| SCÈNE, subst. fém. I. − Partie d'un édifice destiné à présenter certains spectacles. A. − [Dans un théâtre, p. anal., un opéra, un chapiteau, une construction où se donnent des représentations] Emplacement (généralement orné de décors) où se produisent les acteurs, danseurs, chanteurs, etc. Grande, large, immense, petite scène; scène nue, vide; scène éclairée, lumineuse, sombre; scène démontable; arc, cadre, cage de scène; côtés, devant, fond de la scène; décor(s), rideau de (la) scène; la scène d'un cirque, de l'Opéra, de la Scala; parcourir, traverser la scène. Le reste de la scène s'emplissait d'une fumée, pareil à un chantier de démolitions, à une nef éventrée, encombrée d'échelles, de châssis, de décors (Zola,Nana,1880, p. 1323): 1. ... dès que le rideau fut levé et qu'un second rideau, en velours rouge celui-là, se fut écarté, qui dédoublait la profondeur de la scène dans toutes les pièces où jouait l'étoile, une actrice entra par le fond, qui avait la figure et la voix qu'on m'avait dit être celles de la Berma.
Proust,J. filles en fleurs,1918, p. 448. ♦ P. métaph. Le lecteur [de journal] voit passer comme des ombres une foule de personnages dont il ne retient pas même le nom: figurants muets qui remplissent le fond de la scène (Chateaubr.,Mém., t. 4, 1848, p. 38). 1. [Loc. désignant différents types de scènes] a) [Suivant la manière dont la scène s'ouvre vers la salle] ♦ Scène close, fermée. ,,Scène (...) où le cadre isole le spectacle du spectateur`` (Giteau 1970). Sur la scène fermée, l'accessoire est véritablement un « accessoire » qui s'ajoute au décor et n'a d'existence qu'en fonction de ce décor (Serrière,T.N.P.,1959, p. 85).Comme le lieu théâtral s'efforce à l'unité, l'interprétation ne se conçoit plus en fonction d'une scène close (Serrière,T.N.P.,1959p. 145). ♦ Scène coulissante. ,,Dispositif scénique à plusieurs plateaux qui se déplacent horizontalement, permettant ainsi des changements de décors rapides`` (Dubuc Théâtre 1979). ♦ Scène ouverte. Scène entourée par le public sur trois de ses côtés. La scène du T.N.P. est une scène ouverte. L'espace scénique n'est pas identifié une fois pour toutes. La liberté de son indécision fonde la liberté de choix de l'espace dramatique (Serrière,T.N.P.,1959p. 88). ♦ Scène tournante. Scène dont le plateau central, circulaire, est mobile autour de son axe, permettant un rapide changement de décors. Au point de vue purement technique, la scène tournante offrait des possibilités beaucoup plus variées qu'une construction permanente et unique (Arts et litt.,1936, p. 64-7). ♦ Scène sur ascenseur. ,,Scène à plusieurs plateaux superposés, actionnés au moyen d'un ascenseur permettant d'équiper plusieurs plateaux à la fois et d'éviter les délais de changements de décors`` (Dubuc Théâtre 1979). ♦ Scène frontale, scène en arc. Chaque année, le dispositif d'Avignon fut repensé et recréé selon les besoins d'un public qui s'accroissait. La scène frontale fit place à une scène en arc irradiant la salle (Serrière,T.N.P.,1959p. 61). b) [Dans l'Antiquité] Scène (grecque, romaine). ,,Muraille occupant le fond du proscenium (...) [et formant] une décoration architecturale solide, en pierre ou en marbre`` (Chabat 1881). c) [P. réf. à certains types de scènes servant toujours de modèles] ♦ Scène élisabéthaine. ,,Estrade carrée, adossée par un des côtés aux balcons circulaires et comprenant une partie avancée et découverte`` (Dubuc Théâtre 1979). Cette scène a (...) quelque chose de la scène élisabéthaine: son encastrement dans le public (Serrière,T.N.P.,1959p. 62). ♦ Scène à l'italienne. Type de scène dont le plateau profond est nettement séparé des spectateurs par un cadre de scène relativement étroit. L'extension de la ligne de contact entre la salle et la scène commande une disposition plus large du jeu, une ordonnance latérale inconnue des étroites scènes à l'italienne (Serrière,T.N.P.,1959p. 144). 2. Loc. En scène, sur scène. Sous les yeux du public; au fig., au su et au vu de tous, d'une façon manifeste. a) [En guise de commandement adressé aux acteurs qui doivent prendre place sur la scène avant le lever du rideau] En scène! Rose, en scène! cria Bordenave, on recommence le deux (Zola,Nana,1880, p. 1330). b) [En scène est précédé d'un verbe ou d'un subst., éventuellement d'une prép. de lieu] On causait, ce soir (...), du parler spécial aux gens des clubs, du parler ayant quelque chose du parler de l'acteur en scène (Goncourt,Journal,1887, p. 666).Des farces de cabotins, un œuf glissé furtivement en scène, par Pyrrhus, dans la main d'Andromaque, et la veuve d'Hector, cet œuf tantôt dans la paume droite, tantôt dans la paume gauche, tendant au roi d'Épire des bras suppliants (France,Vie fleur,1922, p. 552).
