| SIGNER, verbe trans. I. A. − 1. Revêtir un écrit de sa signature. Signer un chèque, une lettre; signer un acte, un bail; signer un décret, une loi; signer un chèque* en blanc; signer une pétition; parapher et signer un acte. Ganche avancera l'argent et je lui signerai une reconnaissance de dette (Drieu La Roch., Rêv. bourg., 1937, p. 302).Il avait signé ce billet de son initiale, un S, dont la queue s'enfuyait en se tortillant jusqu'au bas de la page (Duhamel, Maîtres, 1937, p. 260). ♦ [Sans compl. dir.] Signer en marge, en bas de page; signer de son nom, de ses initiales; signer comme témoin. Signez de votre nom. La date. Bien (Hugo, Ruy Blas, 1838, i, 4, p. 359).Pons, engagé par les parents à signer au contrat, entendit la lecture des actes (Balzac, Cous. Pons, 1847, p. 76).Certains de ceux qui s'étaient engagés dans le mouvement ne savaient pas écrire. Ils avaient signé d'une croix pour adhérer au « mouvement national contre l'ignorance » (Cacérès, Hist. éduc. pop., 1964, p. 41).Persiste et signe. V. persister A 2. ♦ Empl. pronom. passif. Amélie: (...) mon père travaille en ce moment (...) À notre contrat. Teresa: Ah! oui (...) N'est-ce pas demain qu'il se signe? (Dumas père, Teresa, 1832, ii, 6, p. 168).L'acte de vente pouvait se signer dans la soirée (Balzac, Illus. perdues, 1843, p. 741). − En partic. [Le suj. désigne un écrivain] Dédicacer. Avant d'apprendre à D... qu'il avait un cancer, le médecin lui fit signer quelques exemplaires de luxe de ses livres (Montherl., Lépreuses, 1939p. 1478).On lui aurait conseillé de se montrer de temps en temps, dans des salons comme celui-ci, de serrer la main à de charmants officiers nazis et à leurs femmes, de signer un exemplaire de son dernier roman pour Emmy Goering (Green, Journal, 1942, p. 243). − Loc. fig. Signer qqc. de son sang. Oh! je voudrais pouvoir signer mon amour de tout mon sang (Balzac, Peau chagr., 1831, p. 169). 2. Attester par sa signature qu'on est l'auteur d'un texte, d'une œuvre; p. méton., être l'auteur d'un texte, d'une œuvre. Signer un roman, un tableau. [Les] établissements d'art Ludwigson et Cie, aurait l'exclusive propriété de toutes les études qu'exécuterait Daniel (...) études que celui-ci s'engagerait à dater et à signer de son nom (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 831): 1. Le plus souvent ils travaillent tous les deux, seuls. Oh! c'est une collaboration pas ordinaire! Elle dure depuis dix ans, et Philippe, qui est toujours aussi mauvaise langue, prétend que la secrétaire est devenue indispensable, qu'elle pourrait, sans scrupule, signer de son nom les derniers bouquins.
Bernanos, Mauv. rêve, 1948, p. 880. ♦ Au part. passé. Aux deux coins de la cheminée, des esquisses signées de leurs initiales (Taine, Notes Paris, 1867, p. 83).Ils ont acheté le journal. Il y a un article signé de moi (Renard, Journal, 1899, p. 539). ♦ Abusivement. [En parlant d'une œuvre qui, habituellement, ne porte pas la signature de son auteur] Émission signée X (Rob. 1985). − TECHNOL. Marquer d'un signe convenu. Signer des pièces d'orfèvrerie. Les graveurs signent leurs œuvres, et c'est là la preuve évidente du plaisir esthétique que l'on prenait à les contempler (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 362): 2. ... mes yeux vont à un ivoire japonais, un singe costumé en guerrier du Taicoun. La sculpture de l'armure est une merveille de fini et de perfection même: c'est un bijou de Cellini. Suppose-t-on ce que vaudrait ce bout d'ivoire, si l'artiste italien l'avait signé de son poinçon? Il est peut-être signé d'un nom aussi célèbre là-bas, mais sa signature ne vaut encore que 20 francs en France.
