| SENTIR, verbe trans. I. − [Le suj. désigne un être vivant doué de sensibilité] Percevoir, éprouver une sensation, une impression. A. − [Par l'intermédiaire des sens (excepté la vue et l'ouïe)] 1. Percevoir, éprouver une sensation physique qui renseigne sur l'état de l'organisme ou sur le milieu extérieur. Une saveur âcre qu'elle sentait dans sa bouche la réveilla (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 170).Je sentais la caresse légère de ses doigts sur mon cou (Gracq, Syrtes, 1951, p. 154). SYNT. Sentir la faim, la fatigue, la soif; sentir une démangeaison, une douleur; sentir la sueur sur son front, les battements de son cœur, des larmes prêtes à jaillir; sentir la chaleur du sable, du soleil; sentir le froid de l'eau glacée, de la bise; sentir une main qui agrippe; sentir un objet dans sa poche; sentir un goût d'ail, d'oignon dans un plat. ♦ [Suivi d'une inf.] Sentir ses forces faiblir, ses genoux fléchir, sa voix trembler, le froid tomber. Cela commença par le bruit aigre d'une croisée qui roulait lentement sur ses gonds, et à travers laquelle je sentis poindre l'air pénétrant des brumes humides de septembre (Nodier, Fée Miettes, 1831, p. 121).Il (...) sentit grincer le sable sous ses semelles (Bernanos, Joie, 1929, p. 717). ♦ [Suivi d'une complét.] Elle sentit qu'elle avait très froid (Maupass., Une Vie, 1883, p. 249).Je sentis que je rougissais (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 41). ♦ Absol. Quand tu dis (...): « Je me brûle », tu ne fais (...) que sentir. Sentir, cette chose que tout le monde connaît par expérience, et que personne, jusqu'à cette année 1805, n'a pu décrire (Stendhal, Corresp., t. 1, 1805, p. 139). ♦ Empl. pronom., littér. Nuit de juin! Dix-sept ans! − On se laisse griser. La sève est du champagne et vous monte à la tête... On divague; on se sent aux lèvres un baiser Qui palpite là, comme une petite bête (Rimbaud, Poés., 1871, p. 71). ♦ Empl. subst. masc. Le sentir. La faculté de sentir. On a fini par croire que tout se réduisait à la sensation; qu'il suffisait de transformer la sensation produite par un corps en une autre sensation pour avoir l'explication des facultés intellectuelles. Néanmoins le sentir n'explique pas tout: il n'explique pas (...) les sentiments moraux. (...) la preuve, c'est qu'on trouve ce phénomène chez tous les êtres qui sont du domaine de la zoologie (Broussais, Phrénol., 1836, p. 69). − Empl. factitif. Se faire sentir.Se manifester, devenir sensible. La douleur, la faim, la soif se fait sentir; action, nécessité qui se fait sentir. Le découragement commençait à se faire sentir dans toutes les sphères de l'armée et même au grand quartier général (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 319). ♦ En partic. [Le suj. désigne un agent atmosphérique] Le froid se fait sentir. La bonne chaleur du soleil (...) avait commencé à se faire sentir dès le mois de mars (Ramuz, Gde peur mont., 1926, p. 14).Malgré l'approche du mauvais temps dont les premiers effets se faisaient déjà violemment sentir au débouquer, matelots et marchands faisaient cercle autour de l'unique mât (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 11). − Locutions ♦ Ne pas/ne plus sentir ses bras, ses jambes, ses pieds. Ne pas ne plus les percevoir, comme s'ils étaient devenus insensibles (à cause d'une grande fatigue, d'un grand froid). J'arrête Luce au passage et la force à s'asseoir une minute: − Tu n'en es pas fatiguée, de ce métier-là? − Tais-toi! Je danserais pendant huit jours! Je ne sens pas mes jambes (Colette, Cl. école, 1900, p. 315).Plus rarement, à la forme affirm. Sentir ses bras, ses jambes. Y percevoir des douleurs ou des courbatures provoquées par un excès de fatigue. D'un balancement de sa fourche, elle prenait l'herbe, la jetait dans le vent (...). − Ah! ma petite, dit Palmyre, de sa voix dolente, on voit bien que tu es jeune... Demain, tu sentiras tes bras (Zola, Terre, 1887, p. 134). ♦ Sentir la main qui vous démange. V. démanger B. ♦ Ne pas sentir sa force*. − P. anal. ♦ Sentir son cheval. Percevoir les mouvements et réactions de son cheval et savoir en tirer habilement parti. Le cavalier doit être plus qu'un technicien: le compagnon de sa monture. Il doit la sentir, la comprendre, se comporter en psychologue (Jeux et sports, 1967, p. 1604). ♦ MAR. [Le suj. désigne un navire] Sentir sa barre. Obéir instantanément à l'action du gouvernail (d'apr. Gruss 1978). Sentir le fond. Manœuvrer avec peu d'eau sous la quille et abattre d'un bord ou de l'autre de façon imprévisible (d'apr. Merrien 1958). 