α) [Dans des loc. évoquant les différentes phases du jeu des acteurs] − (Ap)paraître, arriver, (r)entrer, pénétrer en/sur scène; arrivée, entrée en/sur scène. Le public français (...) avait reçu l'acteur anglais à son entrée en scène avec une grande bienveillance (Delécluze,Journal,1828, p. 490).Lorsque sur la scène apparut ma rousse, frémissante récitante, le geste grandiose, la taille longuement moulée dans les plis devenus enfin voluptueux du tricolore, ce fut le signal dans la salle entière, debout, désireuse, d'une de ces ovations qui n'en finissent plus (Céline,Voyage,1932, p. 125). ♦ Au fig. Je m'arrête enfin en amenant l'homme sur la scène, c'est-à-dire au seuil même de l'histoire (Renouvier,Essais crit. gén., 3eessai, 1864, p. 9): 2. ... les autres nations, dont le domaine allait d'ailleurs s'élargissant avec l'émancipation des Balkans et de l'Amérique latine, l'entrée ou la rentrée en scène des États-Unis, de la Turquie, puis de la Chine et du Japon, avaient selon les circonstances plus ou moins leur mot à dire...
Chazelle,Diplom.,1962, p. 25. − Être, se montrer en/sur scène. Jouer un rôle dans une pièce, un spectacle. La marquise de Belbeuf, née Morny, et notre admirable Colette (Willy), se montrèrent sur la scène d'un music-hall, exactement le Moulin-Rouge, dans une tenue qui effaroucha et fit hurler les mauvais bourgeois (Fargue,Piéton Paris,1939, p. 180). ♦ Au fig. Attirer l'attention, les regards par son comportement, ses actions. Autrefois la femme se montrait quelquefois; aujourd'hui, elle est toujours en scène (Balzac,Fausse maîtr.,1841, p. 31).Ces hommes de talent et d'ambition [les Girondins] (...) avaient déjà tâté de la vie politique et étaient chaque jour en scène (Sainte-Beuve,Nouv. lundis, t. 8, 1864, p. 151). − Quitter la scène, sortir de scène. Les acteurs, privés du plaisir qu'ils auraient eu à recevoir encore quelques minutes les encouragements du public, quittent la scène en maugréant (Claudel,Soulier,1944, 1repart., 2ejournée, 1, p. 994). ♦ Au fig. Se retirer (d'une activité, d'une entreprise, etc.); mourir. M. le baron Hulot d'Ervy vient de demander sa retraite (...). C'est encore une des gloires de l'époque impériale qui va quitter la scène (Balzac,Cous. Bette,1846, p. 309).Si je songe à ce qu'on ose écrire d'un homme vivant, dès qu'il est mêlé à la vie politique (...) je ne puis sans en frémir imaginer ce que feront ses adversaires lorsqu'il aura quitté la scène, et que son numéro sera fini (Mauriac,Mém. intér.,1959, p. 82). − (Occuper, être sur...) le devant, le premier plan de la scène. L'Opinion, à Orphée, sur le devant de la scène. Ne regarde pas en arrière! (Crémieux,Orphée,1858, ii, 2, p. 83). ♦ Au fig. [En parlant d'une pers., d'une réalisation abstr.] Occuper une position, une situation importante où l'on est évalué, jugé. Flaubert, Renan, Taine, Dumas fils, n'avaient atteint que le seuil de leur gloire, et le devant de la scène restait occupé par les maîtres de 1830 (Halévy,Carnets, t. 1, 1862, p. 6): 3. ... une sorte d'association s'était instaurée entre la notion de diplomatique et les actes émanés des papes, des empereurs, des rois et des grands personnages (...). Ils occupaient en tout cas le devant de la scène et laissaient dans l'ombre la masse, beaucoup plus considérable, des actes dits privés.
