| SOMBREMENT, adv. A. − [Corresp. à sombre A] 1. [P. réf. aux couleurs foncées] Avec des couleurs, des tons sombres. Déjà il tenait les premières lignes: « Par les sentiers sombrement bleus, si confus sous le voile effiloché des brumes, elle va, sans s'inquiéter où posent ses pieds purs... » (Martin du G.,Devenir, 1909, p. 121).Derrière les gargouilles de la tour, les montagnes avec leurs quartiers de forêts, de pacages, leurs hauts ravins, leurs échines de pierre, bleuissaient sombrement, comme quand il va pleuvoir (Pourrat,Gaspard, 1931, p. 14). 2. [P. réf. à la faiblesse de la clarté, de l'éclat ou de l'intensité de la lumière] Faiblement (éclairé). Je me plais à Saint-Roch, au fond d'une chapelle sombrement éclairée et recueillie (E. de Guérin,Lettres, 1841, p. 413).L'automne s'avançait; et il y avait eu sa rousseur sur les feuilles et il y avait eu son fard doré aux grappes mûres, mais à présent les pluies étaient venues: tout luisait sombrement d'un éclat fané et mouillé (Ramuz,A. Pache, 1911, p. 99). B. − [Corresp. à sombre B] D'une manière sombre. 1. D'un air triste, avec mélancolie. Méditer, penser, réfléchir, rêver sombrement; regarder sombrement. Je ne l'ai connue [Marie Gerhard] que dans un âge et un état plutôt tristes... Triste est le mot. Je m'aperçois à présent de ce que c'est que ce terrible devenir. Je ne me reconnais plus ni dans le vieux bonhomme qui se rencontre au miroir du coin, ni dans le vieux cerveau qui se parle sans parvenir à s'intéresser à ce qu'il dit. Vous voyez: je bavarde sombrement au lieu de vous dire ce pour quoi je vous écris (Valéry,Lettres à qq.-uns, 1945, p. 232). − [Notamment avec des verbes du discours du type: ajouter, déclarer, dire] « Ça ne me surprend pas... Cadieux part aussi (...) » − « Le parti est décapité », conclut Jacques sombrement (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p. 620). 2. a) Obscurément; secrètement ou mystérieusement. Un énorme incendie, à La Goulette, a duré presque jusqu'à l'aube (...). Exaltation sauvage, élémentaire, à la fois irrépressible et inavouable, causée par le saccage, et qui réveille ce que nous avons de plus sombrement primitif en nous (Gide,Journal, 1942, p. 153).C'est un étrange personnage, hanté par le souvenir de ses fautes de jeunesse au point qu'on se demande s'il n'est pas secrètement vulnérable et malgré lui d'accord avec cette partie désavouée de lui-même, un grand sensuel qui, sombrement et délicieusement, savoure le regret de ses péchés (Green,Journal, 1943, p. 69). b) Sinistrement, tragiquement. Que te dire de ton Saül, mon cher Gide? si ce n'est que je ne sais aucun drame plus sombrement passionné, plus fortement soutenu. Pour la première fois depuis longtemps, quelqu'un a relevé la harpe sacrée et, couronné de feuilles parfumées, chante, pâle de piété, les cantiques amers (Jammes,Corresp.[avec Gide], 1904, p. 206).Bientôt toutefois, malgré son désir d'être en avant pour reconnaître plus tôt, s'il le fallait, son ami, malgré sa crainte de sembler, à contempler sans fin ces agonisants, poussé par une curiosité indécente, il s'en retournait vers le groupe des blessés, sombrement harponné par cette mort (Montherl.,Songe, 1922, p. 136). 3. En partic. [Corresp. à sombre B 2 c α; p. réf. à la sensation auditive suggérée, ici grave] Sourdement, d'un bruit sourd. Anton. clairement.[Dubourg] tapait du poing tantôt dans le vantail épais (...) tantôt dans les panneaux de bois plus minces (...) qui tintaient moins sombrement (Arnoux,Roi, 1956, p. 166). Prononc.: [sɔ
̃bʀ
əmɑ
̃]. Étymol. et Hist. [1433 p.-ê. pour sobrement (Doc. du règne d'Henri VI ds Rerum britannicarum medii aevi scriptores, vol. II, partie 1, 1864, p. 223: Lequel conte de Warewic nous rechut gracieusement, un peu plus sombrement que aultre fois n'avoit fait)]; 1578 « d'une manière sombre » (Du Bartas, 1reSem., 4eJ., p. 203 ds Hug.), att. au xvies., v. Hug., puis répertorié dans la lexicogr. dep. le xixes. 1872 (Littré). Dér. de sombre*; suff. -ment2*. Fréq. abs. littér.: 46. |