2. En partic. a) Percevoir par l'odorat. Sentir un parfum de fleur, l'odeur d'un mets, une odeur désagréable; ne rien sentir (parce que l'on est enrhumé). Carmen, en chemise, se glissait à côté de lui. Il sentit le parfum fort de ses épaules rondes (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 359).Je connais toutes les pierres du chemin et je me dirigerais, s'il le fallait, aux odeurs, comme mon père sait le faire, depuis qu'il est aveugle. Tenez, en longeant ce mur, nous allons sentir les lilas. C'est une senteur délicieuse (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 100). ♦ Absol. En émoussant peu à peu ces impressions qui retiennent d'abord toute l'attention de l'enfant, l'habitude lui permet de saisir les attributs particuliers des corps; elle lui apprend ainsi insensiblement à voir, à entendre, à sentir, à goûter, à toucher, en le faisant successivement descendre, dans chaque sensation, des notions confuses de l'ensemble aux idées précises des détails (Bichat, Rech. physiol. vie et mort, 1822, p. 65). ♦ Empl. pronom. à sens passif. La camériste faisait remarquer à M. le Conseiller Vénérable l'affreuse odeur qui se sentait dans tout l'étage (Jouve, Scène capit., 1935, p. 150). − Loc. fig., fam. Ne pas pouvoir sentir (qqc., qqn). Éprouver (pour quelque chose, quelqu'un) une grande aversion, une grande antipathie. Synon. détester, haïr, ne pas pouvoir supporter (qqc., qqn) (v. supporter1), ne pas pouvoir souffrir* (qqn) (fam.).Je demande: C'est-y des tableaux vivants?... Parlez donc français − dit Madame Garabis agacée − allons! Reprenez (...) Elle peut pas sentir ma façon de parler. Docilement je reprends: Est-ce des tableaux vivants? (Gyp,Souv. pte fille,1928,p. 167).− (...) quand elle va revenir des toilettes, offrez-lui un verre pendant que nous allons voir les figures de cire. − Ah! non pas moi! dit Lewis. − Mais il lui faut un homme pour s'occuper d'elle. Elle ne connaît pas Bert et elle ne peut pas sentir Willie. − Mais moi je ne peux pas sentir Évelyne, dit Lewis (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 521). ♦ Empl. pronom. réciproque. Ne pas pouvoir se sentir. [Maman] avait été la belle-mère de mon oncle et ils ne pouvaient pas se sentir. Je ne sais pas s'ils étaient formellement brouillés, ou s'ils évitaient simplement de se rencontrer (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 236).Il est des peuples que tout désigne pour une guerre, leur peau, leur langue et leur odeur, ils se jalousent, ils se haïssent, ils ne peuvent pas se sentir (Giraudoux, Guerre Troie, 1935, ii, 13, p. 185). − P. anal. [Le suj. désigne un animal et plus partic. un chien] Percevoir une piste grâce au flair. On ne conçoit pas, mais on voit, on ne peut qu'admirer comment le chien sent souvent après plusieurs heures l'empreinte légère du pied d'un lièvre (La Hêtraie, Chasse, vén., fauconn., 1945, p. 149).Absol. Dès qu'il pleut trop ou qu'il fait trop sec, que mon chien ne sent plus, que je tire mal, et que les perdrix deviennent inabordables, je me crois en état de légitime défense (Renard, Hist. nat., 1896, p. 264). ♦ [Le suj. désigne un cheval] Sentir l'écurie*. b) Chercher à percevoir l'odeur de quelque chose. Synon. flairer, humer, renifler (fam.), respirer.Sentir un flacon de parfum, un bouquet de fleurs; sentir le bouquet d'un vin. Un moment, elle a tiré l'œillet de sa poitrine, l'a longuement senti de ses narines ouvertes, puis me l'a passé presque comme une chose qu'elle aurait laissée et m'a dit: « Sentez, j'adore cette odeur (...) » (Goncourt, Journal, 1864, p. 70).Pense que chaque soir, il y a une femme qui pense à toi, une femme qui voudrait s'étendre contre toi, sentir l'odeur de tes cheveux et s'endormir