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SECOUER, verbe trans.
A. −
1. Agiter, remuer vivement à plusieurs reprises. Il court à vous du plus loin qu'il vous voit, vous prend la main et vous la secoue à démettre le poignet (Jouy,Hermite, t. 1, 1811, p. 36).Leurs chevaux s'ébrouaient, secouant leurs colliers garnis de grelots (Moselly,Terres lorr., 1907, p. 209).
SYNT. Secouer un arbre, une branche, ses jupes, une porte, la salade, un tapis; secouer les dés dans un cornet; secouer ses cheveux, ses épaules, ses pieds; secouer qqn par le bras, par les épaules; secouer qqn pour le réveiller; cheval qui secoue son mors, son cavalier; lion qui secoue sa crinière; oiseau qui secoue ses ailes, ses plumes; avion secoué par des trous d'air; secouer en tout sens; secouer avec fureur, avec rage; secouer furieusement, rudement, vigoureusement, violemment, vivement.
Loc. verb., fam., au fig. Secouer le cocotier*. Secouer les oreilles (à qqn). V. oreille.Secouer le paletot* de qqn. Secouer qqn/qqc. comme un prunier*.
N'en avoir rien à secouer (de qqc.) (très fam.). N'avoir cure de quelque chose. Mon profil de carrière, j'en ai rien à secouer (Le Point, 3 oct. 1977, p. 105, col. 2).Eux qui ne veulent pas m'entendre (...), eux qui n'en ont rien à secouer de ce que je pense (Chr. Collange, Moi, ta mère, 1985, p. 21).
Empl. pronom. réfl. dir. Chien mouillé qui se secoue. Le mâle de la taupe se secoue pour se débarrasser des miettes de terre qui le souillent (Pergaud,De Goupil, 1910, p. 85).
Empl. abs. Cette voiture secoue beaucoup (Ac.1878, 1935).On roulait assez vite à présent sur les pavés des boulevards de la Seine et (...) ça secouait bien de trop, même pour se bouger (Céline,Voyage, 1932, p. 606).
Souvent au passif. [Le suj. ou le compl. d'agent désigne un mouvement ou un agent qui provoque un mouvement] Un faible choc secoua la barque (Barrès,Barbares, 1888, p. 134).La maison (...) a été secouée par un grand vent comme si elle allait se disjoindre et tomber en pièces (Aragon,Beaux quart., 1936, p. 51).
SYNT. Être secoué de convulsions, de fièvre, de frissons, de larmes, de sanglots, de tremblements; être secoué par les cahots, par un fou-rire, par des hoquets, par la toux; rire, toux qui secoue qqn, les épaules, la poitrine de qqn.
2. En partic. [Le compl. d'obj. désigne la tête; pour signifier le doute, l'approbation, le refus] Secouer affirmativement, négativement, tristement la tête; secouer la tête pour dire non, en signe de doute. Les vieux richards eurent beau m'offrir leur fortune; je secouais la tête à toutes les propositions (Dumas père, Halifax, 1842, ii, 4, p. 54).Jacques cligne de l'œil et secoue le chef en signe d'approbation (Queneau,Loin Rueil, 1944, p. 117).
3. P. méton. Se débarrasser de quelque chose par des mouvements brusques, répétés. Secouer des brins d'herbe, des miettes, la neige, la pluie, la poussière de ses vêtements; secouer la cendre d'un cigare. Elle sursauta, secoua une coccinelle qui lui cheminait sur la main (Montherl.,Bestiaires, 1926, p. 454).Il retirait son chapeau pour en secouer les gouttes de pluie (Duhamel,Désert Bièvres, 1937, p. 10).
Loc. verb. Secouer la poussière* de ses pieds, de ses sandales, de ses souliers. Secouer ses puces; secouer les puces à qqn. V. puce.
Au fig. [Le compl. d'obj. désigne une chose abstr. qui constitue une contrainte, une charge] (Essayer de) se débarrasser de quelque chose. La première jeunesse ne peut secouer les apparences de la retenue et de la crainte (Sand,Hist. vie, t. 4, 1855, p. 226).Au matin, secouer les songes, les crasses, les choses qui ont profité de l'absence et de la négligence pour croître et encombrer (Valéry,Tel quel II, 1943, p. 25).V. joug I B 1 ex. de Durkheim.
SYNT. Secouer son angoisse, son apathie, son chagrin, ses chaînes, son engourdissement, sa fatigue, sa nonchalance, sa paresse, ses préjugés, sa torpeur; secouer l'autorité, le despotisme, l'emprise, l'oppression, la typrannie de qqn.
