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SCABREUX, -EUSE, adj.
A. − Vx. [En parlant d'un chemin, d'une voie d'accès] Raboteux, rude, sur lequel il est difficile de marcher. Le château était embusqué dans un sentier scabreux pour le fermer à l'ennemi (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 305).Nous gravissions les marches d'un escalier scabreux pratiqué dans la partie la plus ancienne du Saint-Sépulcre et qui montait jusqu'au toit (Morand,Route Indes, 1936, p. 296).
En partic. ,,Relief scabreux. Hérissé, aigu``(Plais.-Caill. 1958). ,,Pierre scabreuse. Raide, raboteuse`` (Plais.-Caill. 1958).
B. − Au fig.
1. Qui présente des difficultés ou des risques. Synon. dangereux, délicat, embarrassant, hasardeux, périlleux, risqué.Affaire, entreprise scabreuse. Après avoir bravé bien des dangers dans ce scabreux voyage, il fut à son retour jeté par la tempête sur les côtes de Zante, où il mourut de faim (Borel, Champavert, 1833, p. 81).Le doute injurieux et la malveillance de ses confrères locaux le poussent alors, pour imposer la vérité de ses affirmations, à une scabreuse aventure. Avec son interne Velpeau, il escalade la nuit les murs du cimetière, va déterrer les cadavres des enfants morts la veille d'angine, pour examiner leur gorge et consigner avec exactitude le siège, l'aspect, l'étendue de leurs lésions (Bariéty, Coury, Hist. méd., 1963, p. 612).
− Dans le domaine de la mus.Synon. compliqué, délicat, difficile.On a de lui [Dominique Scarlatti] de nombreuses sonates, et de charmantes pièces de clavecin, d'une exécution assez scabreuse (Lavignac, Mus. et musiciens, 1895, p. 501).Il arrive même qu'il [le chef] isole dans telle ou telle partie instrumentale, certains traits scabreux dont il révélera à ses musiciens le mode d'exécution le plus sûr − doigté ingénieusement trouvé, accent rythmique sur lequel s'appuyer, etc. − (Arts et litt., 1936, p. 60-8).
En partic. Qui est embarrassant à traiter, à évoquer. Synon. délicat, épineux.Moment, problème scabreux; situation scabreuse. Cette question scabreuse n'a plus lieu dans une association universelle, qui absorberait tout antagonisme (Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 73).
[Dans un constr. impers.] Voyez comme il est toujours scabreux de prescrire et de contraindre (Biot, Pol. santé publ., 1933, p. 39).
2. Cour. Qui risque d'offenser la pudeur, de choquer. Synon. choquant, déplacé, inconvenant, indécent, licencieux, osé.Sujet scabreux; histoire scabreuse; aventures, pièces, scènes scabreuses. Ne voyez-vous pas, monsieur, à la manière leste et dégagée dont je parle d'amant, d'amour, de tout ce qu'il y a de plus scabreux pour une femme, que je suis parfaitement sûre de rester vertueuse? (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 5).Qu'appelez-vous des pratiques anti-naturelles?... interrogea, sur un ton dont l'ironie s'aggravait d'une intention polissonne, un peu lourde, la baronne Gogsthein, qui se plaisait aux situations scabreuses (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 201).
Prononc. et Orth.: [skabʀø], [ska-], fém. [-ø:z]. Littré, Barbeau-Rodhe 1930 [ɑ]; Rob. 1985, Lar. Lang. fr. [a]; Warn. 1968 [ɑ], [a]; Martinet-Walter 1973 [a], [ɑ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1500 « dont la surface est inégale, rude, raboteuse (d'une voie, d'un passage) » (J. d'Auton, Chron., éd. R. de Maulde La Clavière, t. 1, p. 151); 2. 1501 au fig. « qui présente des dangers, des risques » (A. de La Vigne, Complaintes et Epitaphes du Roy de la Bazoche, 31 ds Rec. poés. fr., t. 13, p. 388: scabreuse deffortune); 3. 1503 id. « dur, grossier (du langage, du style) » (J. Lemaire de Belges, La Plainte du Désiré, 84, éd. D. Yabsley, p. 79); 4. 1718 (Le Roux: Scabreux. Se dit aussi, lorsqu'on dit quelque chose d'un peu libre). Empr. au lat. tardifscabrosus « rude, raboteux, inégal; sale », dér. de scaber « id. ». FEW t. 11, p. 262. Fréq. abs. littér.: 129. Bbg. Wind 1928, p. 103, 207.