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SOULAGER, verbe trans.
I.
A. − Soulager qqn, un animal (de qqc.).Décharger un être animé d'un fardeau qu'il porte, le dispenser d'un effort, lui épargner de la fatigue. Soulager une bête de somme. Pour mes parents, c'était la fin d'une étape où je n'avais servi à rien. Maintenant, j'étais utilisable. Mes deux bras allaient soulager les autres bras (Debatisse,Révol. silenc., 1963, p. 21).
En partic., pop. Voler. Soulager qqn de son portefeuille. Il savait le propriétaire absent avec sa famille et ses domestiques (...). Des gens très riches, donc, en les soulageant de quelques bibelots, on ne leur ferait aucun tort véritable (Bourget,Conflits int., 1925, p. 226).
B. − Soulager qqc. de qqn.Soulager les inquiétudes, le cœur, la mémoire de qqn. C'était une innovation soufflée par la jeune fille à Mouret, des femmes de service chargées de porter les articles, ce qui soulageait la fatigue des vendeuses (Zola,Bonh. dames, 1883, p. 779).
C. − Au fig. Soulager qqn (de qqc.)
1. Délivrer quelqu'un d'une souffrance physique ou morale, rendre celle-ci plus supportable. Anton. accabler.Le diagnostic d'ictère d'origine cancéreuse étant porté, il faut essayer de soulager le malade par une opération chirurgicale. À l'intervention on découvre la tumeur pancréatique qui a pu déjà métastaser dans le péritoine ou le foie (Quillet Méd.1965, p. 154):
Nous allons examiner le traitement des deux autres espèces d'asthme, savoir l'asthme humide et l'asthme sec; mais auparavant nous indiquerons les moyens de soulager les asthmatiques pendant l'accès, en sorte que le traitement de l'asthme se trouvera divisé en trois parties. Geoffroy,Méd. prat., 1800, p. 131.
2.
a) Libérer d'un poids, d'un souci, d'un remords. Remarquant dans tout homme de guerre quelque chose d'ouvert et de noblement dégagé, je pensai que cela venait d'une âme reposée et soulagée du poids énorme de la responsabilité (Vigny,Serv. et grand. milit., 1835, p. 65).Divers éléments travaillistes se demandaient (...) si De Gaulle et ses compagnons ne donnaient pas dans le fascisme. Je vois encore M. Attlee entrer doucement dans mon bureau, solliciter les assurances propres à soulager sa conscience de démocrate, puis, après m'avoir entendu, se retirer en souriant (De Gaulle,Mém. guerre, 1954, p. 199).
b) Diminuer les charges qui pèsent sur quelqu'un. Arrangement conventionnel, qui soulage l'esprit (Alain,Propos, 1921, p. 322).
c) Aider quelqu'un qui est malheureux, qui est dans le besoin. Autrefois, en France, les femmes étaient des lumières bienfaisantes, elles vivaient pour soulager ceux qui pleurent, encourager les grandes vertus, récompenser les artistes et en animer la vie par de nobles pensées (Balzac,Langeais, 1834, p. 257).Il soulageait les misères, tâchait de regrouper les prisonniers, ramassait le manger qu'on jetait (Van der Meersch,Invas. 14, 1935, p. 165).
Empl. pronom. Se libérer de ce qui opprime, de ce qui pèse. Elle l'accabla, elle se soulagea, en lui jetant à la face tout ce qu'elle répétait contre elle, depuis un mois (Zola,Germinal, 1885, p. 1331).Que Tim, que Siné, que Jean Effel se soulagent enfin de toute la haine dont ils débordent à l'égard de ce qui, de leur point de vue, est en effet haïssable (Mauriac,Nouv. Bloc-Notes, 1960, p. 407).
D. − Loc. verb. Soulager son ventre (vieilli), se soulager, verbe pronom., fam. Satisfaire un besoin naturel. Elle donne de curieux détails sur son voyage à travers l'Allemagne du nord, en 1798. L'a frappée, entre autres choses, l'affreuse puanteur de ce pays où l'on se soulageait partout et n'importe où, dans les rues comme dans les champs, sans pudeur aucune (Green,Journal, 1953, p. 224).
II. − Soulager qqc. (de qqc.)
A. − TECHNOL. Décharger, diminuer le poids, l'encombrement. Pour soulager les attaches des supports de fermes on a été conduit dans un grand nombre de locomotives à prolonger une partie des boulons de ferme jusqu'à la tôle de berceau de boîte à feu (Herdner,Constr. et conduite locomot., t. 1, 1887, p. 102).Pour le remplacement de ce type de coussinet, le processus est le suivant: démonter le chapeau du palier, enlever le coussinet supérieur; soulager ensuite la transmission à proximité du palier à visiter (Ambroise,Monteur mécan., 1949, p. 33).
