| SOU, subst. masc. A. − 1. HIST., NUMISM. a) Ancienne unité monétaire, de valeur variable selon les pays et les époques. En 1536, sous François 1er, le prix du setier étant de 3 livres 1 sou 11 deniers (Say,Écon. pol., 1832, p. 337). b) P. méton. Pièce de monnaie correspondant à cette unité monétaire, à l'origine d'or puis d'argent, enfin de métal, et valant en France un vingtième de l'ancienne livre, soit douze deniers. Synon. vx sol (infra rem. 2).La valeur âprement apprise de chaque pièce, le liard, le sou, l'écu, et le beau double-louis d'or lourd à la fin (Claudel,Otage, 1911, I, 1, p. 228).Les enfants des écoles ont donné tous les sous de leur tirelire pour la couronne (Anouilh,Antigone, 1946, p. 188).P. métaph. Le premier sourire de ma chambre d'enfant m'inonde de larmes. Larmes claires comme ce rayon qui danse en sous d'or aux vitres (Colette,Cl. ménage, 1902, p. 259). ♦ Sou tournois. Au Moyen Âge, pièce de métal précieux valant douze deniers. Sou parisis. Pièce de métal précieux valant quinze deniers. Les conseillers au parlement recevoient cinq sous parisis par jour de service (Chateaubr.,Disc. et opin., 1826, p. 59). ♦ Sou marqué. Pièce de cuivre valant quinze deniers. On gage un écu de six livres contre un sou marqué que tu ne changerais pas ta caque pour la mienne? (Cladel,Ompdrailles, 1879, p. 175). − Loc. verb. fig., pop., vx. Faire de cent sous quatre livres et de quatre livres rien. Gaspiller son temps. P. anal. Ne vaut-il pas mieux avoir un pied à terre chez ta fille (...) et vivre huit mois de l'année à Chinon, que de commencer ici à faire de cinq sous six blancs, et de six blancs rien (Balzac,C. Birotteau, 1837, p. 14). 2. a) [En France, dep. l'adoption du système décimal, à la Révolution, jusqu'en mars 1947 où les pièces de monnaie de cette valeur ont été retirées de la circulation] Unité monétaire minimale valant un vingtième de l'ancien franc (antérieur au premier janvier 1960), soit cinq centimes. Synon. pop. rond2.Pièce, billet de cent sous; pièce de dix sous, de vingt sous, de quarante sous; pain d'un sou, de deux sous; (x) sous de pourboire; gagner, payer (x) sous par jour; donner (x) sous à qqn. Elle (...) acheta une enveloppe d'un sou (Montherl., J. filles, 1936, p. 984): M. Dupuy faisait démontrer (...) ce problème: un ouvrage coûte sept livres, quatre sous, trois deniers la toise; l'ouvrier en a fait deux toises, cinq pieds, trois pouces. Combien lui revient-il?
Stendhal,H. Brulard, t. 1, 1836, p. 260. ♦ Arg., pop. Pièce de dix sous. V. pièce I A 4. − Loc. verb. pop., fam. ♦ Valoir (x francs) comme un sou. Valoir largement, amplement (cette somme). Cette maison vaut cent mille francs comme un sou (Lar. 19e). Trop cher? Cela [une potiche] vaut deux mille francs comme un sou (Maupass.,Contes et nouv., t. 1, Avent. paris., 1881, p. 764). ♦ S'ennuyer, s'embêter à cent sous de l'heure. V. heure I A 1 c β loc. − [Avec une valeur d'intérêt, de taux] ♦ DR., vx. Au sou la livre. (Ds Ac. 1798-1878). Synon. au marc le franc (v. marc1A dr.). ♦ Sou du franc. Ancienne coutume consistant en la remise d'un sou par franc d'achat, consentie par les commerçants aux économes, aux domestiques chargés des achats de nourriture. Il n'y avait jamais eu chez nous de domestiques si corrompus qui n'eussent vite modifié, épuré leur conception de la vie jusqu'à ne plus toucher le « sou du franc » (Proust,Guermantes 2, 1921, p. 321). ♦ Le sou