Rare. Secouer qqn de qqc.Débarrasser quelqu'un de quelque chose. Vent informe, élastique et sombre qui me secouait de l'envie d'aller au bord de la mer (Proust,Guermantes 2, 1921, p. 142).Faire progresser l'humanité, (...) libérer le prolétariat, (...) secouer les opprimés de leurs chaînes (Lacroix,Marxisme, existent., personn., 1949, p. 28).
4. Littér., par hypallage. Elle tournait, emplissant l'étroit jardin du vol de ses jupes, secouant cette âpre senteur de verdure qu'elle portait sur elle (Zola,Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1254).Les coups de brise sans amplitude secouant dans l'air l'odeur des conifères (Malègue,Augustin, t. 1, 1933, p. 41).
B. − Souvent au passif. [Le compl. d'obj. désigne une pers., un ensemble de pers. ou un attribut d'une pers.] Troubler par une commotion physique et/ou morale. Synon. agiter, bouleverser, ébranler.Être secoué par une douleur, par une émotion, par une maladie, par une passion; choc, événément qui secoue le cœur, l'esprit, les nerfs (de qqn); crise, guerre, révolution qui secoue un pays. Il était secoué par des impulsions violentes et contradictoires (Martin du G.,Thib., Sorell., 1928, p. 1210):
J'entrai dans un spasme de colère si violent qu'il m'étonna moi-même (...). J'aurais crié, brisé un objet, manifesté par quelque folie le mouvement de rage qui me secouait l'âme. Bourget,Disciple, 1889, p. 167.
Littér. [Le compl. d'obj. désigne une chose perceptible par les sens] Troubler, ébranler. Bruit, explosion qui secoue le silence. Au loin (...) monta la note ardente et mélancolique d'un crapaud, qui secoua la nuit de sa vibration de métal (Moselly,Terres lorr., 1907, p. 175).L'horizon était secoué d'éclairs (Giono,Bonheur fou, 1957, p. 361).
C. − Fam. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Inciter vivement quelqu'un à l'action, à l'effort, parfois en le réprimandant. Secouer un élève, un employé. Tâche de secouer ta grand'mère. Il faut ne pas la plaindre, et l'empêcher de penser à elle (Flaub.,Corresp., 1870, p. 136).Si je ne secoue pas mes hommes, la nuit toujours les inquiétera (Saint-Exup.,Vol nuit, 1931, p. 106).
Empl. pronom. réfl. (Faire un effort pour) sortir de son abattement, de son inertie, (faire un effort pour) agir. Il faut vous secouer! Ses jambes s'engourdissaient, il craignait de s'endormir (...). Et, pour se secouer, il évoquait Thérèse à sa toilette (Zola,Cap. Burle, 1883, p. 186).Quel dommage qu'elle passe vite [la mélancolie] et qu'il faille redevenir sérieux, énergique, se secouer, agir! (Renard, Œil clair, 1910, p. 29).
REM. 1.
Secouant, -ante, part. prés. en empl. adj.,rare. a) Qui agite, qui remue vivement, à plusieurs reprises. Une toux quinteuse et secouante (Malègue,Augustin, t. 2, 1933, p. 464).b) Qui trouble par une commotion physique et/ou morale. Synon. bouleversant.L'émotion née de Giotto avait le droit d'être grande, et aussi l'effet de tant d'autres belles choses secouantes (Malègue,Augustin, t. 2, 1933, p. 133).
2.
Secoué, -ée, part. passé en empl. adj.a) Agité de mouvements brusques, répétés. Les nuits en chemins de fer, le sommeil secoué des wagons avec des douleurs dans la tête et des courbatures dans les membres (Maupass.,Contes et nouv., Sœurs R., t. 1, 1884, p. 1253).Je n'avais pas dormi de la nuit et, après une traversée secouée, j'arrive à Alger fort abruti (Gide,Journal, 1943, p. 246).b) Troublé par une commotion physique et/ou morale. α) [En parlant d'une pers., d'un attribut d'une pers.] Être tout secoué. Joanny, tout tremblant et les nerfs secoués, venait de répandre du chocolat sur son gilet (Larbaud,F. Marquez, 1911, p. 108). β) [En parlant d'une durée] Pas plus que les temps secoués, la période stable n'apporta d'amélioration (Maurras,Kiel et Tanger, 1914, p. XXI).Ces vacances secouées ont failli être amusantes pendant deux ou trois jours (Valéry,Corresp.[avec Gide], 1901, p. 388).
3.
Secouette, subst. fém.Action de (se) secouer; petite secousse. Des petites secouettes de la tête en manière de salutations (Feydeau,Dame Maxim's, 1914, I, 13, p. 18).Toutes les maisons, du haut en bas, vibrent sourdement, semblent onduler, atteintes elles aussi de cette secouette du shimmy (Sem,Ronde nuit, 1923, p. 111).
