| SOULIER, subst. masc. A. − 1. Chaussure à tige basse et à semelle rigide qui couvre le pied ou une partie du pied. Ses forts souliers se nouaient avec des cordons de cuir (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 20).Sa misère se voyait surtout à ses souliers crevés (Gide, Nouv. Nourr., 1935, p. 262).V. cordonnier A ex. de France, décolleté II B ex. de Theuriet, lanière ex. de Beauvoir. SYNT. Souliers éculés, neufs, usagés; souliers brillants, cirés, graissés; souliers boueux, crottés, poussiéreux; souliers confortables, étroits; souliers épais, minces; souliers cloutés, ferrés, fourrés, imperméables; souliers habillés; souliers pointus; souliers blancs, gris, jaunes, marron, noirs; souliers vernis; fins, gros souliers; souliers à boucle(s), à bride(s), à hauts/petits talons; souliers d'enfant, de femme; souliers d'été, d'hiver; souliers de bal, de marche; souliers de satin, de soie; souliers en crocodile, en cuir, en daim; brosse à soulier; cambrure, empeigne, semelle, talon d'un soulier; paire de souliers; cirer, essuyer, frotter des souliers; acheter, choisir, vendre des souliers; mettre, placer son soulier dans la cheminée*; renouer le lacet de son soulier. Rem. Le subst. chaussure, pris dans une accept. restreinte, remplace le plus souvent soulier dans l'usage courant. − Soulier bas. Synon. de chaussure basse ou tige basse (v. bas1I A 1).L'air est chargé (...) de moustiques. C'est aux jambes particulièrement que ces derniers s'attaquent; aux chevilles que ne protègent pas les souliers bas (Gide, Voy. Congo, 1927, p. 708). − Soulier haut. Soulier à talon haut. Elle avait la taille bien prise (...), des souliers hauts, l'air (...) d'une gamine qui devient une jeune fille (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p. 216). − Soulier plat. V. plat1I A 2.[P. allus. à la fable de La Fontaine, La Laitière et le Pot au lait] Mon imagination s'obstine à la voir en cotillon simple et souliers plats, détalant à la foire (M. de Guérin, Corresp., 1837, p. 281). − Soulier Richelieu. Soulier bas à lacets. Souliers Richelieu veau jaune, talons pour dames (L'Écho de Paris, 2 juill. 1894, p. 4 ds Quem. DDL (t. 14, s.v. richelieu)). − Vieilli. Soulier en chausson, ou, en compos., soulier-chausson. Soulier pourvu d'une simple semelle. Le Sous-Chef portait le matin un pantalon à pied, des souliers-chaussons (Balzac, Employés, 1837, p. 86). − HIST. DU COST. [Au Moy. Âge] Soulier à (la) poulaine*. Soulier camus. Soulier à bout large et aplati. Aux souliers à pointe, dits à poulaine, succédèrent très-rapidement, ainsi que la mode procède dans ses excès, les souliers camus (Laborde1872). 2. Expr. et loc. verb. a) HIST. [P. réf. au refus de Danton de s'enfuir lorsqu'il fut menacé pendant la Terreur] On n'emporte pas la patrie* à la semelle de ses souliers. b) Loc. verb.
α) Vieilli. Mettre ses souliers en chaussons, en pantoufles, en savates. Ne pas enfiler complètement ses souliers; chausser des souliers en rabattant le quartier sous le talon. Cet enfant met toujours ses souliers en pantoufles (Raymond1832).
