| SEMELLE, subst. fém. A. − Pièce constituant le dessous d'une chaussure, d'une botte, d'une pantoufle, qui est soit en totalité, soit par sa partie avant, en contact avec le sol. Semelles cloutées, débordantes, ferrées, glissantes, neuves, simples, usées; semelles doubles; semelles en cuvette; semelle de bois, de cuir, de caoutchouc, de corde, de feutre; semelle synthétique; semelles de plomb du scaphandrier. Elle fit deux pas pour s'avancer vers le milieu de la cheminée, elle étendit un pied, puis le second, et y chauffa tout debout la semelle de ses bottines noires (Flaub., 1reÉduc. sent., 1845, p. 33).Il avance d'un pas régulier, docile dans la terre qui colle à ses semelles (Bernanos,Soleil Satan, 1926, p. 167).Semelles de crêpe. V. crêpe1II B ex. de Duhamel et de Malraux. ♦ P. métaph. Semelles de plomb. Ce n'est pas des ailes qu'il faut donner à l'intelligence humaine, mais plutôt des semelles de plomb (Destutt de Tr.,Idéol. 3, 1805, p. 56).Cette mise en fiches − cette mise en boîte − des fausses dévotions, par un Anatole France aux semelles de plomb [de Peyrefitte, Les Clefs de Saint Pierre], servira peut-être à ouvrir les yeux des autorités responsables (Mauriac,Bloc-Notes, 1955, p. 179). ♦ (Jeu de la) semelle. Jeu qui consiste à toucher alternativement avec la plante du pied, la terre puis le pied de son partenaire. Pendant que le professeur, abîmé dans des réflexions amères, cherchait une punition à infliger à Bineau, une partie de semelles s'était engagée dans la classe, chacun prenant son vis-à-vis comme pour la danse (Champfl.,Souffr. profess. Delteil, 1853, p. 134). − Expr. et loc. ♦ Battre la semelle. V. battre1I A 1 d. ♦ Jusqu'à la semelle (fam.). Complètement. Toutes les autres sont comme elle, Et sans titre, ou sur parchemin, Des reines, jusqu'à la semelle, Avec du poil (...) pas dans la main (Nouveau,Valentines, 1886, p. 129). ♦ N'être pas digne de lécher la semelle de qqn (fam.). Être très au-dessous de lui (en mérite, en valeur, etc.). Je ne suis pas digne de lécher la semelle de ses souliers! (Claudel,Soulier, 1929, 4ejournée, 7, p. 897). ♦ On n'emporte pas la patrie à la semelle de ses souliers. V. patrie I A 1. ♦ Sous la semelle. Sous la botte. Jusque-là, tout votre devoir est de vous mettre à l'école du père Didon, qui, sous la présidence du généralissime Jamont et aux applaudissements d'une troupe d'officiers amenés tout exprès, proclama que le pouvoir civil devait être mis sous la semelle du militaire (Clemenceau,Vers réparation, 1899, p. 389). ♦ Traîner ses semelles (fam.). Marcher lentement, errer. Le port est semblable, en plus ou moins grand, à tous les ports de Méditerranée où j'ai traîné mes semelles parmi les haussières (T'Serstevens,Itinér. esp., 1963, p. 33). ♦ De la semelle (fam.). De la viande très dure ou trop cuite. Un gigot (...) doit être mangé dans les délais exacts si l'on ne veut pas se casser les dents sur de la semelle (Vialar,Carambouille, 1949, p. 177). B. − 1. P. anal. (de forme) a) Pièce de liège, de feutre, de mouton, de matière synthétique, que l'on met à l'intérieur d'une chaussure, d'une botte. Semelles « Confort Fresh ». Le confort maximal du pied. Elles se composent d'une couche blanche perforée en mousse très souple formée de vaguelettes et d'une couche bleue parfumée en mousse perforée plus épaisse et élastique qui absorbe en douceur le choc de chaque pas (Catal. La Redoute, printemps-été 1986, p. 448). ♦ Semelle orthopédique. Semelle amovible que l'on place dans la chaussure pour le redressement de la voûte plantaire ou pour d'autres corrections. Le port de semelles orthopédiques complète souvent la kinésithérapie. Il en existe d'innombrables. Mais il est impératif qu'elles soient adaptées à la déformation du pied. Ces semelles sont facilement acceptées par l'enfant, et vont donc pouvoir agir longtemps. Leur action consiste à maintenir les os du pied en position normale (Le Figaro, 20 mai 1986, p. 15, col. 5). b) Partie d'un bas, d'une chaussette, d'un collant, correspondant à la plante du pied. Semelle renforcée. Une très belle qualité, épaisse, confortable, solide pour ces mi-chaussettes « tennis ». Valeur sûre (...). Semelle pointe, talon maille bouclette (Catal. La Redoute, printemps-été 1986, p. 688). 