dans ta chaleur (Pagnol, Fanny, 1932, iii, 10, p. 207). B. − [Par l'intermédiaire de l'intellect] 1. Avoir, prendre conscience de. Je fus d'abord très touché de cette vue, et ce fut un remords qu'il me donna de n'avoir pas assez senti ce que vaut un père (Vigny, Serv. et grand. milit., 1835, p. 178).Il s'était mis, pour ne plus sentir la misère de son existence, à travailler éperdument (Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 47). − [Suivi d'une inf.] Tâchez d'atteindre à cette idée sublime, que le véritable bonheur de l'homme ne se trouve que dans le bonheur de ses semblables; dites en vous-mêmes, et dans le secret d'un cœur calme et pur: Je sens avoir besoin du bonheur des autres (Saint-Martin, Homme désir, 1790, p. 95). − [Suivi d'une interr. indir.] J'ai été bien content de t'avoir vue hier; je sens combien ta société a de charmes pour moi (Napoléon Ier, Lettres Joséph., 1810, p. 196). − Constr. factitive. Faire sentir (qqc.) à (qqn).Faire comprendre (quelque chose) à (quelqu'un) de manière plus ou moins directe. Aussitôt rentrés, Amélie trouva le moyen de me faire sentir qu'elle désapprouvait l'emploi de ma journée (Gide, Symph. pastor., 1919, p. 897).Chaque fois que vous citiez les Offices, le Prado, les Thermes, j'étais sûr que ce n'était qu'une occasion de me faire sentir que j'ignorais les voyages, Florence, Madrid, Rome (Nizan, Conspir., 1938, p. 228). ♦ En partic. Faire comprendre à quelqu'un les points importants d'un exposé, d'un ouvrage en les lui expliquant bien. M. d'Arlincourt (...) venait demander à Michaud d'en parler [de son dernier ouvrage] de manière à faire sentir au public tout ce qu'il y avait de profond, de délicat dans cette conception (Delacroix, Journal, 1854, p. 190).On sait le rôle important que jouent dans les astres ces « pressions de Maxwell-Bartoli ». J'espère avoir pu faire sentir au lecteur, par cette brève analyse, l'intuition profonde et l'extrême souplesse d'esprit de Maxwell (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 240). − Loc. Sentir la moutarde lui monter au nez. V. moutarde ex. 2. 2. Percevoir par l'intuition. Synon. deviner, pressentir, subodorer. a) [Le compl. désigne un fait, une impression, un sentiment] Sentir une trahison. Cette confiance insensée, on la sentait chez tous les hommes (...) elle était dans l'air (...). Était-ce le canon qui sonnait sans relâche (...), qui enfonçait en nous cette certitude de vaincre? (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 181).C'est bien la femme qu'il te faut. Elle te rendra heureux. Tu sais, entre elles, les femmes sentent ça (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 251). − [Suivi d'une complét.] Mon exil était plus sérieux et plus lointain qu'il n'avait d'abord paru; chacun sentait que la vie pour moi s'apprêtait à vraiment changer (Gracq, Syrtes, 1951, p. 11). − Locutions ♦ Sentir bien (qqc.). En éprouver la certitude. Pluvinage est peut-être le seul d'entre eux qui adhère pleinement à son action, mais c'est une adhésion qui ne peut que mal finir, parce qu'il ne se soucie au fond que de vengeance et croit à son destin sans retour d'ironie sur lui-même. Tout cela est terriblement provisoire, et ils le sentent bien (Nizan, Conspir., 1938, p. 24.[Suivi d'une complét.] Comment ai-je pu lui résister, se disait-il; si elle allait ne plus m'aimer! (...) Le soir, il sentit bien qu'il fallait absolument paraître aux Bouffes dans la loge de Mmede Fervaques (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 422). ♦ Sentir la mort (pop.). La veuve Dentu se trouva là juste à point, venue soudain ainsi que le prêtre, comme s'ils avaient « senti la mort », selon le mot des domestiques (Maupass., Une Vie, 1883, p. 164). ♦ Sentir venir qqc. (de mauvais). Félix ne le sait que trop bien, et sent le châtiment venir (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 192): 1. L'Intransigeant, qui fut longtemps (...) le seul grand journal du soir de Paris, avait été détrôné par Paris-Soir dès 1933. Sentant venir le danger, son directeur Léon Bailby avait organisé le journal de Rochefort, modernisé son imprimerie, agrandi ses bureaux.