pour livre, par livre (vx). Les quatre bourses de la cuisinière (...) la bourse du sou pour livre, la bourse de la gratte ou des profits de la halle, et la bourse de l'anse du panier (Goncourt,Sœur Philom., 1861, p. 83). − Sous de poche (vx). Argent de poche. Il y avait surtout, cette année-là, un certain nougat blanc où passèrent tous les sous de poche du collège (MmeV. Hugo, Hugo, 1863, p. 124). − Région. (Canada). Sou (noir). Unité monétaire valant un centième de l'ancienne piastre ou du dollar. Vigilante et économe, elle usait son linge à la corde et n'employait jamais un sou à des frivolités (Guèvremont,Survenant, 1945, p. 27). b) P. méton. Pièce de monnaie de métal vil correspondant à cette unité monétaire et valant cinq centimes anciens. Jetant de temps en temps une épigramme comme on fait un ricochet sur l'eau avec un sou (Barb. d'Aurev.,Memor. 1, 1837, p. 117).À Sérianne ses parents lui gardaient les sous neufs qui sont tout dorés (Aragon,Beaux quart., 1936, p. 386). ♦ Petit sou. Pièce de cinq centimes anciens. « Un petit sou, monsieur, s'il vous plaît! » Voilà ce que m'a chanté, au retour de ma course, un petit Savoyard arrivé tout juste à Reims (Chateaubr.,Mém., t. 3, 1848, p. 264).V. livre2B 4 ex. ♦ Gros sou. Pièce de dix centimes anciens. Synon. décime, patard (vx, pop., fam.).J'avais fait une provision de gros sous, et nous dansions presque sans arrêt. Chaque air y passait à son tour (Romains,Hommes bonne vol., 1939, p. 139). − Loc. Être propre, net, luisant comme un sou neuf, comme un sou (vieilli); briller comme un sou neuf. V. neuf2I A 2 et propre2A 5 a. 3. P. ext. Pièce de monnaie quelconque. Zut, je n'ai plus de sous pour faire l'appoint. Des sous et des billets (Rob. 1985). − Vx ou région. (Québec). Sou blanc. Pièce d'argent. Excellent prétexte (...) à rendre une monnaie fantaisiste, où les sous blancs de Suisse comptent pour cinquante centimes (A. Daudet,Tartarin Alpes, 1885, p. 117).On y reçoit une grosse poignée de sous noirs, mais aussi des blancs. Pensez donc, des cinq sous d'argent (C. Jasmin, La Petite patrie, 1972, p. 43 ds Richesses Québec 1982). − JEUX. Appareil à sous. V. appareil I C 3.Machine à sous. V. machine I A 1 f. B. − P. méton. 1. Dans des loc. et expr. a) [Pour exprimer une somme modique ou la plus petite unité monétaire en avoir, en espèces] Jusqu'au dernier sou; à un sou près. ♦ Loc. adv. Sou par sou, sou à sou. Par toutes petites sommes. Elle possédait quarante mille francs amassés sou à sou (Balzac,Goriot, 1835, p. 28).Quoi qu'il arrive, ne comptons jamais que sur cette espèce de courage que Dieu dispense au jour le jour, et comme sou par sou (Bernanos,Dialog. Carm., 1948, 4etabl., 1, p. 1652). ♦ Proverbe. Un sou est un sou. Il ne faut pas gaspiller l'argent, même pour de toutes petites sommes. N'essayez pas de leur insinuer (...) qu'un sou est un sou; que cinq centimes par livre de pain et par jour font dix-huit francs au bout de l'année (Coppée,Bonne souffr., 1898, p. 43). ♦ Les quatre sous (de qqn). Le peu d'argent (que possède quelqu'un). Il a mangé ses quatre sous. C'est nos pauvres quatre sous! C'est notre pauvre croûte à nous qu'il guigne? (Céline,Mort à crédit, 1936, p. 388). − [Dans une phrase nég., pour exprimer une absence totale d'argent, de ressources] Il t'a soigné sans jamais demander un sou (Zola,Fortune Rougon, 1871, p. 145). ♦ Pas un sou. Pas la moindre somme d'argent. Vieilli. N'avoir ni sou ni maille; (être) sans sou ni maille. V. maille2B. ♦ N'avoir pas un sou (vaillant, comptant) (vx). N'avoir pas d'argent du tout. Loc. verb. synon. n'avoir pas un denier, pas un écu, pas un liard (v. liard1). Comment payer le bois? Je n'ai pas un sou, mon enfant. J'ai tout donné (Balzac,Goriot, 1835, p. 287).