| SINGER, verbe trans. Fam. et souvent iron. ou péj. I. − [Corresp. à singe II A 4] A. − Qqn singe qqn ou qqc. 1. Imiter d'une manière caricaturale, par simple jeu ou par moquerie, en contrefaisant des gestes, des attitudes, la voix. Synon. contrefaire, mimer, parodier.Le gros père Guerbet avait singé madame Isaure, la femme de Gaubertin, en se moquant de ses airs penchés, en imitant sa petite voix, sa petite bouche et ses façons jeunettes (Balzac,Paysans, 1850, p. 290).Les soirs qu'il se trouvait seul avec ma mère et moi, il inventait toujours quelque jeu nouveau, quelque surprise ou quelque farce; il singeait tous nos familiers, grimaçait, se départait de toute ressemblance avec lui-même, imitait toutes les voix, les cris d'animaux, les bruits d'instruments (Gide,Caves, 1914, p. 740). − Empl. pronom. réfl. La plupart des hommes meurent à vingt ou trente ans: passé ce terme, ils ne sont plus que leur propre reflet; le reste de leur vie s'écoule à se singer eux-mêmes, à répéter d'une façon de jour en jour plus mécanique et plus grimaçante ce qu'ils ont dit, fait, pensé, aimé, au temps où ils étaient (Rolland,J.-Chr., Adolesc., 1905, p. 238). 2. Copier maladroitement et servilement quelqu'un, souvent en se rendant ridicule, en voulant imiter ses manières d'être, de s'habiller, de vivre. Les actrices lui semblent fagotées; à ses yeux, ce sont des êtres d'une autre espèce, des femmes de chambre qui veulent singer les vraies dames (Taine,Notes Paris, 1867, p. 156).Les femmes qu'il a rencontrées chez Ganse se distinguent à peine de leurs filles qu'elles singent (...) jusque dans leurs tics (Bernanos,Mauv. rêve, 1948, p. 898). − [Suj. et compl. désignent des coll.] La province est la province: elle est ridicule quand elle veut singer Paris (Balzac,Pierrette, 1840, p. 40).Tout y singe [à Péra, quartier d'Istambul] l'Occident: les rues à tramways, les maisons à cinq étages, les boutiques à enseignes anglaises, les messieurs à chapeau melon, les dames à robe de province (Farrère,Homme qui assass., 1907, p. 22). − En partic., péj. Puiser sa source d'inspiration chez un artiste ou un mouvement artistique en le copiant avec médiocrité. Synon. plagier.Après avoir imité Delacroix, après avoir singé les coloristes, les dessinateurs français et l'école néo-chrétienne d'Owerbeck, M. Ary Scheffer s'est aperçu (...) qu'il n'était pas né peintre (Baudel.,Salon, 1846, p. 170). 3. [Le compl. désigne un inanimé abstr.] Simuler, feindre. Oui, on peut faire la guerre en ce monde, singer l'amour, torturer son semblable, parader dans les journaux, ou simplement dire du mal de son voisin en tricotant (Camus,Chute, 1956, p. 1531). B. − Qqc. singe qqc. 1. [Le suj. désigne un inanimé concr.] Imiter, ressembler à. La marine hollandaise avait député un gros garçon formidablement rouge, et dont le nez singeait la pomme de terre à s'y méprendre (About,Grèce, 1854, p. 428).Après les fleurs factices singeant les véritables fleurs, il voulait des fleurs naturelles imitant des fleurs fausses (Huysmans,À rebours, 1884, p. 118). 2. [Le suj. désigne un inanimé abstr.] La peur y vient singer tous les dehors du courage pour se féliciter de la honte et pour remercier du malheur (Constant,Esprit conquête, 1813, p. 196). II. − ART CULIN. Saupoudrer une préparation de quelques cuillerées de farine que l'on mouille ensuite pour épaissir une sauce en la chauffant. Empl. abs. Découper la volaille. Faire sauter les morceaux sans leur laisser prendre couleur. Singer et mouiller avec un petit verre de vin blanc sec et du bouillon de veau (Gdes heures cuis. fr.,F. Point, 1955, p. 205). REM. Singeur, -euse, adj.,péj. Qui imite, qui copie. L'apparente hypocrisie de ceux qui les attaquent ferait horreur, si leur puérilité, leur engouement pour le premier paradoxe venu, leur nature singeuse et leur absence totale de raisonnement ne faisaient sourire (Sand,Lettres voy., 1836, p. 317).Empl. subst. Imitateur servile et grotesque. Il part pour la Provence (...); il y exhale, sans ménagement, son mépris pour ces vils Singeurs de la magistrature, qui, après avoir dépouillé leurs concitoyens, osaient les juger sans savoir les lois (Essai sur le Despotisme) (MercierNéol.1801, p. 252). Prononc. et Orth.: [sε
̃
ʒe], (il) singe [sε
̃:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. 1770 singer des héros, pour les contrefaire (Affiches de province du 2 mai [p. 70], compte rendu de La Mimographe ds St. neophilol. t. 27, p. 235). Dér. de singe*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 144. Bbg. Gohin 1903, p. 251. |