| SOBRE, adj. A. − [En parlant d'une pers.] 1. a) Qui boit et mange avec modération; qui se contente de peu. Synon. frugal, tempérant; anton. glouton, gourmand.Convive, peuple sobre. C'était, comme tous les méridionaux, un homme sobre et sans de grands besoins (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 307).Plus encore que ma faible santé, ma philosophie m'instruisit à user des choses avec mesure. Je suis sobre; une laitue et quelques olives, avec une goutte de Falerne, composaient tout mon repas (France,Île ping., 1908, p. 164). ♦ Expr. Sobre comme un chameau. V. chameau1. b) P. méton. [En parlant de qqc.] − Qui consiste en mets simples et peu abondants. Nous mangeâmes rapidement le sobre repas du voyageur dans le désert (Lamart.,Destinées poés., 1834, p. 404). − Qui est empreint de simplicité, de frugalité. Habitudes sobres. Malgré une vie sobre et austère, il était usé (Sand,Hist. vie, t. 4, 1855, p. 316). 2. Qui ne boit pas ou qui boit peu de boissons alcoolisées. Anton. buveur, ivrogne.Être sobre de nature. On buvait, on cassait les pots, on chantait à gorge déployée, et jusqu'au duc, si sobre d'ordinaire, s'échauffait de vin, tous les soirs (Bourges,Crépusc. dieux, 1884, p. 269). − Expr. Sobre comme une enfant de Marie. − Tu veux un cognac? − Tu sais bien que non. − Toujours aussi sobre qu'une enfant de Marie. Pas de cigarette non plus? (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 155). − Empl. subst. C'est des sobres, des gens qui boivent de l'eau... ils courent comme des zèbres (Céline,Mort à crédit, 1936, p. 536). B. − Au fig. 1. Qui est mesuré, modéré, réservé. Personne sobre. Beaucoup viennent chercher au loin la fortune, qui n'y trouvent que déboires et malheurs. Ils accusent la chance, oubliant d'accuser leur inintelligence, leur paresse et leurs vices. Quiconque est sobre et courageux, économe et brave, réussit (Verne,Enf. cap. Grant, t. 2, 1868, p. 69).Je suis un silencieux (...) je suis une âme concentrée, sérieuse, sobre, une âme admirable, enfin (Duhamel,Confess. min., 1920, p. 159). − En partic. Qui parle peu de quelque chose; qui écrit peu sur quelque chose. Platon avait été plus sobre et plus discret que ne le sera Plotin sur la fruition elle-même et sur la jouissance du bien! (Jankél.,L'Austérité et la vie morale, Paris, Flammarion, 1956, p. 93). − Sobre de + subst.Sobre de gestes, de mouvements. Sobre de pratiques extérieures, elle était profondément pieuse (France,Pt Pierre, 1918, p. 10).Sobres de salut, sobres de paroles, habitués au silence parmi l'espace vide où plongent leurs pics, et faits à la solitude de leur chasse, ils s'asseoient à nos foyers aussi taciturnes que des exilés (Pesquidoux,Chez nous, 1921, p. 228). ♦ Empl. subst. Un sobre de + subst.Ce qui était moins explicable, c'est qu'avec ses goûts des relations excentriques, des Hermies se fût pris d'affection pour Durtal qui était, en somme, un sobre d'âme et un esprit rassis et sans outrance (Huysmans,Là-bas, t. 1, 1891, p. 39). − Sobre dans + subst.Sobre dans ses actes. C'est à la juste notion de la sincérité que nous devons d'être sobres dans les gestes, scrupuleux dans les paroles, réservés dans les enthousiasmes, contenus dans les désespoirs (Villiers de L'I.-A.,Contes cruels, 1883, p. 194). − Sobre en + subst.Cet homme est sobre en paroles (Ac.). Il n'eut pas la sagesse de rester sobre en politique. À la façon dont il prenait les choses, il n'y aurait personne qui n'eût, dans sa vie, vingt occasions de se faire fusiller (Renan,Souv. enf., 1883, p. 194). − Sobre à, de + inf. (vieilli).Sobre à blâmer (Dupré 1972). Il faut être sobre de produire, pour produire plus tard de beaux ouvrages (J.-J. Ampère,Corresp., 1822, p. 219). 2. Qui manifeste de la mesure, de la simplicité. Synon. discret, simple; anton. exubérant, outrancier, tapageur.Goût sobre; vêtement d'une coupe, d'une élégance sobre. Ces hommes au visage dur, au vêtement sobre, que Philippe de Champaigne nous représente groupés autour d'un rêve austère et résolu (Mounier,Traité caract., 1946, p. 454). − Dans le domaine de l'art.Qui comporte peu d'ornements, qui est sans fioritures. Synon. dépouillé, sévère, simple; anton. excessif, redondant.Art, dessin, éloquence, langue, œuvre, prose, style sobre. Restes d'une belle église des templiers, pure, sobre (Flaub.,Champs et grèves, 1848, p. 312).Le Portrait de ma mère, de M. Whistler, dont la facture est sobre, personnelle, puritaine, huguenote (Péladan,Décad. esthét., Salon de 1883, 1888, p. 103). Prononc. et Orth.: [sɔbʀ
̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1170 « qui observe les règles de la morale, mène une vie honnête, austère » (Rois, éd. E. R. Curtius, I, I, 16, p. 5: Ne me tenez pur fille Belial, kar sobre sui); 1197 ame sobre et chaste (Hélinant, Vers de la mort, XXXVIII, 5 ds T.-L.); 2. a) ca 1180 « qui mange et boit avec modération » en parlant d'un aigle (Marie de France, Fables, 46, 61, ibid.); ca 1223 en parlant d'un homme (Gautier de Coinci, Miracles, éd. V. Fr. Koenig, I Mir. 36, 298, t. 3, p. 72); av. 1654 spéc. « qui ne boit pas » subst. (Guez de Balzac, Aristippe ou De la Cour, 6ediscours ds
Œuvres, Paris, L. Billaine, t. 2, 1665, p. 177); b) 1310-40 vie sobre (Jean de Condé, Dits et contes, éd. A. Scheler, t. 3, p. 254: Leur sobre vie pourcaçoient, Les bons morssiaus pas ne caçoient); 1559 table sobre et simple (Amyot, trad. Plutarque, Hommes illustres, Comparaison de Simon avec Lucullus, II, éd. G. Walter, t. 1, p. 1175); 3. a) id. « qui témoigne de la mesure, de la modération » sobre jugement (Id., op. cit., Cicéron, XXI, t. 2, p. 759); b) 1596 « [d'une personne] qui est mesuré, modéré en quelque chose » (E. Pasquier, Rech., VI, 22 ds Gdf. Compl.: Les Espagnols ... sont sobres admirateurs d'autruy); 1671 sobre à + inf. (Pomey); 1690 sobre en + subst. (Fur.: sobre en paroles). Empr. au lat.sobrius « qui n'a pas bu, à jeun; sobre, frugal, tempérant; modéré, mesuré, rassis ». Fréq. abs. littér.: 498. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 488, b) 984; xxes.: a) 812, b) 684. |