− Marie! Marie! Je t'ai tout donné (...) je n'ai plus un sou vaillant (R. Bazin,Blé, 1907, p. 262). ♦ N'avoir pas le (premier) sou (de/pour qqc.) (fam.). N'avoir pas la moindre somme d'argent pour financer un projet. Il a su par les voisins que nous n'avions pas le premier sou de notre billet (Balzac,Chabert, 1832, p. 81).Après le phylloxéra (...). Les vignobles avaient été ruinés (...) il fallait repiquer du plant américain. Alors la plupart des vignerons avaient abandonné; ils n'avaient pas le sou pour acheter les ceps (Aragon,Beaux quart., 1936, p. 91). ♦ N'avoir pas le sou; être sans le sou. Être complètement dépourvu d'argent. Ce ne sera pas un appartement de mirliflor! mais vous excuserez de pauvres vignerons qui n'ont jamais le sou. Les impôts nous avalent tout (Balzac,E. Grandet, 1834, p. 67). ♦ Loc. adj. Sans le sou. Sans argent. J'ai épousé une fille sans le sou (Renard,Journal, 1906, p. 1086).Empl. subst. Sans le sou. Personne sans argent. Les petits, les humbles, les sans le sou de ce monde (Mirbeau,Journal femme ch., 1900, p. 43). b) Loc. [Avec un adj. numéral cardinal tel que un, deux, quatre, pour exprimer une valeur insignifiante] − Loc. adj. D'un sou, de deux sous, de quatre sous. De très faible valeur ou de valeur nulle. De 5 à 6 h. du matin quand je fais mes petites philosophies d'un sou, dans mes éternels cahiers sans aucune considération de public, sans vergogne (Valéry,Corresp.[avec G. Fourment], 1925, p. 187). − Être fichu comme quatre sous. Être très mal habillé. Son fameux public de quartier (...) lui pardonne, pourvu qu'elle reparaisse devant lui mal nippée, mal chaussée, fichue comme quatre sous, mais telle qu'avant la fugue (Colette,Vagab., 1910, p. 70). ♦ P. anal. C'est bâti comme quatre sous. Voilà un chapeau que les moutons ne portent déjà plus, tellement on l'a posé à la hâte (Zola,Germinal, 1885, p. 1178). − Avoir (pour) deux sous de qqc. Avoir une très petite quantité de quelque chose. Si j'avais seulement pour deux sous d'idéal...! (Feydeau,Dame Maxim's, 1914, i, 6, p. 10). c) Loc. verb. fig., fam. [Pour exprimer une nég. complète] ♦ N'avoir pas un sou de. N'avoir pas du tout de. L'administration sévère de l'empereur Napoléon reviendrait au monde, que moi je n'ai pas un sou de friponneries à me reprocher (Stendhal,Rouge et Noir, 1830, p. 158). ♦ Ne pas valoir un sou, deux sous. Ne pas valoir grand chose. Il est le jouet d'impressions extrêmes. Tantôt le poste ne valait pas deux sous. Maintenant, c'est un pactole (Romains,Knock, 1923, I, p. 7). ♦ N'avoir pas un sou de, pas deux sous de (suivi d'un subst. abstr. désignant souvent une qualité). Être totalement dépourvu de. N'avoir pas un sou de bon sens, de malice, de talent, de jugeote. Ces reporters qui n'ont pas un sou de mémoire et qui ne descendent pas à prendre des notes! (Goncourt,Journal, 1895, p. 747). ♦ Je ne donnerais pas un sou de, pas deux sous de ses chances, de sa vie. Son succès, sa vie sont bien compromis. Le commissaire, à part: C'est la crise! Je suis dans de beaux draps! Les deux hommes se regardent dans les yeux. Le commissaire ne donnerait pas deux sous de sa peau (Courteline,Client sér., Commissaire bon enfant, 1900, V, p. 184). ♦ [Avec un adj.] Pas pour deux sous, pour un sou. Pas du tout. La petite est gentille, pas poseuse pour un sou (Arland,Ordre, 1929, p. 103). 