| SOUDAIN, -AINE, adj. et adv. I. − Adj., littér. A. − 1. [En parlant d'un phénomène] Qui survient de manière brusque et inopinée. Synon. instantané, subit; anton. lent, progressif.Bruit, contraste, coup, froid, mal, mouvement, réveil, vent soudain; douleur, éruption, illumination, maladie, manifestation, mort, peur soudaine. Un bruissement soudain passe au-dessus de l'eau − une troupe d'alcyons qui volent trop vite pour qu'on ait le temps de les entrevoir, dans la brume (Farrère,Homme qui assass., 1907, p. 249).Ils comptaient compenser l'infériorité du nombre par l'irrésistible élan d'une attaque soudaine (France,Révolte anges, 1914, p. 393). − Fréq. antéposé. Un soudain déclic de métal faucha comme un andain de silence, et un hurlement qui ne tenait plus de la vie sembla jaillir du néant (...). La bête était prise (Pergaud,De Goupil, 1910, p. 89). − Rare, en empl. subst. Un barrage d'obstination douce et tenace à l'inattendu, au soudain, à l'ailleurs (Gracq,Syrtes, 1951, p. 46). 2. [P. méton.;] [en parlant d'un agent] Qui agit, qui se manifeste avec soudaineté. Nous remarquions, sur tout le parcours, les mines tendues, irritées, de ce peuple laborieux et confiant, mobile et méfiant, soudain et même subit qu'est le peuple (...) de Pantruche (L. Daudet,Temps Judas, 1920, p. 254). B. − Vx. Qui agit, qui se meut avec rapidité. Synon. rapide.M. Ponsard (...) est devenu le lion soudain et ardent de ce mois de mai. On se l'arrache, il dîne en ville (Sainte-Beuve,Corresp., t. 5, 1843, p. 129).De quelle haine cette plante [l'aconit] ne fut-elle pas poursuivie par nos ancêtres qui la croyaient née de l'écume de Cerbère et la qualifiaient du plus soudain des poisons! (Huysmans,Oblat, t. 2, 1903, pp. 133-134). II. − Adverbe A. − Tout à coup, sans signe avant-coureur. Synon. brusquement, brutalement, inopinément, subitement; anton. lentement, peu à peu, progressivement.Vers le milieu de la nuit, je m'éveillai soudain (Alain-Fournier,Meaulnes, 1913, p. 49).Le gaz fusait en susurrant: il s'alluma soudain, avec une explosion légère; un long pinceau blafard jaillit, transperça brutalement les ténèbres (Genevoix,Raboliot, 1925, p. 249). − [Soudain est en tête d'un énoncé qui contraste avec un autre ou s'oppose à lui] Et elle regarda le nouveau venu, sur le visage duquel tombait d'aplomb la lumière d'une lampe placée sur la cheminée. Soudain Jeanne poussa un cri (...). Jeanne avait reconnu M. le marquis don Inigo de Los Montes (Ponson du Terr.,Rocambole, t. 3, 1859, p. 501). ♦ [Soudain est précédé d'une conj. de coord. (et, mais...), d'une conj. de sub. (lorsque, quand...) ou d'un présentatif (voici, voilà)] De dépit la voilà soudain qui s'agenouille Devant l'image d'une Vierge à la quenouille Qui se trouvait là (Verlaine,
Œuvres compl., t. 1, Jadis, 1884, p. 383).Le regard de Suzanne voletait d'une enveloppe à l'autre quand, soudain, la jeune femme reconnut l'écriture de Vidame (Duhamel,Suzanne, 1941, p. 78). ♦ [Après soudain en tête de phrase, on rencontre souvent l'invers. du suj. subst.] Soudain parut la tête, ronde, petite, et les cheveux blonds, serrés par un ruban couleur chevreuil (Duhamel,Suzanne, 1941, p. 33). ♦ [Soudain accompagne un verbe au passé simple qui, décrivant un changement, une rupture, s'oppose à un verbe à l'imp. qui marque une durée] Un brouhaha qui durait se transforma soudain en clameur (Aragon,Beaux quart., 1936, p. 320). − [En cont. ell.] Soudain, grêle de 75. L'artillerie française a enfin compris qu'il se passait sur le front des événements qui pouvaient l'intéresser. On se sent tout de même soulagé (Romains,Hommes bonne vol., 1938, p. 71). B. − Vieux 1. Tout soudain.Aussitôt. Et, tout soudain, une clameur sauvage: « iaha! » le signal! le signal! la chasse est ouverte! elle commence! (Maran,Batouala, 1921, p. 166).Entre le prêtre et le pénitent, il y a toujours un troisième acteur invisible qui parfois se tait, parfois murmure, et tout soudain parle en maître (Bernanos,Soleil Satan, 1926, p. 223). 2. Soudain que.Aussitôt que, dès que. Il avait fait arrêter son carrosse à trois maisons de la nôtre, attendant la réponse, laquelle soudain qu'il l'eut entendue, il fit marcher son carrosse, et depuis je n'entendis plus parler de lui (Nerval,Filles feu, Angélique, 1854, p. 549). Prononc. et Orth.: [sudε
̃], fém. [-εn]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1remoit. du xiies. adj. « qui arrive, se produit en très peu de temps » (Psautier Cambridge, 63, 7 ds T.-L.: sudein); b) 1487 adv. « aussitôt, sur-le-champ » (Vocab. lat.-fr., Genève, Loys Garbin d'apr. FEW t. 12, p. 335a); 2. a) fin xives. adj. « vif, qui agit promptement » (Froissart, Chron., éd. S. Luce, t. 4, p. 176); b) 1541 adv. tout soudain « brusquement et de façon inattendue » (Cl. Marot, Dialogues de deux Amoureux, 195 ds
Œuvres lyriques, éd. C. A. Mayer, p. 376). Du b. lat. subitānus (ves., v. FEW t. 12, p. 335a), issu du lat. class. subitāneus « soudain, subit », dér. de subitus « id. », v. subit. Fréq. abs. littér.: 8 829. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 802, b) 4 675; xxes.: a) 15 273, b) 22 616. Bbg. Alonso (D.). Etimologías hispánicas. Revista de filología española. 1943, t. 27, p. 38, 40. |