2. P. anal. (de fonction) a) ARTILL. ,,Planchette de bois fort épaisse, qui se place entre les deux flasques d'un affût, et sur laquelle se pose le canon`` (Lar. 19e). b) ARTS MÉN. Partie plate du fer à repasser, en contact avec le tissu sur lequel il glisse. L'élément chauffant, ayant la forme d'une galette qui épouse la forme du fer; le fil résistant, qui est enroulé sur des plaques de matière isolante et incombustible; le tout est enfermé entre la semelle du fer et la plaque supérieure (Lar. mén.1926, p. 1044). c) CH. DE FER. Partie plate servant de base à certains rails de chemin de fer. Semelles placées entre rails et traverses de chemins de fer pour absorber une partie des chocs et diminuer le cheminement du rail, et par suite pour prolonger la vie des traverses (Campredon,Bois, 1948, p. 97). d) CONSTR. Semelles (d'une poutre). ,,Tôles cylindriques, à génératrices normales au plan de l'âme, qui résistent au moment fléchissant`` (Resal, Ponts métall., t. 2, 1889, p. 318). e) ÉBÉN. ,,Pièce de bois de peu d'épaisseur qu'on applique sous une autre afin de la renforcer`` (Havard 1890). La semelle de bois porte une règle (...) munie de deux galets (...) mobiles autour de leur axe (Nosban,Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 45). f) MAR. Semelle (de dérive). Assemblage de planches ou de tôles, ayant la forme d'une semelle, placées à l'extérieur des petits navires à fond plat et destinées à en diminuer la dérive (d'apr. Gruss 1952). La longueur de la Semelle est, selon Romme, égale à deux fois la hauteur du creux du bâtiment (Jal1). g) MINES ET CARR. ,,Pièce de bois qu'on place sous les poteaux, pour les empêcher de s'enfoncer, surtout quand le terrain est meuble et peu consistant`` (Jossier 1881). Le cadre complet [d'une galerie de mine] est un trapèze équilatère formé de quatre pièces, à savoir: le chapeau, les montants, la semelle (Haton de La Goupillière,Exploitation mines, 1905, p. 654). h) SPORTS (ski). Partie glissante du ski en contact avec la neige. La semelle de ses skis, qui est en matière plastique, et le dessus, en duralumin, sont collés à une forte lamelle de contre-plaqué (Le Monde,19 janv. 1952,p. 7, col. 4) 3. P. anal. (de struct.), AGRIC. Semelle de labour. ,,Épaisseur de terre de l'ordre du centimètre au dessous du fond du labour, tassée par le soc et les roues du tracteur et constituant une zone difficilement franchissable pour l'eau et pour certaines racines`` (Agric. 1977). Pour qu'un coupe-racines rende de bons services, il faut qu'il débite les betteraves sans laisser de semelles, sans se bourrer, et qu'il produise des cossettes très franchement coupées (Rouberty,Sucr., 1922, p. 44). C. − P. méton., vieilli. Longueur d'un pied. Je reculai de plusieurs semelles à telles caresses inespérées (Fabre,Chevrier, 1867, p. 356). ♦ Sauter tant de semelles. ,,Sauter un espace de terre qui contient tant de fois la longueur du pied d'un homme`` (Ac. 1798-1878). − ESCR. Rompre d'une semelle. Reculer de la longueur d'un pied. Son adversaire (...) lui offrit la main pour l'aider à se relever. Cette circonstance, au lieu de le calmer, irrita le général, qui fondit à son tour sur son adversaire. Mais son adversaire ne rompit pas d'une semelle (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 232). − Expressions ♦ Ne pas quitter/lâcher d'une semelle. Suivre partout. On trouvait (...) dans le monde qu'il ne se gênait pas assez, ne lâchant pas d'une semelle, dans les soirées, telle femme qu'il ramenait ensuite (Proust,Fugit., 1922, p. 678). ♦ Ne pas reculer d'une semelle. Rester fermement sur ses positions. Le vieux Souham qui n'a jamais reculé d'une semelle (Erckm.-Chatr.,Conscrit1813, 1864, p. 109). ♦ (Ne pas) avancer d'une semelle. (Ne pas) progresser. Là il lui faudra attendre que la mort, éclaircissant les rangs, le fasse avancer d'une semelle. Il se pourra donc qu'un homme, sorti de l'École polytechnique et capable de faire un Vauban, meure cantonnier sur une route de deuxième classe, ou caporal dans un régiment (Proudhon,Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 124). Prononc. et Orth.: [səmεl]. Barbeau-Rhode 1930 la semelle [lasmεl]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Fin xiies. semele « pièce qui forme le dessous d'une chaussure » (Jean Bodel, Barat et Haimet, 374 ds NRCF, éd. W. Noomen et N. Van den Boogaard, t. 2, p. 55); b) 1537 jouer des semelles « s'enfuir » (Act. des apost., vol. I, f o142b ds Gdf. Compl;); c) 1654 battre la semelle (Tristan L'Hermite, Le Parasite, p. 13); 2. 1498 « chacune des épaisseurs composant la semelle » (Joubert, Ét. sur la vie privée au XVes. en Anjou, p. 218: une paire de soilliers de vache à troys semelles); 3. 1611 « longueur d'un pied » (Cotgr.); 4. 1690 technol. (mar., charpent.) (Fur.). Orig. discutée. Selon Bl.-W.2-5et FEW t. 5, pp. 136-138 le mot serait du domaine pic., issu de lemelle « petite lame », att. de la fin du xiies. (v. lamelle) au xves. (v. Gdf.), la première syll. ayant été prise pour l'article, puis remplacée par *se-, du lat. ipsa, lors de la concurrence entre ille et ipse. Pour des hyp. encore moins probables, v. Spitzer (Language t. 19, pp. 159-161 et Fr. mod. t. 18, pp. 241-243) et Guir. Lex. fr. Étymol. obsc. Fréq. abs. littér.: 549. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 204, b) 1 047; xxes.: a) 1 003, b) 995. Bbg. Alessio (G.). Saggio di etimologie francesi. R. Ling. rom. 1950, t. 17, p. 205. − Quem. DDL t. 6. |