| SIRE, subst. masc. A. − Seigneur. 1. HIST. [Sire de + nom du fief]Seigneur féodal. Il menait avec lui l'élite de la chevalerie de ses états (...) son échanson, Rodolphe, sire de Varila; son maréchal, Henri, sire d'Ebersberg; son chambellan, Henri, sire de Fahnern (Montalembert, Ste Élisabeth, 1836, p. 137).L'armée franque était commandée par le connétable Guillaume de Bures, sire de Tibériade, qui venait (...) d'être nommé régent du royaume de Jérusalem (Grousset, Croisades, 1939, p. 126). − En partic. [Sire de + nom de la terre auquel ce titre est attaché; titre de certains seigneurs]Le sire de Joinville a écrit l'histoire de saint Louis; les sires de Coucy, de Beaujeu, de Créquy. La noble dame de Coucy, qui se mourait de douleur (...) avait bien sujet de pleurer, car le sire de Coucy, à qui elle envoyait message sur message, venait de mourir à Burse (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24, p. 208). − Rare, littér. [De nos jours] On voyait (...) près de la citadelle à tours carrées d'un chef païen, la forteresse à créneaux d'un sire chrétien (Hugo, Han d'Isl., 1823, p. 254). 2. Absol. [Appellation d'un souverain, roi ou empereur, lorsqu'on s'adresse à lui] Ce n'est point Philippe V qui vous reçoit à cette heure, mais bien le comte de Mauléon. Ainsi, plus de majesté, plus de sire (...) aidez-moi (...) à oublier que je suis roi (Dumas père, Demois. St-Cyr, 1843, III, 2, p. 144).Le roi déclara qu'il n'avait pas besoin d'un médecin de plus. − Sire (...) le docteur Rodrigue n'est pas un médecin (France, Barbe bleue, Chemise, 1909, p. 180).V. messire ex. 3. 3. P. ext. a) [Sire + nom ou prénom] − [Titre, terme d'adresse pour des notables ou des roturiers] Bravement parlé, sire Gilles Lecornu, maître pelletier-fourreur des robes du roi! cria le petit écolier cramponné au chapiteau (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p. 21).Une fois, sire Hain lui dit: « Douce amie, allez me chercher du poisson (...) » (Faral, Vie temps st Louis, 1942, p. 153). − Fam. [Appellatif de qqn à qui l'on s'adresse sans gêne] Le vieillard repartit gravement: − Vous avez tort, sire Pécopin. − Vous ne m'avez jamais vu, s'écria le jeune homme, comment savez-vous mon nom? − Ce sont les oiseaux qui le disent, répondit le paysan (Hugo, Rhin, 1842, p. 189). b) Plais. Sire écureuil, qui retient l'églantine Entre ses dents, à la plus haute cime Soudain grimpa d'un saut aussi rapide Qu'on voit voler vite la bécassine (Jammes, De tout temps, 1935, p. 212). ♦ Iron. Beau sire. Monsieur. Soixante deniers, coquin!... − Et tu as l'impudence de nous proposer cela en face. − Un bâton, un bâton! − Doucement, beaux sires, l'ennemi est aux portes (Mérimée, Jaquerie, 1828, p. 224).Je ne suis pas dupe non plus de tes préoccupations politiques, beau sire! tu cours le guilledou, et rien de plus (Sand, Corresp., t. 6, 1870, p. 1). c) TURF. [Appellation distinctive donnée aux étalons de choix, dans les races nobles] Tous les ans, (...) les éleveurs, les possesseurs d'étalons remplissent d'annonces les colonnes des journaux spécialisés, avec le rappel des performances en course de leurs « Sires ». Car un étalon de grand sang est un Sire. Le mot vient-il de ce qu'il est un seigneur? De l'espoir, qu'on a, qu'il deviendra chef de race? Peut-être plus simplement de la grande majesté d'aspect des étalons? (Zitrone, Courses, 1962, p. 85). B. − Péj. Individu, personnage. Si vous tenez à faire un éclat, je connais le sire, je ne l'aime guère (Balzac, Langeais, 1834, p. 325).Je n'y fis plus attention, Par ces temps d'exposition On voit de si drôles de sires! (Ponchon, Muse cabaret, 1920, p. 61). − Pauvre sire. Homme, individu sans considération, sans grande capacité. Synon. fam. pauvre type*.Mais je ne suis qu'un pauvre sire sans invention et sans puissance génératrice (...). Je me suis contenté d'être, et tout au plus de comprendre, et j'ai négligé l'essentiel, le faire (Amiel, Journal, 1866, p. 214).Sans le