Coston, A.B.C. journ., 1952, p. 47. ♦ Sentir le vent tourner, que le vent va tourner. Pressentir, deviner un changement de situation. Il sut s'arrêter dès qu'il sentit que le vent allait tourner, et que mieux valait demeurer l'auteur du Barbier et de Guillaume Tell qu'ajouter au catalogue de ses œuvres quelques numéros qui l'auraient alourdi sans augmenter sa gloire (Dumesnil, Hist. théâtre lyr., 1953, p. 123). b) [Le compl. désigne une pers.] − Madame, est-il vrai que vous passiez l'hiver ici, comme l'été? Vous devez vous y trouver terriblement seule! Ses yeux bruns m'examinent deux secondes. Elle a vite fait de sentir un allié. − Oui, seule (Farrère, Homme qui assass., 1907, p. 111).Je pensai moi aussi à m'éloigner, mais je sentais les deux jeunes gens si gênés, si anxieux, l'un en face de l'autre, que je jugeai prudent de ne pas le faire (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p. 266). − [Suivi d'une inf.] Au fond cette petite guerre sourde et venimeuse l'affligeait beaucoup; il sentait Tarascon lui glisser dans la main (A. Daudet, Tartarin de T., 1872, p. 40). − En partic. [Le compl. désigne un artiste, un écrivain] Le comprendre en profondeur, être sensible à son art, à sa manière d'écrire. Sur d'autres sujets voisins de Racine, il [La Harpe] est incomplet; il sent peu Molière (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 5, 1851, p. 119).Je me suis élevé contre leur ami R... qui n'aime pas Cimarosa, qui ne le sent pas, à ce qu'il dit avec une certaine satisfaction de lui-même (Delacroix, Journal, 1853, p. 72). c) [Le compl. désigne Dieu] Percevoir par la foi, l'intuition mystique. L'âme ne peut se mouvoir, s'éveiller, ouvrir les yeux, sans sentir Dieu. On sent Dieu avec l'âme, comme on sent l'air avec le corps. Oserai-je le dire? On connaît Dieu facilement, pourvu qu'on ne se contraigne pas à le définir (Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 98). − Empl. pronom. à sens passif. L'abbé Renaud la rassurait. − Dieu se sent, lui disait-il, et ne se prouve pas. Laissons ce cœur s'ouvrir (Feuillet, Sibylle, 1863, p. 339). 3. Éprouver, par la voie de la sensibilité artistique, une émotion, un sentiment d'ordre esthétique. Synon. apprécier, goûter1.Sentir la beauté d'un paysage, d'un tableau, d'une poésie, d'une œuvre musicale; sentir la poésie des vieilles pierres. Le soir, dans le trio de Mozart, pour alto, piano et clarinette, j'ai senti délicieusement quelques passages, et le reste m'a paru monotone (Delacroix, Journal, 1853, p. 24): 2. Il faut avouer que l'Esthétique est une grande et même une irrésistible tentation. Presque tous les êtres qui sentent vivement les arts font un peu plus que de les sentir; ils ne peuvent échapper au besoin d'approfondir leur jouissance.
Valéry, Variété III, 1936, p. 139. ♦ Absol. D'autres artistes sentent vivement mais n'ont point de raisonnement abstrait, et comme les précédents, leur communion avec le monde est peu profonde (Gilles de La Tourette, L. de Vinci, 1932, p. 120). C. − [Par l'intermédiaire de l'affectivité] 1. Littér. Ressentir, éprouver un sentiment, un besoin. Sentir de l'allégresse, de l'inquiétude, de la peine, du plaisir, une grande détresse. Cette femme parut charmée de ce que je lui disais; encouragé par là, je sentis de la joie, de l'amour, de la tendresse (Restif de La Bret., M. Nicolas, 1796, p. 228).Il reconnut qu'il avait peur. Il entra deux fois dans des cafés pleins de monde. Lui aussi, comme Cottard, sentait un besoin de chaleur humaine (Camus, Peste, 1947, p. 1262). − Sentir + [subst. désignant un sentiment] pour qqn.Sentir de l'amour pour qqn. Oui, je sentis pour cette fille une tendresse inexprimable (Restif de La Bret., M. Nicolas, 1796, p. 60).Harbert sentait pour l'ingénieur une vive et respectueuse amitié (Verne, Île myst., 1874, p. 175). ♦ Ne rien sentir pour qqn. Ne ressentir aucun sentiment pour quelqu'un, ne pas l'aimer. Ils étaient restés seuls; la conversation languissait évidemment. Non! Julien ne sent rien pour moi, se disait Mathilde vraiment malheureuse (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 320). 2. Vieilli. Ressentir, éprouver les suites, le contrecoup d'un événement. Le général Meunier, commandant la place de Cassel, fut blessé d'un éclat d'obus, dont il mourut quelques jours après. Toute la garnison sentit ce coup (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 112). II. − [Le suj. désigne qqn ou qqc.] A. − Exhaler, répandre (une odeur). 