L'Hist. et ses méth.,1961, p. 662. − Jeu(x) de scène. V. jeu II B 2.Mouvement(s) de scène. Indications données aux acteurs par l'auteur de la pièce ou le metteur en scène pour préciser les attitudes, les déplacements à effectuer, etc. Tout concourt à cette puissance incomparable du drame: les paroles brûlantes et pénétrantes, (...) les mouvements de scène, les gestes, les attitudes éloquemment significatifs, impérieusement évocateurs (P. Lalo, Mus.,1899, p. 334).Au lever du rideau, mouvement de scène, brouhaha de conversations et, presque aussitôt, coup de sonnette. Le calme se fait à l'instant même (Courteline,Article 330,1900, p. 257). ♦ P. anal. Le cinéaste (...) mettra un soin particulier à parcourir à l'avance les circuits remarquables, à étudier les lieux, à se faire expliquer les mouvements de scène (Griaule,Méth. ethnogr.,1957, p. 87).
β) [Dans des loc. évoquant le travail de création, de réalisation, etc.; en parlant d'une œuvre littér., lyrique, musicale] − Mettre en/sur la scène. V. mettre 1reSection I B 7 b α et III B 1 a.Mise* en scène; metteur* en scène. Porter à/sur la scène. (En) faire le sujet d'une représentation scénique, organiser matériellement cette représentation. On a assisté en France, après la guerre, (...) à une tentative pour porter à la scène des héros modernes conscients de ce qu'ils sont et de ce qu'ils pensent (Arts et litt.,1936, p. 30-5). ♦ Au fig. Faire connaître, présenter publiquement (quelqu'un, quelque chose). On m'a reproché d'avoir mis des brigands sur la scène. Eh! qu'importe le nom quand la chose n'y est pas? Plût au ciel que la société ne fût composée que de brigands semblables! (La Martelière,Robert,1793, p. v).Qu'est-il donc advenu? Que le ministère a fait des fautes (...) qu'il s'est vu mettre en scène devant les tribunaux, pour avoir été mêlé à de honteuses négociations (Chateaubr.,Lib. Presse, Avert., 1824, p. 20). − Ensanglanter* la scène. ♦ Au fig. On dit que les choses ont tourné en Espagne et que la scène sera ensanglantée (J. de Maistre, Corresp.,1808, p. 69). 3. P. anal. [Scène est suivi d'un détermin.] Cadre particulier et généralement bien en vue dans lequel se déroulent certains événements, certaines manifestations de l'activité humaine. La scène diplomatique, internationale, nationale, politique, sociale. Ces empires qui ont brillé un moment sur la scène du monde (Bonald,Législ. primit., t. 1, 1802, p. 231).Cette affaire (...) a eu l'immense avantage de porter sur la scène publique l'arrangement inadmissible de Washington avec Vichy pour la neutralisation de l'empire français (De Gaulle,Mém. guerre,1954, p. 511). B. − En partic. 1. Ensemble des décors destinés à évoquer le lieu où se déroule l'action dramatique. La scène change. La scène représentait, par exemple, une forêt, comme dans Pelléas et Mélisande, ou une plage, comme au début de l'Échange (Duhamel,Suzanne,1941, p. 61). 2. Lieu, époque où se déroule l'action dramatique. La scène se passe chez Madame Sorbet. Le théâtre représente un café (Leclercq,Prov. dram., MmeSorbet, 1835, 1, p. 120).La scène est à Rome pendant le carnaval, en 1532 (Dumesnil,Hist. théâtre lyr., 1953, p. 132). − P. anal. Lieu, époque où se déroulent un fait historique, l'action d'un roman, d'une œuvre picturale, d'un récit, etc. Une conversation de Bonaparte avec Moreau va (...) nous faire mieux comprendre cette nouvelle mécanique. La scène se passe en 1799, chez Gohier (Foch,Princ. guerre,1911, p. 91).On attribue à l'école de Nicolas Froment un tableau de la Cathédrale d'Aix: Miracle d'un saint portant sa tête entre ses mains. Le lieu de la scène est, dit-on, la ville d'Aix (P. Lavedan, Urban.,1926, p. 218). C. − P. méton. Le théâtre lui-même. 1. [Dans une accept. concr.] L'ensemble du bâtiment abritant les spectacles se rattachant à l'art dramatique, lyrique, etc. Il n'y a donc pas en U.R.S.S. de théâtre privé. Chaque scène est la propriété, soit du gouvernement, soit d'une organisation ouvrière (Arts et litt.,1935, p. 64-5). 2. [Dans une accept. abstr.] L'art dramatique, p. ext. lyrique, chorégraphique, etc. La scène anglaise, italienne, parisienne; la scène contemporaine; la scène comique, tragique, lyrique; chefs d'œuvre, succès, vedettes de la scène; les arts de la scène; écrire pour la scène. Zaïre, ce chef-d'œuvre de pathétique, éternel honneur de la scène française, est du petit nombre des ouvrages qui plaisent également à toutes les classes de spectateurs (Jouy,Hermite, t. 4, 1813, p. 333): 4. Le dialogue − chose écrite et parlée − n'appartient pas spécifiquement à la scène, il appartient au livre; et la preuve, c'est que l'on réserve dans les manuels d'histoire littéraire une place au théâtre considéré comme une branche accessoire de l'histoire du langage articulé.