2. Au plur., fam. Avoir, richesse, argent en espèces dont dispose quelqu'un. Avoir des sous; gagner des sous. Où crois-tu que je les trouverais les sous pour tes escarpins, pour tes cachemires, si je n'avais pas ce navire, ce règlement (Audiberti,Quoat, 1946, 1ertabl., p. 46). ♦ Loc. verb. fig. Être près de ses sous. Synon. être près de ses pièces (v. pièce I A 4).V. près C 1 a β. − Gros sous. [En fonction de compl. déterminatif ou de compl. d'obj. indir. indiquant l'objet de la conversation] Argent, intérêt, finances. Des histoires, des questions de gros sous. Le premier soin au lendemain de la victoire est pour une question de salaire et de gros sous (Sainte-Beuve,Cahiers, 1869, p. 86). REM. 1. -sou, élém. de compos.a) [Le 1erélém. est une prép.] V. sans-le-sou.b) [Le 1erélém. est un verbe] V. grippe-sou.[Compl. d'obj. d'un thème verbal, sur le modèle de grippe-sou] 2. Ronge sous, empl. adj.,hapax. Il lui arrivait de la contempler [la maison] avec une sorte de convoitise dont elle riait la première, disant qu'à cette fibre propriétaire, elle se connaissait bien pour la fille de rentiers ronge sous (Aymé,Mais. basse, 1934, p. 90). c) [Le 1erélém. est un adj.]
α) Demi-sou, subst. masc.Unité monétaire valant la moitié d'un sou de cinq centimes anciens. Des petits carrés de fer-blanc qui valaient à peu près le dixième d'un demi-sou (Tharaud,An prochain, 1924, p. 205).
β) Trente-sous, subst. masc. inv.,région. (Canada). Pièce de vingt-cinq cents. Il sortit même plusieurs trente-sous à la vue de tout le monde (Guèvremont,Survenant, 1945, p. 220). Sol, subst. masc.,synon., vx. Un gros fermier d'Irlande leur avait dit ce qui suit: Lorsque mes vassaux s'endettent avec moi, je me fais payer en travail, mais ce travail je l'exige à cinq ou six sols par jour (Michelet,Journal, 1834, p. 139).Mais n'espérez pas tirer un sol de votre nouvelle invention, qui n'est pas nouvelle (France,Dieux ont soif, 1912, p. 39).Au fig. Petite quantité. J'aime trop mon repos, et je ne suis pas si sot de me faire pour des mots un sol de mélancolie. Quand il pleut, je laisse pleuvoir. Quand il tonne, je barytonne (Rolland,C. Breugnon, 1919, p. 19). Prononc. et Orth.: [su]. Ac. 1694-1740: sou, sol; dep. 1762: sou, Sol, avec la valeur phonique de sou (Rouss.-Lacl. 1927, p. 167). Cependant, Fér. 1768: ,,Quelques-uns l'écrivent encore; et qui pis est, le prononcent de même``. Étymol. et Hist. Ca 1130 (Lois Guillaume le Conquérant, éd. J. E. Matzke, 1, §1). Du b. lat. solidus, -i, déb. ves. ds Blaise Lat. chrét., subst. de l'adj. solidus « massif, entier », v. solide. Fréq. abs. littér.: 3 786. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4 609, b) 7 120; xxes.: a) 7 039, b) 4 118. Bbg. Günther (V.), Wartburg (W. von). Das Angelsächsische Element im französischen Wortschatz. In: [Mél. Flasdieck (H.)]. Heidelberg, 1960, pp. 114-117. − Juneau (M.) L'Heureux (R.). La Lang. de deux meuniers québécois du milieu du xixes. In: Trav. de ling. québécoise. 1. Québec, 1975, p. 91. _ Livingston (Ch. H.). French etymological notes. Mod. Lang. Quart. 1944, t. 5, pp. 219-227. − Quem. DDL t. 10 (s.v. n'avoir pas le premier sou; n'avoir pas un sou de qqc.). |