| SENTIER, subst. masc. A. − Voie étroite, généralement tracée par l'homme ou marquée par le passage répété des gens ou du bétail. Sentier champêtre, forestier, rural; sentier de falaise, du maquis, des prairies, de roches, de vignes, dans les dunes; petit sentier; réseau, enchevêtrement de sentiers. Dans les sentiers de montagne, le plus habile cavalier met pied à terre, et prenant par la bride son cheval, même excellent, le soutient, l'aide à ne pas trébucher (Romains,Hommes bonne vol., 1932, p. 183).V. agrainage ex., ajonc ex. 1 et 2, bois ex. 3, cathédrale ex. 2, chemin ex. 18, étroit A 1 ex. de Maupassant et ex. 1, juin ex. 1: 1. Combien nos routes grandes et nettes sont ennuyeuses! J'aime cent fois mieux les chemins raboteux de Bretagne, au bord desquels paissent les moutons. Quoi de plus horrible qu'un grand chemin? Quoi de plus charmant qu'un sentier?
Renan,Avenir sc., 1890, p. 525. SYNT. a) Frayer, tailler, tracer, préparer, pratiquer, marquer, ouvrir, aménager, entretenir un sentier; grimper, gravir, longer, dévaler un sentier; prendre, enfiler, fouler, suivre, quitter, abandonner, perdre, retrouver un sentier; ne plus distinguer, discerner un sentier; reconnaître un sentier; un sentier serpente, zigzague, se déroule, vagabonde; un sentier s'efface. b) Sentier épineux, fleuri, ombreux, parfumé, touffu; sentier d'ajoncs, de bruyère; sentier boueux, caillouteux, fangeux, gazonné, herbeux, pierreux, rocailleux, sablonneux; sentier de galets, de mousse. c) Sentier abrupt, accidenté, escarpé, étroit, facile, fatigant, glissant, impraticable, inégal, périlleux, pittoresque, raide, rapide, raviné, sauvage, sinueux, tortueux, vertigineux; dur, mauvais sentier; sentier en pente raide, à pic, à peine visible. − En partic. ♦ Sentier de chèvres. V. chèvre I A 1.Sentier muletier ou sentier de mulets. V. muletier II.Au plur. Sentiers de vaches. V. vache. ♦ [Le compl. prép. de désigne une pers.] Sentier destiné à l'usage particulier d'une catégorie de personnes. Sentier de chasseurs. [Sur certaines parties de la côte bretonne] il n'y a qu'un petit sentier de douaniers entre le bout du sillon et le bruyant précipice (Alain,Propos, 1927, p. 701). ♦ Sentier de randonnée. Sentier balisé que l'on peut parcourir en un jour (sentier de petite randonnée) ou en plusieurs (sentier de grande randonnée) (d'apr. Tourisme Loisirs 1982). V. sentier de grande randonnée s.v. randonnée B. − Souvent au plur. [Dans des cont. poét. évoquant l'invitation à la rêverie, à la promenade solitaire, amoureuse] Sentiers cachés, discrets, secrets, mystérieux; frais, humble sentier. Il semble que les jours se parfument des choses, Et qu'un passé d'amour ait l'odeur d'un sentier Où le vent balaya des roses (Sully Prudh.,Solitudes, 1869, p. 89): 2. Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue:
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Rimbaud,Poés., 1871, p. 39. − P. anal. Ces sentiers d'écume que trace le sillage des navires (Du Camp,Hollande, 1859, p. 162). B. − P. métaph. ou au fig., littér. [Le plus souvent suivi d'un compl. prép. de] 1. Voie étroite, chemin détourné. Sa profonde mélancolie engendrée par de constantes méditations sur elle-même la ramena par des sentiers obscurs aux rêves brillants de ses derniers jours de jeune fille (Balzac,Curé vill., 1839, p. 35).Comme s'il eût prévu l'aventure d'un Nerval, il [Moritz] imagine cet explorateur qui suivrait l'obscure nostalgie des origines et qui, se confiant aux sentiers du rêve et de la mémoire, s'évaderait dans l'inconnu (Béguin,Âme romant., 1939, p. 41). 