CONSTR. Diminuer l'effort, la pression, la charge; en partic., ,,répartir sur plusieurs points d'appui le poids d'une construction ou d'un élément de construction`` (Noël 1968). Soulager une poutre, un plancher.
B. − MARINE
1. Soulever, lever. D'après son ordre [du capitaine Nemo], le bâtiment fut soulagé, c'est-à-dire soulevé de la couche glacée par un changement de pesanteur spécifique (Verne,Vingt mille lieues, t. 2, 1870, p. 189).Lorsque, renforcé par une série d'élingues, nous parvenons à le soulager un peu hors de l'eau, je fais passer le grand canot au-dessous et on y laisse retomber le chalut (Charcot,« Pourquoi-Pas? », 1910, p. 336).
Soulager l'ancre. ,,La rentrer`` (Le Clère 1960).
Empl. intrans. On a cru qu'il se relèverait jamais [le bateau couché à plat par le vent]. Et puis, sitôt qu'il est venu à soulager, nous autres à monter dans les haubans pour serrer la toile (Chevrillon,Bret. hier, i, 1925, p. 161).
2. Soulager un navire. On soulage un navire échoué, dont les fonds fatiguent, en débarquant une partie de la cargaison (Le Clère1960).
3. Soulager un navire, un mât, une voile. Diminuer sur un navire, un mât, une voile qui sont soumis à un vent trop fort, l'effet de l'impulsion de celui-ci, soit en orientant ou disposant la voilure d'une façon différente, soit en changeant la direction du cap (d'apr. Gruss 1978).
Prononc. et Orth.: [sulaʒe], (il) soulage [-la:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1461 « débarrasser, décharger de quelque chose qui grève, qui pèse » (Ordonnance de Louis XI (donnée à Meung-sur-Loire) ds Ordonnances des rois de France, t. 15, p. 120: pour soulager les habitans et subjetz d'iceux pays et duché); b) ca 1485 (Mystere Vieil Testament, éd. J. de Rothschild, 10635: Or le veuille tousjours Dieu soulager Et maintenir en sa prosperité); c) ca 1485 « rendre quelque chose moins pesant » (ibid., 37448: Et n'y a nulluy qui soullage sa tres cruelle passion); d) 1690 soulager un vaisseau, soulager un plancher trop chargé (Fur.); e) 1757 (A.-J. Pernéty, Dict. portatif de peint., sculpt. et grav.: Soulager la main, en termes de gravûre en taille-douce, signifie la même chose qu'alléger); 2. 1835 pronom. « satisfaire un besoin naturel » (Ac.); 3. arg. a) 1851 « assassiner quelqu'un » (P. Tarbé, Rech. sur l'hist. du lang. et des pat. de Champagne, t. 2, p. 227); b) 1866 « alléger la poche de son voisin de la montre ou de la bourse qu'elle contenait » (Delvau). On considère traditionnellement soulager comme une réfection, sous l'infl. de soulas* (et avec substitution de -a- à -e-) de l'a. m. fr. suslegier att. d'abord au sens de « jeter à la mer une partie de la charge d'un navire (dans une tempête) » (ca 1175, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 1873) puis au sens de « délivrer quelqu'un d'un fardeau (domaine moral principalement) » jusqu'au xvies. (v. T.-L., Gdf. Compl. et Littré), suslegier étant issu du lat. *subleviare, altér. du class. sublevare « soulever », sur le modèle de alleviare « alléger*, soulager ». On peut noter cependant que suslegier a été d'un empl. relativement limité, se trouvant princ. dans des textes de l'Ouest; d'autre part certaines attest. de soulagier données par T.-L. (s.v. soslegier) sont prob. à considérer comme des var. dial. de solacier « donner du soulas, distraire, réconforter (v. soulas et soulasse) », proche de l'aire sém. de soulager (Chevalier deux espees, 3371 et Herbert de Dammartin, Foulque de Candie, 38; cf. également solager ds Lancelot, éd. Micha, t. 8, p. 118 alors que l'éd. E. Kennedy, t. 1, p. 350 a la leçon solacer). On peut invoquer également l'infl. de l'a. m. fr. assouagier « adoucir, apaiser, réparer, soulager » (bien att. du xiies. à Palsgr. 1530, v. FEW t. 12, p. 325; cf. Isopet I, éd. J. Bastin, t. 2, p. 232: s'asouaige au lieu de la soulage donnée par T.-L.). Fréq. abs. littér.: 1 766. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 296, b) 2 856; xxes.: a) 3 059, b) 1 277. Bbg. Sain. Arg. 1972 [1907] p. 126, 248.