Arthaud,Théâtre et son double,1938, p. 45. ♦ Musique de scène. Musique composée spécialement pour une œuvre (dramatique, lyrique, etc.). Cette même année 1872, la musique de scène écrite pour L'Arlésienne d'Alphonse Daudet, bien qu'elle passât inaperçue dans la chute du drame, devait plus tard en assurer le succès (Dumesnil,Hist. théâtre lyr., 1953, p. 151). ♦ Loc. adv. [P. oppos. à la vie cour.] À/sur la scène comme à la ville, à la scène et dans la vie. Toujours, en toutes circonstances. La bouffonnerie, dans la vie ou sur la scène, est faite d'impondérables parmi lesquels l'inconscience du sujet, son sérieux, la disproportion des causes et des effets (Blanche,Modèles,1928, p. 244). II. A. − [Dans un ouvrage dram., lyrique, etc.] Chacune des subdivisions d'un acte, définie conventionnellement et correspondant généralement à l'arrivée ou au départ de personnages. Acte III scène 2; la scène finale, principale d'une pièce; belle, forte scène; courte, grande, longue scène; la scène d'amour, des adieux, du balcon; répliques d'une scène; apprendre, répéter une scène; scène difficile à jouer. Molière. Ce qu'il a de plus admirable, c'est sa langue. Rien de plus dramatique que les scènes de l'Avare entre le père et le fils (Renard,Journal,1901, p. 637): 5. Mlle Smithson était chargée du rôle de Juliette, et elle y a été excellente. C'est dans la scène du 2eacte, où elle a une entrevue nocturne avec Roméo, que son jeu a commencé à attirer l'attention du public. Cette scène est fort belle, bien qu'elle soit écrite avec tant de recherche.
Delécluze,Journal,1827, p. 462. ♦ Scène muette* ♦ [P. allus. à l'expr. lancée par Fr. Sarcey] (La) scène à faire. Scène capitale d'une pièce de théâtre, p. anal., d'un film, qui sert de pivot à l'action dramatique et est attendue par le spectateur. Toute votre esthétique théâtrale, Monsieur Sarcey, consiste dans la scène à faire. Mais la scène à faire, êtes-vous bien sûr que vous êtes le seul, l'unique voyant, patenté et breveté de cette scène? (Goncourt,Journal,1888, p. 887). − P. métaph. Événement d'infiniment modeste apparence, mais important dans ma vie autant que les révolutions pour les empires; première scène d'un drame qui n'a pas achevé de se jouer (Gide,Si le grain,1924, p. 430).[Mon grand-père] s'éveillait, m'enlevait dans ses bras, nous filions notre grande scène d'amour (Sartre,Mots,1964, p. 67). B. − P. anal. 1. [Dans une œuvre lyrique, chorégr.; dans une œuvre artist. non théâtrale (littér., audiovisuelle, etc.)] Chacune des actions partielles comportant une unité. Synon. épisode (pour un livre), séquence (pour un film).Scènes principales d'un film, d'un roman. Je m'acharne à mon roman parisien, qui ne vient pas du tout. (...) Aucune scène capitale ne surgit, ça ne m'empoigne pas (Flaub.,Corresp.,1863, p. 319): 6. C'est dans cet atelier que sont édifiés les décors où se déroule l'action du film. Les prises de vues et de sons dites « en extérieur » sont destinées aux scènes qui exigent un décor qu'il serait trop difficile ou trop coûteux de reconstituer au studio (la campagne, la mer, les aspects typiques d'une ville, etc.).