1. a) [Le compl. est un subst.] Sentir l'ail, le crottin, la cuisine, le jasmin, le poisson, la poussière, la rose. Je suis descendu, plié en deux, dans notre guitoune, petite cave basse, sentant le moisi et l'humidité (Barbusse, Feu, 1916, p. 18).Je trouvai ma mère très calme: − Tu sens l'eau-de-vie, me dit-elle. D'où viens-tu? (France, Vie fleur, 1922, p. 306). − P. iron., fam. Ça ne sent pas la rose! (Ds Lar. Lang. fr.) Ça sent mauvais. (Ds Lar. Lang. fr.). − P. métaph. Quand on lit à l'ombre d'un chêne les poèmes de Ronsard qui sentent le buis et le laurier, il semble que des apparitions furtives de hanches et de seins nus animent le lit des eaux paisibles (Faure, Hist. art, 1914, p. 496). b) [Suivi d'un adj. empl. adverbialement] Ces fleurs sentent bon; ce fromage sent fort. Il m'annonça qu'il ne se lavait plus, et que c'était pour cela que ça sentait si mauvais dans la pièce (Gide, Si le grain, 1924, p. 476).Tante Aline les retournait [les souliers] dans tous les sens, en les astiquant avec une crème qui sentait très fort (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 47). − Au fig., pop., fam. Sentir mauvais, ne pas sentir bon. Prendre une mauvaise tournure. Synon. tourner mal, se gâter.Je ne sais quel mic-mac il y a chez eux, dit la vieille fille, mais ça ne sent pas bon (...) Ce Florent (...) qu'est-ce que vous en pensez, vous autres? (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 677).Au commencement, c'était varié, amusant, pittoresque, cette bataille insoluble entre mon règlement et les passagers. Mais ça commence à sentir mauvais. Ça dure. Ça s'éternise (Audiberti, Quoat, 1946, 2etabl., p. 79). − Fam. [Suivi d'un compl. redoublé par l'adj.] Ça sent bon la rose, les fleurs. − Patron, je vous apporte mon lapin sauté. − Oh! oh! ça sent bon l'ail, dit Lecouvreur (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p. 147). ♦ P. métaph. Si maladroites soient-elles [des peintures], le charme de leurs formules c'est d'être spontanées, variées, sincères, de sentir bon la vie (Dorival, Peintres XXes., 1957, p. 19). c) Absol. Cette viande, ce poisson commence à sentir. Ce qu'elle doit avoir chaud! Il caressa un peu la fourrure et un parfum tiède et lourd s'en dégagea. C'est donc ça qui sentait, tout à l'heure. Il caressait la fourrure à rebrousse-poil et il était content (Sartre, Sursis, 1945, p. 193). − En partic. [Le suj. désigne un cadavre] Lorsqu'il s'approcha, il reconnut que vraiment Forestier commençait à sentir; et il éloigna son fauteuil, car il n'aurait pu supporter longtemps cette odeur de pourriture (Maupass., Bel-Ami, 1885, p. 194). − Sentir de + compl. désignant une partie du corps.Sentir des pieds, de la bouche. Depuis quèq' temps je r'marque (...) que tu sens fort des pieds! (Courteline, Train 8 h 47, 1888, p. 94). 2. Loc. fig. et fam. ♦ Sentir le brûlé*, l'encre*, le fagot*, l'huile*, la lampe*, le roussi*, le sapin*. − Vieilli ♦ Sentir la corde, l'échelle, le gibet, la lime, la mort, la potence. Être suspect, mériter la mort. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Sentir son fruit. Répandre une odeur sui generis. Dans l'air chaud, une puanteur fade montait de tout ce linge sale remué. − Oh! là là, ça gazouille! dit Clémence, en se bouchant le nez. − Pardi! si c'était propre, on ne nous le donnerait pas, expliqua tranquillement Gervaise. Ça sent son fruit, quoi! (Zola, Assommoir, 1877, p. 505). − Proverbe. La caque* sent toujours le hareng. B. − Révéler par l'odeur, le goût, la saveur de. Plat qui sent le brûlé; poisson qui sent la vase; vin qui sent le bouchon, l'aigre. J'accepte, pour plaire à Claudine, des bribes de chocolat grillé, qui sent un peu la fumée, beaucoup la praline (Colette, Cl. s'en va, 1903, p. 40).Là, peut-être, quelque vieille femme, à l'angle d'une rue noire, serrait-elle encore contre sa poitrine un pot fumant de ces châtaignes bouillies qui sentent l'anis (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 286). C. − Au fig. Présenter, révéler les caractères de. 1. [Le compl. désigne un inanimé concr. ou abstr.] Sentir le blasphème, la manigance, la ruse. Elle s'écrie: « On ne sait pas ce qu'on a dit sur moi, sur ma maison. On a dit que ça sentait la Cour d'Assises! » (Goncourt, Journal, 1865, p. 187).Vêtu en traditionnel Gugusse d'hippodrome, tout, en Jarry, sentait l'apprêt (Gide, Faux-monn., 1925, p. 1170).Sentir le terroir*. − En partic. [Le suj. et le compl. désignent un facteur climatique ou saisonnier] Dans les petites rues solitaires (...), des digitales roses que personne n'avait semées égayaient les murs gris; il y avait du vrai soleil, et tout sentait le printemps (Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 53).Un petit vent sec les saisit. Un de ces vents froids d'été, qui sentent déjà l'automne (Maupass., Une Vie, 1883, p. 59). 