2. Voie difficile, laborieuse. Sentier de l'innocence, de la solitude; l'âpre sentier de la vie. Voici (...) la route royale de Poésie, où moi-même jadis..., et le sentier de Science où l'on se traîne sur les mains (Larbaud,Barnabooth, 1913, p. 296).Abandonné et découragé, Ader quitta définitivement les sentiers épineux de l'aéronautique militante (P. Rousseau,Hist. techn. et invent., 1967, p. 357). − En partic., vieilli. [Le compl. prép. désigne un idéal déterminant une ligne de conduite] Sentier de l'ascèse, du devoir, de la droiture, de la paix, de la perfection, de la vertu. Ces cœurs que rien ne pouvait faire dévier du sentier de l'honneur (Balzac,Illus. perdues, 1839, p. 373). 3. Locutions a) Au plur. Sentiers battus. Synon. de conformisme, routine.Loin des sentiers battus; quitter les sentiers battus. Il y a pour un esprit encore faible une grande joie à reconnaître les mêmes sons, à retrouver la même succession, à ne pas s'aventurer hors des sentiers battus (Jeux et sports, 1967, p. 73). b) [P. allus. aux mœurs des Indiens d'Amérique du Nord] Être sur le sentier de la guerre. Être prêt à partir en guerre; avoir pris cette décision. Pour arriver à quitter Paris avec seulement quatre jours de retard, il m'a fallu utiliser mon temps avec une ingéniosité de sauvage sur le sentier de la guerre (Rivière,Corresp.[avec Alain-Fournier], 1914, p. 378). Prononc. et Orth.: [sɑ
̃tje]. Homon. sentiez (de sentir). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 senter « chemin étroit, utilisé par les piétons, dans la campagne, la forêt... » (Roland, éd. J. Bédier, 2399); ca 1165 sentier (Benoît de Ste-Maure, Troie, 20921 ds T.-L.); 2. a) 1174-76 fig. « voie que l'on suit pour atteindre quelque chose » (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2180); b) 1255-71 « voie morale, direction des actes de l'esprit » le droit sentier (Rutebeuf, Vie de Ste Elysabel, 1532 ds
Œuvres compl., éd. E. Faral et J. Bastin, t. 2, p. 147); 1796 fig. les sentiers battus ... les sources artificielles (Dusaulx, Voy. Barège, t. 1, p. 13 [au sens propre 1176-81 santiers batuz (Chrétien de Troyes, Chevalier Lion, éd. M. Roques, 931); 1678 sens fig. les sentiers peu battus (La Fontaine, Fables, XI, II, 43 ds
Œuvres, éd. H. Régnier, t. 3, p. 107)]); 1872 le sentier de la guerre (A. Daudet, Tartarin de T., p. 17). D'un lat. pop. *sēmitārius (lat. médiév. semitarius, 1108, Charta Bernardi Vicecomitis Carcassonae ds Du Cange; cf. aussi le lat. médiév. semtero, 908, Rec. des Chartes de Cluny, n o101 ds Romania t. 39, p. 509 et senterium, 1184, Charta Philippi Franc. Reg. ds Du Cange) qui survit de l'a. prov. sendier 1135-1215 (Bertrand de Born, Rassa mes ds Rayn.), semdier xiiies. (Guiraut Riquier, L'Autre jorn, ibid.), l'a. florentin sentíeri, l'ital. sentiero, a. esp. et esp. semdero, semitero, semedeiro, sendero, port. sendeiro, v. FEW t. 11, p. 441b. Le lat. pop. *semitarius est prob. tiré de l'adj. lat. class. semitarius « qui se tient dans les ruelles », dér. de semita, v. sente. Fréq. abs. littér.: 2 707. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4 614, b) 4 850; xxes.: a) 3 859, b) 2 654. |