β) Au fig. − Fam. Être dans ses petits souliers. Être mal à l'aise, se trouver dans une situation embarrassante. Pendant que votre comtesse riait, dansait (...), elle était dans ses petits souliers (...) en pensant à ses lettres de change protestées, ou à celles de son amant (Balzac, Goriot, 1835, p. 59).Il était dans ses petits souliers et parla au brigadier de gendarmerie trois jours à l'avance (Pourrat, Gaspard, 1925, p. 65). − Littér. Ne pas être digne de délier, dénouer les cordons des souliers de qqn. V. cordon I A 1 a. − Vieilli ♦ Mettre son/ses pied(s) dans tous les souliers, être toujours dans les souliers de tout le monde. S'occuper de ce qui ne vous regarde pas, s'immiscer partout. Il intriguait en tout temps, en tous lieux, de toutes manières et avec tous. (...). Toujours dans les souliers de tout le monde (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 476).Mettre ses pieds dans les souliers de qqn. Intervenir dans les affaires de quelqu'un. J'ai pensé du premier coup: « Celui-là ne mettra pas longtemps ses pieds dans les souliers du curé de Mégère, sûr » (Bernanos, Crime, 1935, p. 816). ♦ Mourir dans ses souliers. Mourir en pleine activité; p. ext., mourir de façon soudaine, généralement d'une mort non naturelle. Synon. mourir debout*; anton. mourir dans son lit*.Quand on a (...) l'habitude du grand air, il n'y a rien de tel que de mourir dans ses souliers, comme disent nos gens de village (Mérimée, Colomba, 1840, p. 173). ♦ Ne pas avoir de souliers. Être dans un complet dénuement. Et l'on fait payer les émeraudes Des tiares à ceux qui n'ont pas de souliers (Hugo, Légende, t. 3, 1877, p. 280). ♦ Ne pas considérer qqn plus que la boue de ses souliers; ne pas faire plus de cas de qqn que de la boue de ses souliers/qui est sous ses souliers; mépriser qqn comme/plus que la boue de ses souliers. Mépriser profondément quelqu'un. Tu veux retourner chez ton M. Rênal, qui te méprise comme la boue de ses souliers! (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 74).Après tout, ils pouvaient bien dire ce qu'ils voulaient, elle ne les considérait pas plus que la boue de ses souliers (Zola, Nana, 1880, p. 1293). ♦ Ne pas se soucier de qqn/qqc. non plus que de ses vieux souliers; se soucier de qqn/qqc. comme de ses vieux souliers. Se moquer complètement de quelqu'un/quelque chose. Synon. fam. se soucier, se moquer de qqn/qqc. comme d'une guigne (v. guigne1B).Je ne m'en soucie non plus que de mes vieux souliers (Ac.1835, 1878). ♦ Secouer la poussière* de ses souliers. B. − BOT. Soulier de Notre-Dame. Synon. rare de sabot* de la Vierge, de Vénus. (Dict. xixes., Rob. 1985). Prononc. et Orth.: [sulje]. Avec la réduction du groupe consonantique, [suje] (ds Martinet-Walter 1973). Att. ds Ac. dep. 1694. Fér. Crit. t. 1 1878: ,,Quelques-uns écrivent soulié``. Étymol. et Hist. 1. Déb. du xiiies. [date du ms.] soulier « chaussure qui couvre tout le pied ou seulement une partie » (Chrétien de Troyes, Chevalier charrette, éd. W. Foerster, 3118, var. ms. Escurial M. iii. 21); 2. loc. 1808 être mal dans ses petits souliers « avoir une maladie; être dans une situation embarrassante » (Hautel); 1835 être dans ses petits souliers « être dans l'embarras » (Balzac). Mot issu, par substitution de suff. de l'a. fr. sol(l)er « soulier » (dep. ca 1160, Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 4026), lequel est issu du b. lat. subtelaris (att. au viies. chez Isidore de Séville) (s.-ent. calceus), dér. du b. lat. subtel « creux sous la plante du pied »; il désignait probablement une chaussure qui ne couvrait pas le dessus du pied. La forme soler est encore très vivante dans les dial. wall., pic., norm. et lorr., ainsi qu'en fr.-prov. (FEW t. 12, p. 362b et 363). Fréq. abs. littér.: 2 411. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 237, b) 4 572; xxes.: a) 3 731, b) 3 650. Bbg. Quem. DDL t. 14 (s.v. soulier Richelieu), 16 (id.), 27 (s.v. souliers à grimper), 33 (s.v. soulier à bouffette; soulier du matin). |