mont, roc, sommet sourcilleux. Je remarque à Dieppe la même chose dans les rochers à fleur d'eau (...) j'y voyais des golfes, des bras de mer, des pics sourcilleux suspendus au-dessus des abîmes (Delacroix, Journal, 1854, p. 228).Les remparts d'Avignon, devant le palais abrupt, sévère et sourcilleux, qui a plus l'air d'un donjon carré de baron de rapine (...) que de la demeure du père de la chrétienté (Arnoux, Rhône, 1944, p. 305). B. − [En parlant d'une pers.] 1. Qui est hautain, sévère, prompt à manifester son mécontentement. On nous a tant fait Boileau sévère et sourcilleux dans notre jeunesse, que nous avons peine à nous le figurer ce qu'il était en réalité, le plus vif des esprits sérieux et le plus agréable des censeurs (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 6, 1852, p. 502).Il a dû exister (...), autrefois, pour la commodité des neveux, des tantes gentiment voltairiennes au fond de délicieuses maisons provinciales, entre une gouvernante dévote et un gros curé sourcilleux qui citait M. de La Harpe, M. de Saint-Pierre, ou M. Louis Racine, le fils (Bernanos, Mauv. rêve, 1948, p. 881). − [En parlant de la physionomie, d'un trait physique, du comportement de qqn] Qui témoigne d'un caractère hautain, sévère, sombre. Air, front, regard, visage sourcilleux. La figure de Tacite, à n'en juger que par ses seuls écrits, nous paraîtrait trop sourcilleuse et trop sombre, si elle n'était adoucie et comme éclairée par le sourire de Pline (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 2, 1850, p. 61).Ce qu'il avait saisi, ou plutôt imaginé de son état-civil, du passé de sa mère, le tenait dans une gêne absurde, ridicule, sourcilleuse (Rolland, Âme ench., t. 2, 1925, p. 227). 2. D'une exactitude pointilleuse, d'une minutie, d'un soin extrême. Synon. tatillon.[Racine] consultait La Fontaine; mais le juge intègre et sourcilleux, il le sentait bien, n'était pas encore là (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 474).Des rentiers, bourgeois et boutiquiers sourcilleux, pour qui toute offense, toute égratignure aux biens meubles ou immeubles (...) représentent le comble du sacrilège (Arnoux, Roi, 1956, p. 352). ♦ Sourcilleux sur qqc.Le sénéchal du roi d'Angleterre en Guyenne, messire Basset, d'autant plus sourcilleux sur son autorité que son nom prêtait à rire, commença à s'inquiéter de la forteresse (Druon, Louve Fr., 1959, p. 113). − [En parlant d'un comportement] Attention, pudeur sourcilleuse. Il a recommencé de me donner des conseils. Je n'ai pas un sens trop sourcilleux de la hiérarchie, pourtant il y a des points sur lesquels je me trouve plutôt sensible (Duhamel, Combat ombres, 1939, p. 62).Il venait toucher (...) avec l'exactitude sourcilleuse des vieillards, le revenu des dotations (Druon, Loi mâles, 1957, p. 26). REM. Sourcilleusement, adv.D'une manière sourcilleuse; avec arrogance, sévérité. Ils apportent et disposent devant leur assiette, à table, une foule de flacons, de tubes et de boîtes dont ils se partagent sourcilleusement le contenu (Duhamel, Nuit St-Jean, 1935, p. 172). Prononc. et Orth.: [suʀsijø], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1552 « à qui les sourcils élevés donnent un air sévère » face sourcilleuse (Eugene, prol. ds Gdf. Compl.); 2. id. « haut, élevé » (Ronsard, Odes, V, 10, 36, éd. P. Laumonier, t. 3, p. 172); id. au fig. (Du Bellay, Inventions de l'autheur, 191, éd. H. Chamard, t. 4, p. 173: Quel esprit tant sourcilleux Contemplant la Thebaïde, Ou le discours merveilleux De l'immortelle Eneïde, Se plaint que de ces autheurs Les poëmes sont menteurs?); 1556 vers sourcilleux (Ronsard, Nouvelle Continuation des Amours, t. 7, p. 227, 48). Empr. au lat.superciliosus « renfrogné, rébarbatif », dér. de supercilium « sourcil », avec infl. de sourcil*; on rencontre la forme supercilieux « revêche » en 1477 chez J. Molinet, Les Faictz et Dictz, éd. N. Dupire, I, 93, 21. Fréq. abs. littér.: 86. |