| SERVILE, adj. A. − [En parlant d'un inanimé] 1. Relatif aux serfs, aux esclaves, à leur condition. Tenure servile. Toujours tremblant d'être découvert, parce qu'il portait visible à tous les yeux le signe de sa condition servile (Thierry,Récits mérov., t. 2, 1840, p. 197).Ils se refusaient à reconnaître la condition servile des paysans de la campagne environnante et les admettaient à passer des contrats comme des hommes libres (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 1084). − ANTIQ. ROMAINE. Guerre servile. Guerre des esclaves contre leurs maîtres. Si l'on en croit Athénée, un million d'esclaves avait péri dans les deux guerres serviles (Michelet,Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 165). − RELIG. Crainte servile. Crainte de Dieu en tant que seigneur, vengeur du péché. (Ds Littré, Rob.).
Œuvre servile. Travail manuel rétribué (interdit par l'Église chrétienne les jours de repos). Quand l'église a fait ce commandement de s'abstenir à certains jours de toute œuvre servile, il y avait des serfs alors liés à la glèbe (Courier,Pamphlets pol., Pétition pour vill., 1822, p. 137). 2. Relatif aux domestiques et, p. méton., aux tâches ingrates mais indispensables. Si la plupart de ceux qui exercent les fonctions réputées serviles sont réellement abrutis, c'est qu'ils ont la tête vide (Renan,Avenir sc., 1890, p. 397).L'homme libéré du travail servile, cérébral ou manuel, a au moins la possibilité de se cultiver et de dominer davantage son destin. La régulation automatique, pour un être vivant, n'est pas la sagesse, mais elle est bien condition et commencement de la sagesse (Ruyer,Cybern., 1954, p. 18). B. − Au fig. 1. [Avec une réf. mor.] a) [En parlant d'un inanimé] Qui présente un caractère de soumission excessive; qui manifeste de la bassesse morale. Synon. obséquieux.Flatterie, obéissance servile. Il dévouait à la mort les cent mille hommes qui lui restaient. La servile stupidité du siècle prétend faire passer cette pitoyable affectation pour la conception d'un esprit incommensurable (Chateaubr.,Mém., t. 2, 1848, p. 443).Cette facilité aimable des choses et gens de Londres, ce respect et ces attentions, non serviles, devant les « signes extérieurs de l'argent » (Larbaud,Journal, 1934, p. 300). b) [En parlant d'une pers.] Qui est soumis au point de se comporter de façon dégradante, humiliante envers ceux dont il dépend. Flatteur servile. On ne se montrait pas par là un courtisan servile, mais bien un serviteur tendrement dévoué (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 806).L'homme était un petit chétif, blond, obséquieux, affreusement servile (Daniel-Rops,Mort, 1934, p. 264). − [P. méton.] Âme, esprit servile. − Oui, Madame Pradonet, répondit-il avec un sourire servile (Queneau,Pierrot, 1942, p. 118).Un maître d'hôtel aux gestes serviles (Druon,Gdes fam., t. 1, 1948, p. 73). − Empl. subst., rare. Tout est si corrompu... Ils ne souffrent autour d'eux que des serviles, que des chiens couchants (Martin du G.,Thib., Sorell., 1928, p. 1230). 2. [Avec une réf. intellectuelle ou esthétique, en parlant d'un inanimé] Qui reproduit fidèlement un modèle, sans originalité. Imitation servile. Oh! rien n'est ennuyeux comme l'Anglais qui se prend de colère parce que toute l'Europe n'est pas une servile copie de son Angleterre. Ces gens n'ont de bon que les chevaux et leur patience à conduire un vaisseau (Stendhal,L. Leuwen, t. 2, 1835, p. 149).La France d'un mobilier usuel libéré de toute imitation servile du passé (Viaux,Meuble Fr., 1962, p. 174). − En partic. [En parlant d'une traduction ou d'un traducteur] Qui s'attache plus à la lettre qu'à l'esprit d'une œuvre. L'idée que je me fais d'une bonne traduction, qui pour être exacte doit ne pas être servile, et au contraire tenir un compte infiniment subtil des valeurs (Claudel,Corresp.[avec Gide], 1911, p. 172). C. − LING. Lettres serviles. [Les] lettres serviles [sont] (...) employées pour noter les modifications de racines qui caractérisent les genres, les nombres, les modes, etc. [dans certaines langues sémitiques] (Mar.Lex.1933, p. 112). REM. Serviliser (se), verbe pronom.,hapax. Celui-ci se jetant à ses genoux, en une déclaration d'amour fou, s'écria « qu'il préférait se serviliser auprès d'elle que de ne plus la voir... » (Péladan,Vice supr., 1884, p. 38). Prononc. et Orth.: [sε
ʀvil]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 2emoit. xiiies. [ms.] fig. servil « qui a un caractère de soumission excessive » (Delivr. du peup. d'Isr., ms. du Mans 173, f o19 v ods Gdf. Compl.), forme − déb. xviies. ds Hug.; 2. 1303 servel « relatif à l'état d'esclave ou de serf » (Affranch., S.-Sauveur de Blois, ms. Blois ds Gdf. Compl.: condicion servel); ca 1350 servile (Bersuire, f o26, verso ds Littré). Empr. au lat.servilis « id. » au propre et au fig.; − dér. de servus « esclave » −, att. en lat. médiév. au sens de « propre aux non-libres » 789 ds Nierm., « relatif à un tenancier serf » 828, ibid. et comme subst. « tenancier d'un manse servile » 905-906, ibid. Fréq. abs. littér.: 432. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 722, b) 492; xxes.: a) 770, b) 493. DÉR. Servilisme, subst. masc.Esprit de servilité. Le servilisme général qui règne ici (bassesse et lâcheté) vous soulève le cœur de dégoût (Flaub.,Corresp., 1850, p. 151).L'absurde eût été d'espérer de ces malheureux, dans des conjonctures écrasantes, une autre attitude que celle d'un servilisme furieux (Bernanos,Gde peur, 1931, p. 421).− [sε
ʀvilism]. − 1reattest. 1794 (Babeuf, Le Tribun du peuple, déc., n o28, p. 41 ds Quem. DDL t. 11); de servile, suff. -isme*. − Fréq. abs. littér.: 15. BBG. − Darm. 1877, p. 215 (s.v. servilisme). − Dub. Pol. 1962, p. 419 (s.v. servilisme). |