Goncourt, Journal, 1875, p. 1032. 3. a) Conclure par un acte signé quelque chose qui engage plusieurs parties. Signer un traité. L'Autriche avait signé la paix de Lunéville dans l'esprit où elle avait déjà, avec la Prusse et la Russie, partagé la Pologne, l'esprit de trafic qui s'était paré des principes contre-révolutionnaires (Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 104).Pauvres types (...). On leur donne l'ordre de se faire descendre pendant qu'on est en train de signer l'armistice (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 41). ♦ Signer de (+ inf.).S'engager formellement à faire quelque chose. La France avait signé de ne pas attaquer l'Allemagne (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 285). ♦ Absol. Les bougres avaient signé chez le notaire, c'était écrit, déposé à la justice! Ils s'en fichaient bien, de la justice! (Zola, Terre, 1887, p. 211). − Au fig. Signer la paix. Se réconcilier. Je viens vous demander la paix, en reconnaissant que tous les torts sont de notre côté... une amitié de trente-six ans, en la supposant altérée, a bien encore quelques droits. Voyons! signez la paix en venant dîner avec nous ce soir (Balzac, Cous. Pons, 1847, p. 71). b) Signer que (+ ind.).Confirmer par un acte signé quelque chose qui engage la responsibilité du signataire. Elles disent qu'elles ne peuvent pas signer que Jansénius a été coupable de certaines hérésies, parce qu'elles sont ignorantes et incapables de lire le gros livre latin où ces hérésies auraient été articulées (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 34).Tu as signé que tu avais empoisonné ta femme? − Oui (Daniel-Rops, Mort, 1934, p. 210). 4. Au fig. ou p. métaph. Marquer (de signes spécifiques identifiables ou reconnaissables). Signer son crime, son forfait. − [Le suj. désigne une chose qui est la marque de qqc.] Marquer. M. de Vigny aura jusqu'à la fin, et même dans sa période déclinante, de ces beaux vers larges qui signent sa poésie (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 6, 1864, p. 411).Il faut que cette journée prenne fin sur un mot, sur un geste qui la signent ou la biffent (Colette, Entrave, 1913, p. 150): 3. Blancheron, un coulissier, et un des plus fiers estomacs de la Bourse, était de ces natures énergiques, aux traits massifs, au masque opiniâtre (...) portant dans toute sa personne, ce quelque chose de durement impérieux, qui marque et signe les conquérants de l'argent...
E. de Goncourt, Faustin, 1882, p. 59. ♦ Empl. pronom. Ce en quoi la vie de province se signe le plus, est le geste, la démarche, les mouvements, qui perdent cette agilité que Paris communique incessamment (Balzac, Muse départ., 1844, p. 85). B. − Écrire, apposer un nom comme signature. Fantine savait à peine lire et ne savait pas écrire; on lui avait seulement appris dans son enfance à signer son nom (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 188).Au moment où je commençais à écrire, elle me dit encore: − J'ai une autre idée!... Faut pas signer Sibylle, faut signer Gabrielle (Gyp, Souv. pte fille, 1927, p. 159). II. − Vx. Faire le signe de croix sur. Le vieux Baron, en signant sa poitrine, Va visiter la reine Catherine; Sa fille reste, et dans la cour s'assied (Vigny, Poèmes ant. et mod., 1837, p. 174).Comme un pénitent eût fait d'une relique, Humblement il baisa le Bref apostolique, Le relut, et, signant trois fois son pâle front (Leconte de Lisle, Poèmes trag., 1886, p. 100). − Empl. pronom. réfl. Faire le signe de la croix sur soi. Mmede Condamin entrait. Elle s'arrêta un instant devant le bénitier, ôtant son gant, se signant d'un geste joli (Zola, Conquête Plassans, 1874, p. 1063).Pauvres de nous! s'écriait-il en se signant au nom du père, du fils et du saint-esprit (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 376). ♦ [Constr. avec un compl. prép. désignant la partie du corps qui touche le sujet en faisant le geste] De son pouce noirci d'encre, elle s'est signé le front, les lèvres (Bernanos, Journal curé camp., 1936, p. 1206). Prononc. et Orth.: [siɳe], (il) signe [siɳ]. L'anc. prononc. est ds Fér. 1768: si-né. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1230 signier de l'oiel « faire signe de l'œil » (Chevalier deux épées, 4806 ds T.-L.); b) xiiies. « faire un signe (à quelqu'un) » (Courtois Donneur, 72, ibid.); 2. a) ca 1328 « sceller une lettre » (Propriétés des choses, II, 11, 25, ibid.); b) ca 1330 « faire une marque à » (Guillaume de Digulleville, Pèlerinage vie hum., 507, ibid.); c) 1363 « marquer une pièce d'argenterie avec le poinçon » (doc. ds La Curne); 3. a) 1521 [éd.] signé « qui porte une signature » (Fabri, Rhétorique, l. 1, p. 282 ds Hug., s.v. signe1); 1538 « apposer sa signature » (Est.); 1606 être prêt à signer de son sang « être décidé à tenir infailliblement ce qu'on promet » (Nicot); b) 1789 « attester par sa marque ou sa signature qu'on est l'auteur d'un ouvrage » (Marat, Pamphlets, Offrande à la Patrie, p. 26); 4. a) 1548 « bénir par un signe de croix » (Farce de Pernet qui va au vin ds Anc. Théâtre, t. 1, p. 211); b) 1611 se signer « faire le signe de la croix » (Cotgr.). Réfection, d'apr. signe*, de l'a. fr. seignier, d'abord att. au sens de « faire le signe de la croix sur quelqu'un ou quelque chose » (ca 1100, Roland, éd. J. Bédier, 340; on trouve encore se seignier de la bonne main « faire le signe de la croix de la main droite » (1534, Rabelais, Gargantua, chap. 23, éd. R. Calder, M. A. Screech et V.-L. Saulnier, p. 163)) puis au sens plus gén. de « faire une marque à » (1remoit. du xiies., Psautier Oxford, 4, 7 ds T.-L.) d'où s'est développé celui de « apposer sa signature à ». Seignier représente le lat. signare « marquer d'un signe, sceller, signaler, désigner, distinguer », dér. de signum (signe*). Fréq. abs. littér.: 2 182. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 228, b) 3 444; xxes.: a) 2 933, b) 2 913. Bbg. Gall. 1955, p. 184, 449. − Gohin 1903, p. 262. |