2. [Le compl. désigne une pers.] Sentir l'espion. Son visage respirait une certaine audace, un je ne sais quoi de belliqueux qui sentait bien plus le gentilhomme que le dévot (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 373).Une délicatesse rusée, qui sentait l'homme de loi (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 98). − Vieilli. [Le compl. est précédé d'un poss.] Sentir son pédant. Monsieur de l'Estorade (...) n'a pas un nom assez européen pour qu'on s'intéressât au chevalier de l'Estorade, dont le nom sentait singulièrement son aventurier (Balzac, Mém. jeunes mariées, 1842, p. 176).Démétrius voulait éblouir ses hôtes (...) son luxe barbare, ses chasses héroïques sentent fort son parvenu (Mérimée, Faux Démétrius, 1853, p. 237). III. − Empl. pronom. A. − [Le suj. désigne un être vivant doué de sensibilité] 1. Empl. pronom. réfl. dir. a) Vieilli, absol. Avoir conscience de soi, de ses forces, de ses capacités. Ça me flatte, vois-tu, que tu aies reconnu sur ma figure que je n'étais pas une femme à laisser un enfant sur le pavé. On n'est pas riche, mais on se sent (Malot, R. Kalbris, 1869, p. 199).Un jour, − je chaussais alors des culottes fendues au derrière, par prudence, − mon père me dit: − Si tu te sentais, nous irions jusqu'à notre vigne des Oulettes? (Arène, Veine argile, 1896, p. 257). − Se sentir de + inf.Se sentir la force, le courage de. − Hep, fait Maurras doucement. Ils s'arrêtent. Le pas clair de Gagou sonne devant eux. − Il va là-haut. − Ça semble. − Tu te sens d'y aller, la nuit? − À deux, oui; seul, j'aimerais mieux retourner (Giono, Colline, 1929, p. 92). − [Le suj. désigne un/une adolescent(e)] Commencer à se sentir. ,,Commencer à éprouver les premières impressions de la puberté`` (Ac. 1835, 1878). − À la forme nég. ♦ Ne plus se sentir. Ne plus avoir conscience de son corps. On a craint pour moi une fièvre cérébrale (...) Mon corps était bien au lit sous l'apparence du sommeil, mais mon âme galopait dans je ne sais quelle planète. Pour parler tout simplement, je n'y étais plus et je ne me sentais plus (Sand, Corresp., t. 1, 1830, p. 107). ♦ Ne pas se sentir de/ne plus se sentir de + subst. Perdre le contrôle de soi sous l'effet d'une émotion forte. Le père Landriani (...) ne se sent pas de joie de voir sous ses ordres un del Dongo (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 175).Quand Kobus entendait la petite Sûzel soupirer tout bas: − Oh! que c'est beau! Cela lui donnait une ardeur [pour jouer du clavecin], mais une ardeur vraiment incroyable; il ne se sentait plus de bonheur (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p. 96). ♦ Fam., mod. Ne plus se sentir. Perdre la tête, être fou, perdre le contrôle de soi. b) Avoir conscience de l'état physique ou moral dans lequel on se trouve. − [Suivi d'un adj. attribut] Se sentir complexé, coupable, fier, fiévreux, gai, heureux, impuissant, joyeux, libre, moite, triste; se sentir capable de. Mon vieux, je me sens réellement malade (Bernanos, Crime, 1935, p. 821): 3. La culture, c'est pouvoir comprendre beaucoup de choses dans tous les domaines, dans le travail, dans la politique. La culture permet de ne pas se sentir inférieur; c'est se mettre en valeur pour tout ce que l'on sait.
B. Schwartz, Pour éduc. perman., 1969, p. 75. ♦ Se sentir bien, se sentir mieux, ne pas se sentir bien, se sentir mal. Avoir conscience de se trouver dans de bonnes ou mauvaises conditions physiques ou morales. César: Bonjour, petite... Tu te sens mieux? Fanny: Mais oui, je me sens très bien (Pagnol, Fanny, 1932, i, 1ertabl., 4, p. 18). − [Suivi d'un compl.] Se sentir à l'aise, à bout de forces; se sentir maître de soi, en sécurité, dans son droit, dans l'obligation de; se sentir en faute, sans défense. Lorsqu'il se trouvait assis devant la cheminée en compagnie de femme et enfant, il se sentait un homme content et plein de bons sentiments (Beer1939, p. 80). − [Suivi d'une inf.] Se sentir étouffer, mourir, revivre, rougir. Qu'allait-il répondre à son père? Il se sentit défaillir (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 665). ♦ Loc. pop. Ne plus se sentir pisser*. P. ell. Je pouvais plus te tenir, plus t'approcher, tu ne te sentais plus. Tu étais devenu d'une suffisance insupportable (Le Monde, 22 juin 1988, p. 48, col. 5). 