Arts et litt.,1936, p. 88-10. 2. [Dans une œuvre picturale] Composition dont le thème est un groupe de personnes en action. Scène historique, mythologique; scène de chasse, d'intérieur. Toujours des points de vue aux teintes roses ou bleuâtres dans le ciel, aux arbres à demi effeuillés, − avec des champs dans le lointain ou sur le premier plan des scènes champêtres (Nerval,Filles feu, Angélique, 1854, p. 535).Avant de quitter le tableau mes yeux revinrent à la rive où fourmillent les scènes de la vie vénitienne de l'époque. Je regardais le barbier essuyer son rasoir, le nègre portant son tonneau, les conversations des musulmans, des nobles seigneurs vénitiens (Proust,Fugit.,1922, p. 647). ♦ Scène de genre*; scène de mœurs*. − P. anal. [Dans la vie quotidienne, envisagée comme une compos. picturale] Voilà l'hiver tout à fait revenu avec ses scènes de neige, ses collines, ses plaines, ses arbres tout blancs (Chênedollé,Journal,1832, p. 157).Ces tornades, dont la violence est extrême, sont, à mon avis, la plus belle scène de la nature intertropicale (Gide,Voy. Congo,1927, p. 692). C. − P. ext. Événement, suite d'événements envisagés comme un spectacle présentant en lui-même une unité et suggérant des impressions, des émotions par certains aspects remarquables, intéressants (relevant d'un registre comique, dramatique, etc.). Scène affreuse, dramatique, terrible, tragique; scène attendrissante, plaisante, touchante; scène bouffonne, curieuse, extraordinaire, grotesque, singulière; scène de carnage, de désolation, d'horreur, de violence; être témoin d'une scène; assister à, contempler, évoquer une scène. Un poète tragique à qui l'on demandait au commencement des scènes sanglantes de la Révolution, s'il s'occupait de quelque ouvrage, répondit: la tragédie à présent court les rues. Tout est vraisemblable, et tout est romanesque dans la révolution de la France (Sénac de Meilhan,Émigré,1797, p. 1549).Je pense encore à cette scène comique d'une famille en prière autour d'un autel à Marie édifié sous une panoplie de trophées coloniaux (J. Bousquet, Trad. du sil.,1936, p. 197). ♦ Domaine littér.Scènes de la vie privée, Scènes de la vie de province, Scènes de la vie parisienne de Balzac; Scènes de la vie de Bohème de Murger; Scènes de la vie future de Duhamel. − En partic. ♦ Emportement bruyant, explosion de colère (d'une personne ou d'un groupe de personnes). Synon. altercation, esclandre, dispute, querelle, accrochage (fam.), prise de bec* (fam.).Scène houleuse, injurieuse, violente; scènes continuelles; scène de jalousie; avoir une scène avec qqn. Madame Bovary mère (...), après une épouvantable scène avec son mari, était venue se refugier chez son fils (Flaub.,MmeBovary, t. 2, 1857, p. 31): 7. ... continuellement, les scènes recommencèrent pour l'argent. Elle en exigeait avec brutalité, c'étaient des engueulades au sujet de sommes misérables, une avidité odieuse de chaque minute, une cruauté à lui répéter qu'elle couchait avec lui pour son argent, pas pour autre chose...
