| SOPHISTICATION, subst. fém. A. − Vx. Action de sophistiquer, de dénaturer, de frelater une substance, le plus souvent de façon frauduleuse. Synon. altération, corruption.Les morceaux de quinquina trop vieux, ou les écorces étrangères qu'on y mêle, sont quelquefois imprégnés d'une solution d'aloès ou d'autres décoctions amères. Cette sophistication serait cependant bientôt découverte par la saveur amère et désagréable (Kapeler, Caventou,Manuel pharm. et drog., t. 2, 1821, p. 593).Ce qu'il a trouvé, ce siècle, c'est la falsification des denrées, la sophistication des produits. Là, il est passé maître. Il en est même arrivé à adultérer l'excrément, si bien que les chambres ont dû voter, en 1888, une loi destinée à réprimer la fraude des engrais (Huysmans,Là-bas, t. 1, 1891, p. 191). − Au fig. Déformation, corruption. Une franche et brutale négation vaut mieux que tous les faux-fuyants hypocrites et que toutes les sophistications de la pensée (Blondel,Action, 1893, p. 23). B. − Fait de devenir sophistiqué, de rendre quelque chose sophistiqué. 1. Caractère artificiel, délibérément et inutilement compliqué. L'artificiel c'est l'homme et répudier l'artificiel sous prétexte que l'artificiel dévie parfois en sophistication, c'est répudier le mouvement même de la vocation humaine, qui est d'ajouter continuellement l'homme à la nature (Mounier,Traité caract., 1946, p. 86).Pascal T. nous séduit par sa spontanéité, par sa totale absence de sophistication (Le Monde, 31 oct. 1973ds Gilb. 1980). 2. Caractère de ce qui relève d'une élégance raffinée ou excentrique. L'avenue de l'Opéra, l'avenue Victor-Hugo, sauvées de la nuit par la sophistication de quelques vitrines et l'éclat solitaire d'éclairages raffinés (L'Express, 23 déc. 1968ds Gilb. 1980).Pointe avancée d'une luxueuse sophistication, la haute couture évoque un art de vivre (L'Express, 4 mars 1974ds Gilb. 1980). − En partic. Caractère de ce qui relève d'une recherche esthétique poussée, d'avant-garde. Malgré la sophistication du décor et des costumes et la bonne humeur des jeunes comédiens, les effets répétés lassent (L'Express, 6 août 1973ds Gilb. 1980).Un cinéma de contenu social qui évolue entre la sophistication et le réalisme (Le Point, 17 juin 1974ds Gilb. 1980). 3. Complexité technique; niveau d'élaboration très poussé; haut degré de perfection technique. Dans les jeux dits de simulation, on utilise diapositives et bandes sonores. Parfois même − suprême sophistication − un ordinateur enregistre les décisions des joueurs et en décrit aussitôt les conséquences (Le Point, 24 déc. 1973ds Gilb. 1980).Le chronométrage des épreuves de natation est (...) caractéristique de la complexité du problème. Et de la sophistication du matériel utilisé. (L'Express, 24 mai 1976, p. 130, col. 3). REM. Sophistiquerie, subst. fém.,vx. a) Excessive subtilité dans le discours, le raisonnement. Il y a bien de la sophistiquerie dans ces raisonnements là (Ac.1878).b) Synon. rare de sophistication (supra A).Il y a de la sophistiquerie dans ce vin, dans ces drogues (Ac.1878). Prononc. et Orth.: [sɔfistikasjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. A. 1. 1365 « action de dénaturer un produit » (Oresme, Tr. des monn., p. LXIII ds Gdf. Compl.); 2. ca 1370 « imposture, tromperie » (J. Le Fèvre, Lamentations Matheolus, Laesce, I, 848 ds T.-L.). B. 1. 1964 « affectation, maniérisme » (Le Monde, 19 oct. ds Gilb. 1980); 2. 1968 « recherche très poussée » (ORTF, 26 janv., ibid.). Dér. de sophistiquer*; suff. -(a)tion*. Resté usuel au sens A 1 comme terme spécialisé, le mot a été repris au xxes. dans la lang. gén. (v. Blondel et Mounier, supra). Parallèlement, l'angl. sophistication a pris au xxes. les sens de « subtilité, raffinement ou maniérisme » (1915 ds NED Suppl.2) puis « raffinement technologique, complexité technique » (1959, ibid.), repris en français. Bbg. Baldinger (K.). Zum Übergang von der lateinischen zur französischen Fachterminologie im 14. Jahrhundert. Z. rom. Philol. 1975, t. 91, p. 487. |