2. Empl. pronom. réfl. indir. Reconnaître, percevoir en soi une disposition, une inclination d'ordre physique, intellectuel, moral. Se sentir du dégoût, de la volonté, du zèle; se sentir le courage de, le désir de; se sentir une faim de loup. Mon père... Ah!... je me sens une angoisse! (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 146).L'eau du lavoir continue de ruisseler sur les visages, les cous et les mains. Elle efface le souvenir de l'effort et de la peine. Et ces hommes qui se croyaient épuisés en arrivant se sentent une force nouvelle (Bordeaux, Fort de Vaux, 1916, p. 109). − Loc. Ne pas se sentir le cœur à, de. Ne pas avoir le désir, le courage à, de. Je ne me sens pas le cœur d'épouser quelque douairière, contemporaine du roi Charlemagne (Banville, Gringoire, 1866, 5, p. 40). 3. Empl. pronom. réciproque, pop. Se sentir les coudes. S'appuyer mutuellement, se soutenir. Synon. se serrer les coudes (v. coude).Une seconde d'hésitation devant la terre bouleversée, la plaine nue: on attendait de voir sortir quelques copains pour se sentir les coudes, puis un dernier regard derrière soi... Et sans un cri, tragique, silencieuse, la compagnie disloquée s'élança (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 285). B. − [Le suj. désigne un inanimé concr. ou abstr.] Empl. pronom. à sens passif 1. Être perceptible. On entend communément par intermittence une suspension subite et momentanée du pouls, pendant laquelle l'artère affaissée ne se sent plus sous le doigt (Laennec, Auscult., t. 2, 1819, p. 233).Le bonheur se sent en soi ainsi qu'un fruit qui est plein de sa saveur (Saint-Exup., Citad., 1944, p. 593). 2. Loc. Cela/ça se sent a) Cela se devine, cela n'a pas besoin d'être démontré, prouvé. Il n'avait pas l'occasion, aux Sables, de voir souvent de pareils spectacles et il en restait chaviré. Cela se sentait à sa façon de dire là-bas (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 89).Nous poussions rarement plus avant nos commentaires; il détestait s'appesantir. Souvent, si je lui demandais un éclaircissement, il souriait et me citait Cocteau: « C'est comme les accidents de chemin de fer: ça se sent, ça ne s'explique pas » (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 201). b) Fam. Cela est perceptible, appréciable. Une couverture en plus, ça se sent en hiver. − En mars, reprit-il, c'est étonnant, de pouvoir ainsi rester dehors, comme en été. − Oh! dit-elle, dès que le soleil monte ça se sent bien (Zola, Bête hum., 1890, p. 109). C. − Vieilli, littér. Se sentir de 1. [Le suj. désigne une pers.] a) Continuer à éprouver les effets d'un mal physique. Synon. ressentir (v. ce mot II A).Il a eu une fièvre quarte dont il se sent encore (Ac.1835, 1878).Il se sentira longtemps de cette blessure (Ac.1835, 1878). b) Éprouver l'influence de, subir les suites, le contrecoup de. Synon. ressentir (v. ce mot II A).Il a fait une grande perte au jeu, il s'en sentira longtemps (Ac.1835, 1878).Un cœur noble se sent de sa noble origine (Delille, Énéide, t. 2, 1804, p. 3). 2. [Le suj. désigne un inanimé concr. ou abstr.] Subir les conséquences de. Mon travail de ce soir se sentira de ma mélancolie (Desmoulinsds Vx Cordelier, 1793-94, p. 147).Les pauvres dieux de marbre (...) se sentent de leur long séjour dans la terre humide (Taine, Voy. Ital., t. 1, 1866, p. 133). Prononc. et Orth.: [sɑ
̃ti:ʀ], (il) sent [sɑ
̃]. Att. ds Ac. de p. 1694. Étymol. et Hist. I. Trans. et intrans. A. 1. Ca 1100 « percevoir, saisir quelque chose par intuition » (Roland, éd. J. Bédier, 1952: Oliviers sent que a mort est feruz); 2. a) déb. xiies. « connaître, saisir, comprendre en faisant usage de la raison, du jugement » (St Brendan, éd. I. Short et B. Merrilees, 72); b) 1774-76 « penser, juger, être d'avis » (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, 846 ds T.-L.); ca 1470 faire sentir « faire connaître, faire comprendre » (Chastellain ds Dochez d'apr. FEW t. 12, p. 471a); cf. 1580 je lui ferai sentir que c'est temerité (R. Garnier, Antigone, IV, 2302 ds Les Tragédies, éd. W. Foerster, t. III, p. 80); 3. 1555 « prendre conscience de quelque chose d'une façon plus ou moins claire ou explicite » (Ronsard, Odes, XVIII, 9 ds
