| SCANDALISER, verbe trans. A. − Qqn/qqc. scandalise qqn 1. Paraître incompréhensible à, dérouter la raison. Jésus (...) scandalise toujours, il décourage la chance, il s'expose, il se ridiculise, il se ferme les portes, il se crucifie (Cocteau, Poés. crit. II, 1960, p. 62). 2. RELIG. Être une cause de scandale pour quelqu'un, inciter à pécher. [Le faux Démétrius] scandalisa les dévots et les bons patriotes (...) il manquait à saluer les images des saints; il donnait des bals et des mascarades, il avait sa musique; il mangeait du veau (Mérimée, Débuts aventur., 1853, p. 268): ... quand Jésus a dit: « Si l'un de vous scandalise un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui avoir une pierre au cou et être jeté dans le fond de la mer, » il a voulu parler de ce qui est le mal, et il l'a entendu d'une manière absolue toute conforme à sa doctrine.
Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 343. 3. Susciter la réprobation, l'indignation, le blâme. Synon. choquer, offusquer. a) Qqn scandalise qqn (par qqc.).Mon gendre est un malheureux; il maltraite sa femme, il scandalise la ville, il se met de toutes les sales affaires (Zola, Conquête Plassans, 1874, p. 1115). b) Qqc. scandalise qqn.Sa mère (...) fut scandalisée d'apprendre que son fils s'affichait avec une chanteuse (France, Révolte anges, 1914, p. 247).Fait notable, elle fumait, ce qui scandalisait les petites gens de la maison (Duhamel, Jard. bêtes sauv., 1934, p. 82). 4. Surprendre par sa nouveauté, son originalité, son absence de conformisme. Nous rencontrons des propositions qui scandalisent tout-à-fait notre raison, et qui cependant se trouvent ensuite démontrées par les raisonnemens les plus solides (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 2, 1821, p. 155).Merveilleux dès l'enfance comme Pascal, au point de scandaliser ses maîtres par sa prodigieuse précocité (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 288). − Empl. abs. Dans Le Spectre de la Rose où il [Nijinsky] se résumait, il apporta de la mauvaise grâce à partir de 1913. Car la chorégraphie du Sacre scandalisait et il supportait mal qu'on acclamât l'une et sifflât l'autre (Cocteau, Diff. d'être, 1947, p. 58). B. − Qqn se scandalise de/de ce que/que 1. RELIG. Voir un scandale dans quelque chose. Qui est-ce qui se scandalisoit, à cause des malades qu'il guérissoit le jour du Sabbat? Les scribes et les pharisiens (Lamennais, Paroles croyant, 1834, p. 202).Paul recommande aux Corinthiens d'avoir égard aux faibles. Ceux-ci se scandalisent de voir certains de leurs frères dans la foi participer aux repas sacrificiels dans les temples païens (Friest. 41967). 2. Ressentir le scandale de. Synon. se formaliser, s'indigner, s'offusquer.Bournisien se scandalisait d'une telle audace; Homais s'émerveillait d'une telle bêtise (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 187).Mon esprit scientifique se scandalise tous les jours de ce que mes congénères croient être la vérité absolue (Le Dantec, Savoir!1920, p. 33).Il est si timoré, si guindé, il se scandalise de tout. Si j'entre dans un bistro avec un trou à mon bas, il me fait la gueule! (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 202). − Empl. abs. Ah! on avait bien tort de pincer les lèvres et de se scandaliser, il n'y avait pas de quoi! (Mille, Barnavaux, 1908, p. 266). REM. Scandalisé, -ée, part. passé en empl. adj.Qui manifeste le scandale. Jouques tira de sa poche un paquet de cigarettes et en offrit. Il y eut un étonnement scandalisé (Estaunié, Empreinte, 1896, p. 20).Empl. subst. Personne scandalisée. Parce que le héros d'une pièce ou d'un roman est bizarre, compliqué (...) les gens refusent de comprendre, ou font les scandalisés (Léautaud, Théâtre M. Boissard, 1926, p. 27). Prononc. et Orth.: [skɑ
̃dalize], (il) scandalise [-i:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin xiies. scandelisier « provoquer du scandale » (Sermons St Grégoire sur Ezechiel, éd. K. Hofmann, p. 52, 5: li Phariseu sunt scandeliziet de la parolle que tu disis); ca 1393 scandaliser (Ménagier de Paris, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, I, 3, § 42, p. 25, ligne 21); 2. fin xiiies. scandalizer « mettre en danger de péché » (Jean de Meun, Testament, éd. M. Méon, var. ms. Vatican 1492, t. 4, p. 105). Empr. au b. lat. eccl.scandalizare « faire tomber dans le péché, être une occasion de chute pour quelqu'un » 1remoit. iiies. ds Blaise Lat. chrét., « heurter, choquer, irriter » ives., ibid., également en lat. médiév. « abaisser, humilier » ixes. ds Nierm., « jeter dans le désarroi » 833, ibid., du gr. σ
κ
α
ν
δ
α
λ
ι
́
ζ
ω « inciter au mal, scandaliser » LXX, NT et au passif « être offensé » (Chantraine), de σ
κ
α
́
ν
δ
α
λ
ο
ν, v. scandale. Fréq. abs. littér.: 797. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 701, b) 1 054; xxes.: a) 1 321, b) 1 428. |