Zola,Nana,1880, p. 1450. Faire une scène (à qqn). Se fâcher violemment, s'emporter (contre quelqu'un). Il fit à Tartarin-Quichotte une scène effroyable, l'appelant toqué, visionnaire, imprudent, triple fou, lui détaillant par le menu toutes les catastrophes qui l'attendaient dans cette expédition (A. Daudet, Tartarin de T.,1872, p. 34).Ma famille me faisait les scènes les plus dures dans des lettres interminables et menaçait de me couper les vivres (Jouve,Scène capit.,1935, p. 229).Scène de ménage*. ♦ Démonstration affectée, emphatique. [Sa mère] sortit comme une femme venue pour faire une scène à effet, en se drapant dans du dramatique (Goncourt,Man. Salomon,1867, p. 372).Il imaginait avenue Mozart, avenue de Villiers, de grandes scènes attendries, des phrases émues, une comédie de générosité, de chagrin (Nizan,Conspir.,1938, p. 188). ♦ PSYCHANAL. Scène primitive ou originaire. ,,Scène de rapports sexuels, observée ou fantasmée par l'enfant, entre les parents; elle est généralement interprétée comme un acte de violence de la part du père`` (Ancelin Sc. hum. 1982). V. primitif A 1 c. REM. Scénette, subst. fém.Petite scène (supra II C). Je fais table rase de tous les menus souvenirs et je dis: « Quoi! des scénettes touchantes que je fabrique pour m'attendrir! Vais-je m'empêtrer là dedans! Je suis centre des choses; elles me doivent obéir (Barrès,Homme libre,1889, p. 224). Prononc. et Orth.: [sεn]. Homon. cène, saine, seine, senne. Ac. 1694, 1718: scene; dep. 1740: scène. Étymol. et Hist. A. 1. a) 1531 [date de l'éd.] « représentations théâtrales de l'Antiquité » (Raoul de Presles, Cité de Dieu, II, expos. sur le ch. 8 ds Gdf. Compl.); b) 1558 « partie du théâtre dans laquelle jouent les acteurs » (Du Bellay, Regrets, 82, éd. J. Jolliffe et M. A. Screech, p. 154); 1676 « dans l'Antiquité, mur de fond d'un théâtre » (Félibien, p. 733); c) 1690 « le théâtre lui-même » (Fur.); d) 1694 paraître sur la scène (Ac.); 1835 entrer en scène « passer des coulisses à la vue du public (Ac.); 1899 porter à la scène, v. porter; e) 1668 « cadre d'une certaine ampleur dans lequel se déroule une action » (La Fontaine, Fables, livre V, Le Bûcheron et Mercure); 1831 quitter la scène « se retirer » (Chateaubr., Ét. ou Disc. hist., t. 4, p. 184); 1835 être en scène « briller dans le monde » (Ac.); 1874 entrer en scène fig. « faire son apparition » (Hugo, Quatre-vingt-treize, p. 212); 2. 1646 « l'art dramatique, le théâtre » (Rotrou, St Genest, I, 5 ds
Œuvres, t. 5, p. 17); 1683 la scène française (Boileau, Epître VIII ds Littré); 3. 1665 « lieu où se passe l'action dramatique » (Molière, Dom Juan, II, 1); 4. 1671 « décor du théâtre » (Id., Psyché, prol.). B. 1. a) Av. 1574 « partie, division d'un acte » (Jodelle,
Œuvres complètes, L'Eugène, Prologue, II, 12 ds Quem. DDL t. 21); b) 1882 la scène à faire (F. Sarcey, Quarante ans de théâtre, t. III, p. 37); c) 1830 « toute action partielle dans une œuvre non théâtrale » (Balzac, Gobseck, p. 425); 2. 1680 « en peinture, composition où figurent des personnages en action » (Rich.); 3. a) 1660 « tout spectacle offrant une certaine unité, constituant un spectacle remarquable » (Retz, Conclave d'Alex., VI ds Littré); b) 1963 psychanal. scène primitive (Lafon); 1967 scène originaire (Lapl.-Pont.); 4. 1676 « emportement, esclandre » (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 2, p. 260); 1782 faire une scène à qqn (Mmede Genlis, Ad. et Th., t. 1, p. 288 ds Pougens ds Littré); 1875 scènes de ménage (Lar. 19e). Empr. au lat.scaena « scène d'un théâtre, théâtre », « scène publique, scène du monde », « mise en scène, comédie, intrigue », « partie d'un acte », gr. σ
κ
η
ν
η
́ « construction en bois, couverte, où on jouait les pièces de théâtre », d'où « partie de la scène où jouaient les acteurs », « fiction de théâtre », d'où « fiction, mensonge ». Fréq. abs. littér.: 9 961. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 14 421, b) 13 249; xxes.: a) 15 556, b) 13 601. Bbg. Born. 1967, p. II, 68. − Gohin 1903, p. 339. − Quem. DDL t. 10, 9 (s.v. scénette). − Schmitt (Ch.) Gräkomane Sprachstreitschriften als Quelle für die frz. Lexikographie. Mél. Baldinger (k.) 1979, t. 2, p. 607). |