| SERRE1, subst. fém. A. − 1. [Corresp. à serrer II A 1] Action de soumettre à une pression; résultat de cette action. − VITIC. Pressurage du raisin; résultat de celui-ci. Dans la préparation du Champagne on appelle première serre, deuxième serre, etc., les produits successifs du pressurage (...). La première serre donne le vin de cuvée (Lich.Vins1984). 2. [Corresp. à serrer II C] Dispositif destiné à assujettir quelque chose, à maintenir un contact étroit entre plusieurs éléments. a) FOND. Presse ou pinces qui permet(tent) de serrer l'une contre l'autre les deux parties d'un moule. (Dict. xixeet xxes.). b) MAR. ,,Ceinture intérieure longitudinale du bâtiment, chevillée à tous les couples par leur face intérieure`` (Merrien 1958). c) ORFÈVR. Petit cadre qui s'enchâsse dans les moules où l'on fond l'or et l'argent. (Dict. xixeet xxes.). B. − [Corresp. à serrer II A 1 b] Au plur. Griffes de rapaces; p. ext., griffes d'oiseaux. Serres d'un aigle, d'un faucon, d'un vautour; serres d'un corbeau, d'une mouette. L'oiseau (...) vint se poser (...) sur le tronc d'un bouleau (...). C'était une buse des bois. Debout (...), les serres implantées dans l'écorce (Genevoix,Raboliot, 1925, p. 298).Une image qui représentait un pygargue en train d'enfoncer, la tête sous l'eau, ses serres dans le dos d'un gros brochet (Fargue,Piéton Paris, 1939, p. 10). − P. métaph. Un soir, nous vîmes dans notre retraite quelqu'un entrer à la dérobée par une fenêtre et sortir par une autre: c'était M. Laborie; il se sauvait des serres de Bonaparte (Chateaubr.,Mém., t. 2, 1848, p. 34). − Loc. verb. fig., fam. Tenir dans ses serres. Tenir à sa merci. Elle traita Conrad comme un ennemi; elle le déchira à plaisir, et lui fit tout le mal dont elle put s'aviser, et, comme elle le tenait terrassé dans ses serres, elle eut satisfaction entière de son procédé! (Gobineau,Pléiades, 1874, p. 322). Rem. Au sing. dans des cont. littér. ou métaph. La griffe et la serre ont une sensualité monstrueuse; c'est le mouvement obscur de la bête emprisonnée dans leur tenaille (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 569). J'ai trouvé les enfants dans la serre des gens de loi (Claudel, Violaine, 1901, IV, p. 644). C. − 1. [Corresp. à serrer I] Vx. Endroit clos où l'on conserve quelque chose. (Dict. xixeet xxes.). Synon. resserre.Serre à légumes (Rob. 1985). 2. Construction en verre ou plastique, fixe ou démontable, parfois chauffée, utilisée pour mettre les plantes à l'abri de l'hiver et pour cultiver les plantes exotiques ou délicates, hâter la production de certains fruits, fleurs ou légumes ou protéger les semis fragiles. M. Legonidec fit enlever dans la serre quinze palmiers, qu'il envoya pour son jour de l'an à une cocotte (Goncourt,Journal, 1871, p. 717).Il existe de nombreux modèles de serres de jardin, de balcon (adossées), d'appartement (mini-serre). Dans sa forme la plus sophistiquée, la serre peut devenir un salon-serre, un jardin d'hiver. Une véranda fait parfois office de serre (Bén.-Vaesk.Jard.1981). SYNT. Serre chaude (de plus 15oà plus 30o), tempérée (de plus 8oà 10/12o), froide (de plus 3oà 5/10o); serre humide, sèche; serre à forcer; serre démontable; serre d'horticulteur, de pépiniériste, du jardin des Plantes; raisin, fleurs de serre; culture en serre; mettre une plante en serre. − Chaleur, température de serre. Chaleur humide et étouffante; température excessive. « Princesse, je vous dérange, » dit le comte en entrant dans l'atelier dont la chaleur de serre lui fit monter le sang aux oreilles (Péladan,Vice supr., 1884, p. 91).Un feu de bois, malgré la saison, entretient une température de serre dans la pièce (Martin du G.,Notes Gide, 1951, p. 1394). − Spéc. Effet (de) serre ♦ CLIMATOL. Rétention de l'énergie calorifique du soleil due à l'absorption sélective de l'atmosphère. Mélangé aux autres polluants, il [le CO2] forme un écran qui perturbe le va-et-vient des rayons solaires réfléchis par la surface de la Terre: l'« effet de serre », comme disent les climatologues (L'Express, 28 févr. 1981, p. 98, col. 3).La forêt [amazonienne] ne peut en aucun cas être sacrifiée sans une augmentation de la réflexion du soleil sur les zones équatoriales et un accroissement du gaz carbonique dans l'air. Deux « effets serre » qui pourraient radicalement modifier le climat sur terre (Le Point, 27 avr. 1981, p. 86, col. 3). ♦ PHYS. Phénomène selon lequel un milieu isolé par une paroi transparente à la lumière solaire s'échauffe en raison de l'opacité de cette même paroi au rayonnement infra-rouge émis par les corps ainsi isolés dans ce milieu. Solution à la crise du pétrole? Sans aucun doute, car la « serre » fournira 87 pour cent des besoins en énergie à l'ensemble des habitations. Principalement grâce à l'effet de serre et à une batterie de capteurs solaires placés sur les toits (Le Point, 27 août 1979, p. 56, col. 1). − P. métaph. ou p. anal. Fleur/plante de serre. Être ou chose délicat(e), fragile ou inconsistant(e), issu(e) d'un milieu très protecteur. Ils allèrent aux bains de mer, mais à regret, pensant sur les plages de l'océan aux trottoirs des boulevards. Leur amour lui-même s'y ennuya. C'était une fleur de la serre qui avait besoin du grand lit gris et rose, (...) de l'aube dorée du petit salon (Zola,Curée, 1872, p. 497). ♦ Loc. Cela est venu en serre (chaude); c'est un fruit de serre (chaude). C'est un talent peu solide dont le succès est obtenu dans des conditions anormalement favorables. Un riche ne peut pas être un grand artiste (...). Même s'il y parvient, il est toujours un fruit de serre (Rolland,J.-Chr., Amies, 1910, p. 1124). REM. Serriste, subst.Spécialiste de la culture en serres. Les entrepreneurs paysagistes, les pépiniéristes (...) et les serristes accroissent leur volume d'affaires (Le Soleil, 13 avr. 1985, E1, col. 2). Prononc. et Orth.: [sε:ʀ]. Homon. cerf, serf, serre2et formes de servir. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) Ca 1150 « ce qui serre, presse » ici « branche du mors d'un cheval » (Roman de Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 4604); b) α) 1481 mar. « planche servant au revêtement intérieur des membres du navire » (Bull. du Comité Trav. Hist., 1897, p. 109 ds IGLF); 1691 serre de mât (Ozanam);
β) 1723 terme de fond. (Savary);
γ) 1812 terme d'orfèvr. (Mozin-Biber); c) α) 1549 « fait d'être serré, pressé » (Rabelais, Sciomachie, III, 398 ds Hug.);
β) 1732 « action de presser les fruits dans un pressoir » (N.-A. Pluche, Le Spectacle de la nature, t. 2, p. 363 ds Trév. 1752); 2. 1549 « griffe, ongle des oiseaux de proie » (Est., p. 668); fig. 1579 tenir en ses serres (H. Estienne, Prec., 130 ds IGLF). B. 1. Ca 1220 « endroit clos, prison » (Gui de Cambrai, Barlaam et Josephat, 130 ds T.-L.); 2. 1642 « lieu où l'on met les fruits pour les conserver » (Oudin Fr.-Ital.); 1660 « lieu où on renferme les plantes » (Oudin Esp.-Fr.); 1762 serre chaude (Encyclop. Planches t. 1, p. 15b); fig. 1791 (Mirabeau, Collection, t. III, p. 232 ds Littré); 3. 1877 « local où à la banque, on garde les valeurs » (Littré Suppl.). Déverbal de serrer*. Fréq. abs. littér.: 675. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 712, b) 1 532; xxes.: a) 1 102, b) 774. Bbg. Archit. 1972, p. 180. − Françon (M.). Note sur le mot serre. Fr. mod. 1949, t. 17, pp. 182-184. |