purgatoire et l'enfer, le bon Dieu ne serait qu'un pauvre sire (France, Dieux ont soif, 1912, p. 80). − Triste sire ♦ Homme triste, peu réjouissant, morose. Ne pouvant prêter de la flamme à ces tristes sires, il [Velasquez] leur donnait la majesté froide (...) le geste et la pose d'étiquette (Gautier, Guide Louvre, 1872, p. 279).Je suis timide, gauche, quinquagénaire, je serais un trop triste sire aux yeux d'une femme (Theuriet, Mais. deux barbeaux, 1879, p. 55). ♦ Homme peu recommandable et méprisable, notamment dans le domaine de la moralité. J'acceptais bien d'être impur, mais à la condition d'être seul... de mon espèce (...). Voilà que le monde entier se roule dans la bouillasse. « Je suis un triste sire et, en outre, je ne suis pas malin. Ils me l'ont tous dit, et chacun à leur manière (...) » (Duhamel, Jard. bêtes sauv., 1934, p. 232). REM. 1. Sir, subst. masc.[Titre d'honneur chez les Anglais qui est celui des baronnets et des écuyers et qui précède le prénom et le nom de la personne désignée] Sir Winston Churchill s'est affirmé comme un grand chef d'État, une personnalité assez forte pour dominer le drame qu'il a vécu avec son peuple (Lar. encyclop., s.v. Churchill). 2. Sirerie, subst. fém.,hist. Terre à laquelle était attaché le titre de sire qu'elle conférait au seigneur qui la détenait. La Champagne garde l'empreinte de nos vieux rois. C'est à Reims qu'on les couronnait. C'est à Attigny que Charles le Simple érigea en sirerie la terre de Bourbon (Hugo, Rhin, 1842, p. 34). Prononc. et Orth.: [si:ʀ]. Homon. cire, cirre. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 980 sire « maître, seigneur (de Dieu) » (Jonas, éd. W. Foerster et Koschwitz, f o30 v o; également ds éd. Génin d'apr. éd. de Poerck, p. 45, var. 208), supplanté en ce sens par Seigneur* dès la fin du xiiies., v. Trénel, pp. 244-246; 2. ca 1050 titre donné à un souverain, ou à un personnage important (Alexis, éd. Chr. Storey, 339), supprimé comme titre en 1791-92, v. Brunot t. 9, pp. 676-677, mais subsiste comme simple appellation; 3. a) ca 1050 « seigneur, maître, possesseur de terres » (Alexis, 420); ca 1100 féod. « seigneur, suzerain » (Roland, éd. J. Bédier, 1892: sire de Belne et de Digun); b) ca 1165 joint au nom propre titre de politesse donné à des bourgeois (puis à des hommes du peuple) (Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 1702: sire Foukiers; 2467: sire marceans) − xvies. ds Hug., considéré comme anc. dès 1690, Fur.; pour l'usage social de ce terme en a. m. fr. et ses relations avec dan (< lat. dominu, v. dom), messire*, monseigneur*, v. L. Foulet ds Romania t. 71, pp. 1-48, 180-221 et t. 72, pp. 31-77, 324-367 et 479-528; 4. comme simple appellatif ca 1050 sire + nom propre (Alexis, 471: sire Alexis); ca 1050 adj. + sire titre donné pour faire honneur (ibid., 216: bel sire); d'où iron. en m. fr. 1388 a. pic. sire homs « cocu » (Lettre de rémission ds Du Cange, s.v. siriaticus); 1450 beau sire « id. » (ibid.), encore au xviies.: 1666-67 (La Fontaine, Contes et Nouvelles, 2epart., éd. H. Regnier, t. 4, p. 304, 81); subsiste dans le registre fam. 1679 sire « individu » (Id., Fables, IX, 16, t. 2, p. 437, 17); av. 1679 pauvre sire (Retz, III, 31 ds Littré); 1910 triste sire (Lar. pour tous). Du lat. pop. *seior utilisé comme adresse, forme contractée peut-être sous l'infl. de maior, v. majeur (REW 7821) du class. senior, v. seigneur. Fréq. abs. littér.: 2 406. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 8 387, b) 2 460; xxes.: a) 1 519, b) 842. Bbg. Hollyman 1957, p. 102, 105-107. − O'Gorman (R.). Encore anc. fr. Sire ... Romania. 1965, t. 86, pp. 393-394. − Regnier (Cl.). À propos de « sire, seigneur » ... Romania. 1962, t. 83, pp. 117-118. − Richter (É.). Senior-sire. In: R. (E.). Kleinere Schriften zur allgemeinen und romanischen Sprachwissenschaft, 1977, pp. 395-409. − Sain. Arg. 1972 [1907] p. 51, 190. − Vitu (A.). Le Jargon du xves. Genève, 1977, pp. 501-503. |