Œuvres compl., éd. P. Laumonier, t. 7, p. 102); 1690 se faire sentir « se manifester de façon sensible, apparente » (Fur.); 4. a) 1694 « avoir l'appréciation de ce qui est beau dans une œuvre » (Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 1068); b) 1769 senti part. passé adj. « rendu, exprimé avec vérité » raccourci mal senti (Diderot, Salon de 1769 ds
Œuvres compl., éd. J. Assézat, t. 11, p. 391). B. 1. a) 1121-34 « percevoir par l'odorat » (Philippe de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg, 406); 1530 « humer » (Palsgr., p. 722); d'où 1671 fig. sentir qqn de loin (Th. Corn., Comt. d'Orgueil, IV, 8 ds Littré); 1788 ne pas pouvoir sentir qqn (Fér.); 1819 ils ne peuvent pas se sentir (Boiste); b) ca 1135 « recevoir une impression par le moyen des sens » (Couronnement Louis, éd. Y. G. Lepage, rédaction AB, 1670); 2. a) 1135 « subir quelque chose, en supporter les effets » (Wace, Vie Ste Marguerite, 338 ds T.-L.); b) ca 1220 faire sentir « faire éprouver » fist ... sentir son pooir et sa force (Jean Renart, Lai Ombre, éd. F. Lecoy, 122-123). C. 1. a) 1160 « éprouver un sentiment, ressentir » (Enéas, 1828 ds T.-L.); 1662 absol. « réagir de manière affective » (Pascal, Pensées, éd. L. Lafuma, n o44, p. 504); b) 1672 ne rien sentir pour qqn (Th. Corn., Ariane, I, 1 ds Littré); 2. fin xiie-déb. xiiies. « ressentir un fait qui touche ou heurte la sensibilité » (Chastelain de Couci, Chansons, éd. A. Lerond, XI, 12); 1689 sentir de + inf. « éprouver du déplaisir, de la peine de » (Sévigné, op. cit., p. 582). II. Trans. et intrans. A. 1225-50 « exhaler, répandre l'odeur de » (Venus, 186c ds T.-L.); 1530 sentir bon (Palsgr., p. 722); 1656 fig. sentir le bâton (Molière, Dépit amoureux, III, 3); 1594 sentir le fagot (Satyre Menippée, 87 [Charpentier] ds Quem. DDL t. 15, s.v. fagot). B. 1. 1450 sentir ... son lieu sauvaige « avoir le caractère du lieu d'où l'on vient » (Mist. vieux Testament, éd. J. de Rothschild, 11660); 2. 1635 « avoir le goût, la saveur de » (Monet). C. 1527 « avoir le caractère, les manières, l'air de quelqu'un, de quelque chose » (d'apr. FEW t. 12, p. 469a); 1558 avec un poss. (B. des Périers, Nouv. récréations et joyeux devis, éd. K. Kasprzyk, p. 165). III. Pronom. A. 1. Ca 1100 « avoir conscience de son propre état » quant se sent abatut (Roland, 2083); 2. 1580 « percevoir en soi la présence d'une inclination, d'un état physique, affectif ou moral » se sentant encore quelque reste de vie (Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, II, III, p. 356); 3. 1662 « avoir conscience de soi, de son existence, de ses possibilités » (Molière, École des femmes, V, 4, 1504); 1668 ne pas se sentir de (La Fontaine, Fables, I, 2, 10 ds
Œuvres, éd. H. Régnier, t. 1, p. 63). B. Déb. xiies. « se ressentir de quelque chose » del freid ... me sente (St Brendan, 1396). C. 1. 1637 « (d'une chose) être éprouvé, perçu par les sens » (Descartes, Météores, Discours premier ds
Œuvres philos., éd. F. Alquié, t. 1, p. 723); 2. 1662 « être perçu par l'esprit ou appréhendé par la sensibilité, l'intuition » (Pascal, op. cit., n o110, p. 512). Du lat. class. sentīre « percevoir par les sens (les sons, les sensations de plaisir, de douleur, etc.) et par l'intelligence », sens largement maintenu dans toute la Romania: ital. sentire, esp.-cat.-port. sentir (v. FEW t. 11, p. 472a); le sens de « sentir », qui ne semble pas att. en lat. mais bien celui de « goûter, savourer » qui lui est très proche, est très bien représenté en gallo-rom. et se présente aussi bien sous la forme active au sens de « percevoir une odeur » que passive, au sens de « exhaler une odeur », se comportant en cela comme son concurrent fragrare, v. flairer; au sens de « exhaler une odeur » sentir a éliminé l'a. fr. oloir, ca 1165 (Benoît de Ste-Maure, Troie, 12894 ds T.-L.) du lat. olere « id. », d'où aussi l'esp. oler. Fréq. abs. littér.: 34 192. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 39 547, b) 46 003; xxes.: a) 51 144, b) 56 263. Bbg. Danell (K. J.). Rem. sur la constr. dite causative: faire (laisser, voir, entendre, sentir) + inf. Stockholm, 1979, 123 p. − Gohin 1903, p. 339. − Klein (F.-J.). Lexematische Untersuchungen zum frz. Verbalwort-schatz... Genève, 1981, pp. 186-190. − Lerch (E.). Sentir... Archivum Romanicum. 1941, t. 25, pp. 303-346. − Orr (J.). Words and sounds. Oxford, 1953, pp. 209-214. − Petrei (A.). Zu frz. sentir v. und sensation n. fr. Klagenfurt, 1983, 88 p. − Quem. DDL t. 13, 15, 19, 23, 27, 34. |