Prononc. et Orth.: [səkwe], (il) secoue [səku]. Barbeau-Rodhe 1930: je secoue [ʒ əsəku], [-sku]. Martinet-Walter 1973: (il faut) secouer [səkwe]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1450 secouer le pelisson « rudoyer » (Sottie du Gaudisseur, 53 ds Recueil Trepperel, éd. E. Droz, p. 9); b) 1580 secouer qqn (Montaigne, Essais, éd. P. Villey, p. 76); 2. 1531 (R. Estienne, Dictionarium, 14efeuillet, r ods Quem. DDL à paraître: Faire signe de non consentir a aucun en secouant la tête); 3. a) 1549 (Est., s.v. joug: secouer le joug de servage); b) 1580 « ébranler (quelque chose) » (Montaigne, op. cit., p. 441: secouër et altérer notre croiance); 4. 1762 se secouer « réagir » (Diderot, Lettres à S. Volland, t. 1, p. 86); 5. 1766 être secoué « être en mauvaise santé » (Voltaire, Lett. d'Argental, 22 oct. ds Littré). Réfection, d'apr. les formes secouons, secouez, secouent de l'a. fr. seco(u)rre « remuer vivement » att. dep. la fin du xiies. (E. de Fougères, Manières, 753 ds T.-L.), lui-même du lat. succutere « agiter, ébranler ». Fréq. abs. littér.: 5 351. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 757, b) 8 450; xxes.: a) 10 501, b) 8 656.
DÉR. 1.
Secouage, subst. masc.Action d'agiter, de remuer vivement, à plusieurs reprises. Synon. secouement.Blastomères (...) séparés les uns des autres par secouage (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 532).Infra secoueur ex. de Ballu. [səkwa:ʒ]. 1reattest. 1875 « action de secouer le tabac » (Journ. offic., 29 nov., 1recol. ds Littré.); de secouer, suff. -age*.
2.
Secouement, subst. masc.a) Action d'agiter, de remuer vivement, généralement à plusieurs reprises. Synon. secouage.Ce réveil brusque du petit jour (...) que le coq lance à tout l'horizon, dressé droit sur ses ergots de bataille, avec un grand secouement d'ailes (A. Daudet,R. Helmont, 1874, p. 74).Le tonnerre est entré: nous avons été lancés violemment les uns sur les autres par le secouement effroyable du sol et des murs (Barbusse,Feu, 1916, p. 320).b) Rare. Action (d'essayer) de se débarrasser de quelque chose qui constitue une contrainte, une charge. La mimique théâtrale était pour lui une distraction violente, un secouement de son noir ennui de l'existence (Goncourt,Journal, 1888, p. 773). [səkumɑ ̃]. Barbeau-Rodhe 1930: un secouement [ε ̃sku-]. Ac. 1740, 1762: secoûment; 1798, 1835: secoûment, -coue-; 1878: secouement, -coû-; 1935: secouement. 1resattest. a) 1538 « action de secouer, ébranlement » (R. Estienne, Dict. Latinogallicum, 600 b ds Rom. Forsch. t. 32, p. 161); b) 1726 fig. « action de rejeter loin de soi » (Desfontaines, Dict. néol.: le secouëment de l'autorité); de secouer, suff. -ment1*.
3.
Secoueur, -euse, subst.a) Subst. masc. ou fém., rare. Ouvrier, ouvrière qui secoue. Une secoueuse de tapis (Lar. 19e). b) Subst. masc. technol. α) ,,Instrument pour détacher le moule d'une pièce fondue`` (Duval 1959; dict. gén. xixeet xxes.). β) Secoueur (de paille). Dispositif d'une batteuse servant à récupérer les grains qui restent dans la paille. [Dans la batteuse] la séparation de la paille d'avec tous les autres éléments est effectuée au moyen des secoueurs (Passelègue,Mach. agric., 1930, p. 272).Pour éviter le secouage de la paille à la main on a imaginé des secoueurs mécaniques (Ballu,Mach. agric., 1933, p. 475). [səkwœ:ʀ], fém. [-ø:z]. 1resattest. a) 1611 « personne qui secoue » (Cotgr.) − 1660, Oudin Fr.-Esp., encore en 1765 pour désigner un ouvrier-étameur (Encyclop., Planches 4, Eperonnier, p. 1), b) α) 1782 « instrument employé pour détacher les moules des pièces qui y sont coulées » (Encyclop. méthod. Arts et métiers t. 2, p. 747), β) 1892 « partie de la batteuse à grain » (Guérin); de secouer, suff. -eur2*; au sens b α cf. 1765 secoueux (Encyclop., Planches 4, Forges, p. 24, 32).
BBG.Dub. Dér. 1962, p. 41 (s.v. secoueur). − Quem. DDL t. 9 (s.v. secouant).