| SILLAGE, subst. masc. A. − 1. MAR. Trace d'écume que laisse derrière elle, à la surface de l'eau, une embarcation. Synon. vieilli houache.La belle Lélia regardait le sillage de la barque, où le reflet des étoiles tremblantes faisait courir de minces filets d'or mouvants (Sand,Lélia, 1833, p. 44).Les deux enfants du capitaine, accoudés sur la lisse, regardaient tristement la mer phosphorescente et le sillage lumineux du Duncan (Verne,Enf. cap. Grant, t. 3, 1868, p. 226). − P. méton.. Allure d'un navire. Nous faisions alors un sillage trop considérable pour qu'elles [les pirogues] pussent nous atteindre (Dentrecasteaux,Voy. rech. La Pérouse, 1808, p. 372).Les meilleurs croiseurs et avisos de 3.000 à 4.000 tonneaux parviennent difficilement à des sillages de 18 nœuds 1/2, en développant 7.000 chevaux (Ledieu, Cadiat,Nouv. matér. nav., t. 2, 1890, p. 581). − P. anal. Trace laissée dans l'eau par un poisson. Le vol rasant de l'hirondelle sur les eaux, les sillages argentés des poissons (Sainte-Beuve,Port-Royal, t. 5, 1859, p. 444). 2. MINES. ,,Veine de prolongement d'une mine de houille, en superficie ou en profondeur`` (Mots rares 1965). 3. PHYS. ,,Zone perturbée se formant dans un fluide initialement au repos, en aval d'un solide par rapport auquel il est en mouvement relatif`` (Mathieu-Kastler Phys. 1983). Les sillages dormants de Kirchhoff-Helmholtz qui avaient fourni au XIXesiècle un modèle possible d'échappatoire, ont donné lieu à un immense travail mathématique (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 182). B. − P. anal., souvent littér. Trace qui marque un passage. 1. Sillage (de qqn).Notre foule en longueur trace à droite et à gauche un sillage laiteux sur les herbes de bordure (Barbusse,Feu, 1916, p. 71).Écharpe et toque qui n'étaient qu'une partie récente, adventice de mon amie, mais qui m'était déjà chère et dont je suivais des yeux le sillage, le long du cyprès, dans l'air du soir (Proust,Sodome, 1922, p. 1014). − Dans le sillage de qqn. À la suite de quelqu'un, en marchant sur ses pas. Augustin entra dans le sillage creusé par les coudes du cousin Jules (Malègue,Augustin, t. 1, 1933, p. 228).« Avant tout, ne pas le perdre! » il se jeta dans son sillage. Les voyageurs, les porteurs, les chariots, encombraient le chemin (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p. 312). − [La trace est perceptible par d'autres sens que la vue] Sillage parfumé. Quand elles passent, je lève le nez et hume l'odeur de leur sillage, comme font les chiens sans éducation (Montherl.,Pte Inf. Castille, 1929, p. 656).Ce dîner était une étape (...) vers le jour où son nom à elle serait chuchoté le premier et où elle laisserait ce sillage de murmures (Druon,Chute corps, 1950, p. 115). − Au fig. Le sillage laissé par le poète [Rimbaud] dans un monde « littéraire » qui ne le comprit pas assez (Verlaine,
Œuvres posth., t. 2, Crit. et conf., 1896, p. 271).Étrangère, d'ailleurs, et nul ne sachant rien de son passé, elle disparut soudain sans rien laisser derrière elle que le sillage inquiétant de son souvenir (Toulet,Nane, 1905, p. 172). ♦ Dans le sillage de qqn. Aspirer, entraîner qqn dans son sillage. Eh bien mes amis, Rousseau est un niais, et tu as eu bien raison, Lachaume, de ne pas rester dans son sillage (Druon,Chute corps, 1950, p. 171).Malraux me donne une place bien flatteuse dans le sillage de Chateaubriand et de Bernanos, mais se trompe en me croyant dressé contre la hiérarchie (Mauriac,Bloc-Notes, 1954, p. 147). 2. Sillage (de qqc.).Il adorait le pain. Il en avait toujours les poches pleines, et, quand il marchait, grignotait en lisant, de sorte que son chemin était marqué par un long sillage de miettes (Maurois,Ariel, 1923, p. 25).Le plongeon des chasseurs de nuit qui virent du ventre, noir et or dans le sillage rougeoyant des bombardiers abattus (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p. 287). − [La trace est perceptible par d'autres sens que la vue] Une cheminée fumait, une odeur de fricot laissait un sillage appétissant (Arnoux,Zulma, 1960, p. 225). − Au fig. Dans le sillage de.J'ai fait un premier tirage de 15.000 des Demi-vierges, et dans le sillage de ce livre, je jetterai un volume d'Hervieu (Goncourt,Journal, 1894, p. 602). Prononc. et Orth.: [sija:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. [xves. seillage « ligne que trace un bâtiment en marche dans l'eau qu'il traverse » (d'apr. Bl.-W.1-5sans réf.)]; 1574 [éd.] sillage « id. » (De Bessard, Dialogues de la longit., p. 36 ds Gdf. Compl.); 2. 1679 « vitesse avec laquelle est tracée cette ligne » (Rich.); 3. fig. a) 1803 « veine de prolongement d'une mine de houille » (Boiste); b) 1830 « route des étoiles » (Lamart., Harm., p. 324); c) 1904 marcher dans le sillage, suivre le sillage de qqn (Nouv. Lar. ill.); d) cycl. 1919 être dans le sillage de qqn (Vélo-Sport, 12 juill., in Lapaille, p. 30 ds Quem. DDL t. 9). Dér. de siller*; suff. -age*; cf. au sens 1 seillure (1521 [éd.] Garcie, Grant Routier, f oB II r o). Fréq. abs. littér.: 315. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 184, b) 269; xxes.: a) 508, b) 731. Bbg. Quem. DDL t. 9, 36. |