| SILENCIEUX, -EUSE, adj. et subst. masc. I. − Adjectif A. − [Corresp. à silence I] 1. a) Qui ne fait pas de bruit. Une eau silencieuse. Qu'il est doux, quand du soir l'étoile solitaire, Précédant de la nuit le char silencieux, S'élève lentement dans la voûte des cieux, Et que l'ombre et le jour se disputent la terre (Lamart.,Médit., 1820, p. 195).Elle se détend en sauts silencieux d'animal aux pattes feutrées (Colette,Pays. et portr., 1954, p. 151). b) Qui ne fait pas entendre sa sonnerie. En ce Paris d'août, vide était la maison, silencieux le téléphone, apaisés les concierges (Mauriac,Fleuve de feu, 1923, p. 196). 2. Où l'on ne perçoit aucune manifestation sonore. Bois, salon silencieux; campagne silencieuse. Et, tout le long, au pied de la silencieuse église (...) coule et murmure dans son grand voyage, de la Suisse à l'Allemagne, le fleuve majestueux, rapide, indifférent, le Rhin! (Michelet,Chemins Europe, 1874, p. 521).Le soleil incessant, ces heures au goût de sommeil et de vacances, n'invitaient plus comme auparavant aux fêtes de l'eau et de la chair. Elles sonnaient creux au contraire dans la ville close et silencieuse (Camus,Peste, 1947, p. 1310). 3. Spécialement a) TECHNOL. Qui fonctionne avec un niveau sonore peu élevé. Engrenage, moteur silencieux. Certains chefs opérateurs ne touchent pas aux appareils d'enregistrement et laissent ce soin à leurs seconds. Ceux-ci d'ailleurs n'ont que rarement à tourner la légendaire manivelle qui est remplacée aujourd'hui par des moteurs silencieux (Arts et litt., 1936, p. 88-11). b) MÉD. Qui est indolore. [La carie du premier degré] siège volontiers dans les sillons entre les cuspides et se présente sous l'aspect d'une petite tache blanche ou brune. Le plus souvent elle est silencieuse. Parfois cependant, il existe des douleurs fugaces au froid, au chaud et lors de l'absorption d'aliments sucrés (Quillet Méd.1965, p. 177). B. − [Corresp. à silence II] 1. Qui ne parle pas. Derrière des groupes silencieux passaient des charrettes bosselées de paniers et de sacs, où brillait un instant l'éclat écarlate d'une bouteille (Malraux,Espoir, 1937, p. 627).Entre hommes, nous fumons notre dernière cigarette, pendant que les femmes et les gosses se tassent dans un coin, immobiles et silencieux (T'Serstevens,Itinér. esp., 1963, p. 328). − En partic. Qui s'abstient habituellement de parler, qui est peu communicatif. Synon. réservé, taciturne.Au moral, c'était un enfant silencieux, flegmatique, tranquille, avec une pointe de cette fierté que le sentiment du péril continuel, l'habitude du travail régulier et la satisfaction de la difficulté vaincue donnent à tous les mineurs sans exception (Verne,500 millions, 1879, p. 84).C'était une femme silencieuse, aigrie, qui avait fait le vœu d'adopter un enfant si la sienne, une fille unique, retrouvait la santé (Roy,Bonheur occas., 1945, p. 248). − POL. [P. oppos. à minorité agissante] Majorité silencieuse. V. majorité3A 2 c. − Empl. subst. Alors, cette silencieuse éclatait, tout sortait, la débâcle roulait les trahisons de vingt années, son mépris, son dégoût (Zola,Fécondité, 1899, p. 491).Il possède l'intelligence la plus sûre, celle des silencieux, et la plus confortante, celle des actifs (La Varende,J. Bart, 1957, p. 26). 2. Qui n'est pas accompagné de paroles ou de toute autre forme d'expression sonore. Activité, cérémonie silencieuse; drame silencieux. Des larmes apparurent dans ses yeux, ces larmes silencieuses des femmes, gouttes de chagrin venues de l'âme (Maupass.,Pierre et Jean, 1888, p. 302).Le corps ne portait aucune trace d'écrasement, beaucoup de sang avait seulement coulé de la gorge et tachait le col de la chemise. − Un bourgeois à qui on a fait son affaire, reprit tranquillement Misard, après quelques secondes d'examen silencieux (Zola,Bête hum., 1890, p. 49). − En partic. Qui ne recourt à aucun moyen d'expression sonore. Silencieuse puissance [la peinture] qui ne parle d'abord qu'aux yeux, et qui gagne et s'empare de toutes les facultés de l'âme! (Delacroix,Journal, 1824, p. 96). ♦ CIN. Film silencieux. Synon. film* muet.L'avènement du film parlant n'a nullement rendu superflues les mesures protectionnistes prises au temps du film silencieux (Arts et litt., 1936, p. 88-8). II. − Subst. masc. A. − ARM. Dispositif dont peuvent être munies les armes à feu pour atténuer le bruit de la détonation. On dit un revolver avec silencieux, un calibre à silencieux, muni d'un silencieux (Esnault,[Commentaire (IGLF 1954) de l'ouvrage de G. Sandry et M. Carrère, Dict. de l'arg. mod. (1953)], p. 40). − P. méton. L'arme elle-même et en partic. le révolver. Je viens de descendre Sézenac: il faut l'enlever d'ici (...) il dormait, je me suis servi de mon silencieux, ça n'a fait aucun bruit (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 562). B. − Dispositif qui permet d'amortir le bruit du gaz d'échappement des moteurs à explosion ou à réaction. Quant au collecteur d'échappement, il est relié à un tuyau d'échappement aboutissant à un silencieux ou pot d'échappement. L'usinage n'est pas le même pour les deux pièces (Chapelain,Techn. automob., 1956, p. 38). REM. Silent, -ente, adj.,littér., rare. Silencieux. Je ne sais plus si j'en préfère le marais silent, ou si l'ardente fièvre m'en séduit davantage (Suarès,Voy. Condottière, t. 1, 1910, p. 271). Prononc. et Orth.: [silɑ
̃sjø], fém. [-ø:z]. Ac. 1694, 1718: silentieux; dep. 1740: -cieux. Étymol. et Hist. 1. 1527 [éd.] « où règnent le silence et le calme » (Dassy, Peregrin, f o108 v o); 2. 1611 « qui garde le silence » (Cotgr.); 3. a) ca 1800 « qui ne fait pas de bruit (en parlant des choses) » (M.-J. Chénier, Promenade ds Littré); b) subst. 1877 silencieuse « machine à coudre qui ne fait pas de bruit » (Littré Suppl.); 1898 automob. silencieux (Guide pratique du tricycle à pétrole de Dion Bouton, p. 12 ds Quem. DDL t. 4); 1950 silencieux « dispositif qui amortit le bruit d'une arme à feu » (d'apr. Esn.). Empr. au b. lat.silentiosus, dér. de silentium (silence*). Fréq. abs. littér.: 3 927. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 767, b) 5 445; xxes.: a) 7 534, b) 6 036. Bbg. Quem. DDL t. 4. − Schneiders (H.-W.). Der Frz. Wortschatz zur Bezeichnung von « Schall ». Genève, 1978, pp. 85-90. |